lundi 30 avril 2012

Réponse (tardive) à l’imbécile de Paris ci-devant Maître du Bas Château beauceron


Le temps passant pour tout le monde, et comme personne ne sait de quoi demain sera fait, je ne pas voulu laisser sans réponse les galipettes dialectiques du « Maître du Bas Château » (beauceron) qui n’a pas hésité à descendre jusqu’au niveau de l’avorton pour le fustiger. Contrairement au « Vieux de la Montagne » (auvergnate) qui, se situant encore un cran au-dessus dans l’échelle de l’être, trouvait naturellement impensable de descendre « jusqu’au niveau de l’insecte » qui remettait imprudemment en cause le fait pourtant indubitable qu’il soit l’inventeur du spectacle, pour l’écraser.

Je reproduis ci-dessous un article du knock-blot de Mr Ripley qui, paraît-il s’amuse bien — allez-y voir vous même, si vous ne le croyez pas —, agrémenté de quelques commentaires « virtualistes », comme il se doit.


 
Propos d’un avorton virtualiste
Un mètre cinquante cinq, quarante quatre kiloUn adepte de la lecture virtuelle

  « Prenons ce que Voyer considère comme sa grande découverte “scientifique” : l’inexistence de l’économie. Au début, il s’agissait de dénoncer l’économie comme une idéologie ; ce qui était tout à fait pertinent. Pour ce faire, il suffisait de montrer l’économie pour ce qu’elle est en réalité : une vision utilitariste et intéressée du monde qui essaie de se faire passer pour vue objective et scientifique.

Il se trouve qu’à l’époque où Voyer développe brillamment cette thèse l’universitaire Louis Dumont publiait un livre où il expose la même. »
(Cap’tain Nullus, in « Une imposture intellectuelle » on: 16. December 2005 at 07:45)
Cité par Mister Toto le 25 avril 2006

« Au début, il s’agissait de dénoncer l’économie comme une idéologie ; ce qui était tout à fait pertinent. » Ce début n’eut pas lieu dans ma vie et ne fut pas de mon fait puisque Engels en 1840, avant même que Marx n’eût lu la moindre ligne d’économie politique, fit très bien cette dénonciation. Ensuite, jamais je n’eus pour but de « montrer l’économie pour ce qu’elle est en réalité : une vision utilitariste et intéressée du monde qui essaie de se faire passer pour vue objective et scientifique. » mais bien de montrer que l’économie n’existe pas, de montrer ce que l’économie est en réalité, c’est à dire rien

Voyer a donc réussi le tour de force de n’avoir rien montré : chapeau l’artiste !

Dès 1962, lors de la première lecture du capital, je ne fus pas choqué par l’aspect utilitariste de l’économie politique mais par la prétention de Marx à faire de l’économie — prétendument une partie de la société — ce qui détermine en dernière instance tout ce qui se passe dans la société et l’histoire de cette société. La conclusion qui s’imposa à moi fut que l’économie ne pouvait pas déterminer en dernière instance tout ce qui se passe dans la société et dans l’histoire de cette société pour la bonne et simple raison que l’économie n’existe pas. Je n’ai donc jamais développé brillamment la thèse dont parle l’avorton. Cet avorton est aussi un imbécile (un petit imbécile), ce qui n’est pas nouveau. Le Debordel est un repaire d’imbéciles. (A propos d’imbéciles : vous remarquerez que lorsque je réponds publiquement à un auteur, je prends soin de citer le texte. Cela laisse donc toute liberté à cet auteur de modifier son texte autant qu’il le voudra sans pour autant changer la teneur de mes propos. Qu’est-ce qu’il y a comme petits cons quand-même. Quelle pullulation.)

Évidemment, rien ne peut rien déterminer : Ce Qu’il est inutile De Démontrer. Il est fort ce Voyer !

