rien à FAIRE
Je vous ai dit pourquoi je n’ai pas fait ce qu’on voulait ; il faut vous dire pourquoi je n’ai pas fait autre chose. J’examinais si je rejetterais absolument le parti que l’on voulait me faire prendre ; cela m’a conduit à examiner quel autre je prendrais, et à quelle détermination je m’arrêterais. / Il fallait choisir, il fallait commencer, pour la vie peut-être, ce que tant de gens, qui n’ont en eux aucune autre chose, appellent un état. Je n’en trouvai point qui ne fût étranger à ma nature, ou contraire à ma pensée. J’interrogeai mon être, je considérai rapidement tout ce qui m’entourai ; je demandai aux hommes s’ils sentaient comme moi ; je demandai aux choses si elles étaient selon mes penchants, et je vis qu’il n’y avait d’accord ni entre moi et la société, ni entre mes besoins et les choses qu’elle a faites. Je m’arrêtai avec effroi, sentant que j’allais livrer ma vie à des ennuis intolérables, à des dégoûts sans terme comme sans objet. J’offris successivement à mon cœur ce que les hommes cherchent dans les divers états qu’ils embrassent. Je voulus même embellir, par le prestige de l’imagination, ces objets multipliés qu’ils proposent à leurs passions, et la fin chimérique à laquelle ils consacrent leurs années. Je voulais, je ne le pus pas. Pourquoi la terre est-elle si désenchantée à mes yeux ? Je ne connais point la satiété, je trouve partout le vide.
Senancour, Obermann.
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