Conclusion : la thèse qu’expose Dumont n’est pas la même et croyez bien que je le regrette. Il a fallu que j’attende vingt ans pour trouver des auteurs qui soutinssent la même thèse. Aujourd’hui je ne suis plus seul. Je connais au moins cinq auteurs qui sont sur les mêmes positions, l’un d’eux totidem verbis : « cet objet n’existe pas. Ce qui existe, c’est un discours économique qui fabrique ses propres objets et qui finit par croire à l’existence extérieure de ces êtres fantastiques qu’il a lui-même engendrés » ou encore « L’illusion de l’existence objective d’une structure sociale appelée “économie de la société” est si puissante que Marx en fit la base de la société et inventa une contradiction tout aussi illusoire entre cette base imaginaire et une prétendue superstructure politique » et encore : « Cette manière de penser transforme un classement, dont l’intellect a besoin pour démêler l’écheveau des relations empiriques, en une structure-substance historique pourvue d’une efficacité causale quasi divine. »  (« idéologie délirante » n’est-ce pas, sans doute le fait d’un dément doublé d’un fanatique furieux. Amaïh Pleksy-Gladz !) — sans oublier celle-ci, de Polanyi (encore un dément), qui est bien bonne —. De plus c’est un spécialiste de comptabilité nationale (un surintendant) et des physiocrates. Il a travaillé vingt cinq ans sur la question. Remarquable travail. C’est un inappréciable bonheur de lire un économiste qui écrit froidement que l’économie n’existe pas, qu’existe un discours économique, mais que n’existe pas d’objet économique de ce discours (cependant, ce discours a un objet, je n’aborderais pas cette question ici). Je n’aurais jamais attendu ça d’un économiste, qui pourtant est le plus qualifié pour le dire et qui nous donne un livre parfaitement étoffé, ce que je suis incapable de faire. On the road, c’est difficile en effet. Pour une fois mes impôts furent bien employés. 

La thèse de Dumont n’est donc pas la même que celle de Voyer : dont acte — heureusement d’ailleurs : Dumont veut dire quelque chose ; Voyer ne veut rien dire.

 D’autre part, l’économie qu’il s’agissait de dénoncer comme une idéologie (en 1840) est l’économie politique devenue depuis science économique ou doctrine économique. Or jamais je ne me suis soucié de prouver quoi que ce soit à propos de l’économie politique, ni de la science économique. Je me suis contenté de rapporter ce que d’autres que moi avaient déjà dit de cette idéologie, Marx et Engels, les anthropologues et ethnographes, Weber, bien mieux que je n’aurais pu le faire moi-même et cela afin d’étayer ma thèse qui est que l’économie n’existe pas. L’économie dont j’ai fait l’objet de ma recherche et dont j’affirme qu’elle n’existe pas n’est pas l’économie politique mais la réalité économique. C’est également cette économie-là dont Marx prétendait qu’elle était une partie de la société, qui plus est déterminante. Cet avorton est un crétin (un petit crétin). Ce que je considère comme ma grande découverte, en 1975, après treize ans d’effort,  n’est pas l’inexistence de l’économie mais que « La valeur est un échange effectué en pensée ». J’ai résolu — en comprenant, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, la grammaire du mot valeur, grammaire qui n’a jamais posé de problème dans l’usage, à travers les millénaires, mais seulement dans la… métaphysique — une question qui tourmentait déjà Aristote (ce qui fit dire, en 1976, à Pierre Balthazar de Muralt, patron et fondateur des éditions Rencontre qui permirent à Popu de lire Balzac en entier — 2.200 employés — que j’étais le nouvel Aristote. Un ancêtre de cet homme est l’inventeur de l’Ovomuraltine).  L’inexistence de l’économie en découle. La grandeur de la découverte « L’économie n’existe pas » n’est pas de mon fait mais de celui de la résistance acharnée et furibonde qu’elle occasionna. C’est cette résistance qui est grande même si elle compte des avortons dans ses rangs. Pour ma part, je n’ai consacré à cette découverte que deux lignes dans mon livre de 1976. Pour moi, elle allait dorénavant de soi. Je fus le premier surpris de la résistance qu’elle provoqua. C’est d’ailleurs ce qui me permit de découvrir l’importance de ce que des milliers de petits cons nomment mon idéologie délirante. 

« L’économie dont j’ai fait l’objet de ma recherche et dont j’affirme qu’elle n’existe pas n’est pas l’économie politique mais la réalité économique. » Voyer a donc recherché, trouvé et fait voir quelque chose qui n’existe pas, c’est-à-dire : rien. Il est très fort ce Voyer !

Résumé : il ne s’est jamais agi pour moi de démontrer que l’économie politique était une idéologie. Cela Engels et Marx l’avaient déjà fait très bien au point qu’on emploie couramment aujourd’hui l’expression « une idéologie au sens de Marx ». Au contraire, c’est parce que j’ai découvert que l’économie n’existait pas que, de ce fait, existe une raison supplémentaire (donc suffisante mais non nécessaire), nullement envisagée par Marx, pour que l’économie politique soit une idéologie. La cécité de Marx sur ce point implique qu’il fut la première victime de l’idéologie qu’il dénonçait. Et je n’ai stigmatisé l’utilitarisme de cette idéologie que pour stigmatiser celui de Marx et celui de la résistance acharnée et furibonde qu’occasionna ma découverte dans les circonstances que l’on connaît. Ce qui a lieu d’abord, c’est la découverte que l’économie n’existe pas (1976). Ce qui vient ensuite, c’est la stigmatisation de l’utilitarisme de l’économie politique (après 1979). Ce n’est pas l’économie politique que j’attaque, c’est l’utilitarisme, où qu’il soit (il est partout comme le célèbre journal collabo). Au début (1962), il s’agissait pour moi de critiquer la prétention fantastique de Marx à vouloir expliquer la société par une partie de la société (ce qui rappelle, mutatis mutandis, la projet de Hilbert pour fonder les mathématiques par une partie des mathématiques) et nullement de prouver quoi que ce soit concernant l’économie politique : « Ce qu’il y a de plus grossièrement faux dans la théorie de Marx consiste dans sa prétendue critique de l’économie [politique] où il ne cesse de maintenir, sous couvert de critique, le point de vue même de l’économie [politique]. » (Rapport sur l’état des illusions, p. 45, 1979). Quel est ce point de vue de l’économie politique ? Que l’économie existe, évidemment. Et pourquoi ? Parce que c’est l’objet qu’elle étudie, preuve indiscutable (virtualisme) de son existence (superintendant Fourquet encore : « A la limite, pour définir la science économique, il suffira de dire qu’elle est la science de l’économie, et le tour sera joué. La tautologie paraît grossière, elle confine à la supercherie, mais Say ne fait pas autrement quand il dit “l’économie politique est la simple exposition des lois qui président à l’économie”. »). C’est le fait que l’économie politique croie à l’existence d’une réalité économique (Marx a porté cette croyance jusqu’à l’adoration) qui implique qu’elle est une idéologie utilitariste. Donc : c’est ma découverte de l’inexistence d’une réalité économique qui met en pleine lumière cet utilitarisme et non l’inverse.

En résumé : Voyer ne voulait pas « démontrer que l’économie politique était une idéologie » ; c’était déjà fait par Marx. Il voulait stigmatiser « l’utilitarisme de cette idéologie » ; et ce qu’il attaque en réalité « c’est l’utilitarisme, où qu’il soit » — et donc chez Marx particulièrement ; parce que Marx fait une critique de l’économie politique du point de vue de l’économie politique — quel con ce Marx !  Et : « Quel est ce point de vue de l’économie politique ? Que l’économie existe, évidemment. Et pourquoi ? Parce que c’est l’objet qu’elle étudie, preuve indiscutable (virtualisme) de son existence ». Or, Voyer, grand détecteur de virtualisme, a bien vu, lui, qu’il n’en est rien ; et que donc Marx ne pouvait rien critiquer en faisant la critique de l’économie politique puisqu’elle est sans objet : nada de nada ! Il est décidément très très fort ce Voyer.

(À suivre)

vendredi 27 avril 2012

Lectures – Le mouvement situationniste

Extraits :

Esthétique organisationnelle

[…] / Déjà en leur temps l’IL et l’IS avaient multiplié les structures mystérieuses : le Groupe de recherche psychogéographique, le Comité psychogéographique de Londres, le Bureau de recherche pour un urbanisme unitaire, le Comité européen pour la relance de d’une expansion humaine, l’Institut de vandalisme comparé, l’International Cultural Enterprises Ldt et le projet Sigma d’Alexander Trocchi, le Coucil for the Libération of Daily Life (CLDL) de Robert Chasse et Bruce Elwell, etc. on sait que ces structures étaient loin d’avoir toutes une existence effective… […] / Ayant pris ses distances avec l’esthétique en art, le mouvement situationniste l’avait en fait réintroduite dans la formalisation de son action collective. C’était une esthétique parodique qui garantissait  une « critique de la politique », détournant avec humour aussi bien les organisations bureaucratiques de l’Ouest (l’IS avait par exemple décidé de calquer son organisation interne sur les structures de l’Otan*) que celles de l’Est (par l’adoption d’un Comité central, l’autodéfinition de l’IS sur le modèle léniniste de l’avant-garde de révolutionnaire professionnels, ou encore, au temps de l’IL, la pratique de l’autocritique). Même l’exclusion, dont Chtcheglov devait dire qu’elle faisait partie de la légende situationniste — une légende noire pour beaucoup d’interprètes — était finalement plus un jeu qu’une mesure disciplinaire : Walter Lewino, un ami proche de Michèle Bernstein, raconte ainsi qu’elle et Guy Debord « se demandaient parfois au réveil lequel ils allaient exclure, et au besoin le tiraient au sort »… À examiner dans le détail l’histoire de l’IS, on se rend d’ailleurs compte que nombre d’exclusions furent loin d’être des oukases rigoureusement appliqués, beaucoup de situationnistes continuant de fréquenter d’anciens camarades exclus, voire de collaborer avec eux. […] / Considérant cela, il n’est pas étonnant que l’existence même de l’Internationale situationniste soit devenu un objet de création et de recréation, et ce dès le début des années 1960 avec la fondation  de la « Deuxième Internationale situationniste ». En mars 1962, le danois Jørgen Nash (frère d’Asger Jorn), la hollandaise Jacqueline de Jong et les suédois Katja Lindell, Hardy Strid, Stefan Larson et Ansgar Elde, tous membres de l’IS qui avaient protesté contre l’exclusion de groupe Spur, se voient contraint de partir à leur tour. La ferme de Jørgen Nash, à Drakabygget dans le sud de la Suède, va leur servi de point de ralliement et de laboratoire collectif pour un « art situationniste » : ils fondent un « Bauhaus situationniste » et y publient la revue Drakabygget qui connaîtra cinq numéros jusqu’en 1966. Très vite rejoins par le danois Jens Jørgen Thorsen, l’anglais Gordon Frazakerley et un certain Patrick O’Brien**, ils vont transformer ce Bauhaus en une Deuxième Internationale situationniste, dont le manifeste est prononcé en août 1962 lors d’une réunion à Stockholm. […] / Coïncidence amusante : à la même époque que la Deuxième Internationale situationniste apparaît la « Deuxième Internationale lettriste », dont il faut dire un mot. De la « première » Internationale lettriste, Jean-Louis Brau avait été exclu en juin 1954, Gil Wolman le sera à son tour à la veille de la constitution de l’IS, en janvier 1957. En 1959, les deux complices reprennent leurs expérimentations plastiques entamées dix ans plus tôt autour des métagraphies lettristes. C’est le prélude à leur retour au sein du groupe lettriste, où les rejoint François Dufrêne, autre disciple dissident d’Isidore Isou, qui avait crée en 1953 l’Ultra-lettrisme, et qu’on retrouvera plus tard au sein du Nouveau Réalisme. Voilà donc Dufrêne, Brau et Wolman participant à plusieurs manifestations collectives lettristes, y développant des propositions poétiques et plastiques inédites (notamment l’« art-scotch » inventé par Wolman). Mais à l’automne 1964, à l’occasion d’une polémique survenue lors de l’exposition Lettrisme et Hypergraphie à la galerie Rodolphe Stadler, Dufrêne, Brau et Wolman quittent définitivement le groupe d’Isou. Une rupture qui a un petit air de déjà-vu… Dès lors, ironiquement, les deux acolytes se forment en Deuxième Internationale lettriste — la « DIL », comme dira Wolman. Même si celle-ci n’a produit que très peu d’œuvres — on retiendra surtout son manifeste sonore intitulé Poésie physique, sous la forme d’un triple 45 tours publié chez Achèle en 1965 —, elle a surtout été une histoire d’amitié entre trois hommes réunis par même recherche de l’oralité en poésie, faisant retour par delà les enregistrements et manipulations de voix sur bande magnétiques, au corps lui-même, vecteur du souffle, entre cri et halètement. / Dans la continuité de ces tentatives de secondes vies de l’IL et de l’IS, après 1972, le projet de reconstituer l’organisation situationniste qui venait de se dissoudre à traversé l’esprit d’un bon nombre de personnes qui avaient y été associés, en avaient été exclues, où en chérissaient le souvenir. En 1974, Jens Jørgen Thorsen, qui avaitété l’un des plus actifs au sein de la Deuxième IS, parvient à rassembler autour de lui un certains nombre d’anciens situationnistes : son vieux complice Jørgen Nash, mais aussi le danois J.V. Martin, les anciens membres du groupe Spur Heimrad Prem et Helmut Sturm, ou encore l’américain Jon Horelick. L’objectif de former une « Antinationale situationniste », dont un projet de manifeste paraît dans la revue du même nom cette année-là. Mais cette initiative n’aura pas de suite… En 1983, c’est cette fois du côté des groupuscules post-situationnistes que l’on s’active à la constitution d’une « Troisième Internationale situationniste » : à Paris, dans des circonstances abracadabrantes, se réunissent plusieurs dizaines de théoriciens venus des quatre coins du monde, avec l’ambition de remettre sur pied une organisation révolutionnaire semblable à l’IS. Là encore ce sera peine perdue, faute d’avoir réussi à mettre tout le monde d’accord***.

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* « Renseignements situationnistes », IS n°8, janvier 1963.

** Probablement le pseudonymes de Guy Atkins, un proche d’Asger Jorn qui éditera dans les années 1970-1980 un catalogue raisonné se ses œuvres.

*** Cf. le petit livre d’Yves Tenret, Comment j’ai tué la troisième Internationale situationniste, Paris, Éditions de la Différence, 2004, qui raconte cet épisode avec un humour dévastateur.


Patrick Marcolini, Le mouvement situationniste, Une Histoire intellectuelle, L’échappée.

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Signalons la parution de l’ouvrage de Patrick Marcolini : Le Mouvement situationniste, Une Histoire intellectuelle, L’échappée.

« Ce livre analyse avec précision les racines culturelles des théories et des pratiques situationnistes. Il explore également leur postérité diverse et souvent contradictoire : entre récupération et radicalisation, du côté des intellectuels postmodernes ou de l’art contemporain, chez les stratèges du pouvoir néocapitaliste comme dans les rangs des révoltés d’aujourd’hui. »

La dernière partie : Circulations (de 1972 à nos jours) et les chapitres qui la constituent : Une continuité, Les post-situationnistes / Une reconnaissance, Les intellectuels / Un dépassement, Les arts et la littérature / Un renouvellement, L’action politique, apparaît, à première vue, comme la plus intéressante du livre.

Nous y reviendrons.

jeudi 26 avril 2012

Lumières de la paléo-sociologie


« Depuis le paléolithique, l’humanité oscille entre déplacement et repli. Depuis 50-60 ans, nous sommes en Europe dans une période d’ouverture, d’universalisation, de nomadisme. Est-ce qu’on n’est pas en train de clore cette séquence ? Les populations dites fragiles se posent intelligemment la question du bénéfice qu’elles tirent de cette ouverture ! Il y a une nouvelle oscillation à l’œuvre, à gauche comme à droite, qui privilégie la fermeture, le réflexe des frontières. Est-ce que le vote protestataire n’est pas en train de muter vers un vote d’adhésion, une volonté d’avoir un état fort ? »*

C’est Philippe Breton, paléo-sociologue et politologue alsacien qui s’interroge ainsi devant le vote FN de ses compatriotes — creusez le terme, je vous prie — avec une acuité d’esprit proprement vertigineuse.

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* Dernières Nouvelles d’Alsaces du 25 avril 2012.

Le travail rend libre



« Le travail rend libre. » N. S.



mercredi 25 avril 2012

Debord et l’alchimie – Addendum 2


Toujours dans In girum qui est une référence en la matière ; et plus particulièrement à propos d’une image, celle de la tour Saint-Jacques que l’on aperçoit inscrite dans le triangle du Feu. Nous avons fait remarquer que la tour Saint-Jacques y est opposée à la tour Montparnasse comme à un double maléfique ; le commentaire qui accompagne l’image dit : « Nous voulions tout reconstruire, et eux aussi, mais dans des directions diamétralement opposées. Ce qu’ils ont fait montre suffisamment, en négatif, notre projet. » Donnons, à présent, quelques précisions sur cette tour Saint-Jacques qui éclaireront le sujet.



Aux angles supérieurs de la tour, encadrant une statue de saint Jacques qui les surplombe, se trouve quatre statues : un lion, un bœuf ailé, un aigle et un ange, qui représentent symboliquement les quatre évangélistes : « Celles que nous voyons aujourd’hui sont des copies exécutées lors d’un précédent toilettage du monument au XIXe siècle, à l’époque du percement de la rue de Rivoli. Les originaux dataient de la fin du chantier de la tour (1523, donc). / […] / À chacun est dévolu une partie de l’espace parisien. Cependant leur disposition actuelle n’est pas celle qui existait à l’origine. En effet, si l’on en croit les gravures réalisées avant la restauration de 1854-1858, l’ange devrait faire face au sud-est et se trouver à l’emplacement qu’occupe actuellement le bœuf. L’aigle devrait regarder le nord-est et être placé où se teint le lion. Le lion devrait être tourné vers le sud-ouest et se situer où se trouve l’ange. C’est lors de la mise en place des copies que cette erreur a été commise. Est-ce important ? Assurément, si l’on se plait à accorder une valeur aux symboles et que l’on porte crédit aux canons de l’architecture sacrée. Dans ce cas, en effet, ce défaut d’orientation signe une perversion de la mission de protection de Paris confiée aux quatre évangélistes. »

Mais revenons à l’alchimie : « Si l’on en croit les alchimistes Fulcanelli et Eugène Canseliet, les évangélistes sont aussi la représentation cryptée des principaux éléments du Grand Œuvre. […] Les quatre évangélistes désignent […] dans l’iconographie alchimique les quatre éléments cardinaux qui sont les modalités initiales de la substance unique à former. » Poursuivons. « Lors de la campagne de fouilles effectuées au pied de la tour à l’époque de Napoléon III, les terrassiers firent deux découvertes significatives. La première est une pierre gravée, d’époque gallo-romaine, conservée aujourd’hui au musée Carnavalet, qui représente un Hermès armé du caducée et coiffé du pétase (ce même chapeau à large bords que porte le Bateleur, première lame du Tarot de Marseille dont la courbure reproduit explicitement le signe traditionnel de l’infini). […] De nombreux vestiges d’ateliers de ferronnerie ont été retrouvés alentour. Comme l’anthropologue Mircea Eliade nous l’apprend, l’art de la forge est l’ancêtre technique de celui des faiseurs d’or. Le quartier, donc, était prédestiné aux mystères particuliers de l’alchimie […]. »

N’oublions pas que lorsque Debord quitta avec ses compagnons la rue du Four et Moineau — où il avait dû s’initier à la langue des oiseaux —, c’est pour aller poser son bâton de pèlerin non loin de là, à la Montagne-(Sainte)-Geneviève, au Tonneau d’or, qui après avoir abrité l’I.L. restera longtemps l’adresse de l’I.S. Revenons à Saint Jacques : « Frère aîné de Saint Jean, le rédacteur de l’Apocalypse, Saint Jacques entama l'évangélisation de l’Ibérie (l’actuelle Espagne) avant de mourir décapité à Jérusalem, sur l’ordre d’Hérode. La tradition veut que ses reliques aient été amenées en Galice, sur les lieux de son principal apostolat. Les alchimistes chrétiens ne l’ont pas choisi sans raison comme étant leur protecteur. Sa légende, en effet, raconte qu’au IXe siècle, toute trace de son tombeau ayant été perdue depuis longtemps, un paysan espagnol avertit un jour son évêque que ses bœufs refusaient obstinément de labourer un de ses champs. La nuit, des fleurs médicinales miraculeuses poussaient là et, au-dessus d’elles, on pouvait voir briller une étoile d’un superbe éclat. L’évêque ordonna des fouilles. On découvrit un cercueil de marbre contenant un corps intact qui fut reconnue comme étant celui de l’apôtre. Une église fut aussitôt bâtie sur ce lieu qui fut désormais connu comme Campus stellae : Compostelle, le champ de l’étoile… / Pour les alchimistes, l’allégorie est parlante. Elle décrit l’une des phases les plus importantes de leur travail, celle au cours de laquelle apparaît, sur la matière préparée (autrement dénommée compost), une étoile (stella), signe de l’obtention du Mercure philosophique […]. »*

« Notre vie est un voyage – Dans l’hiver et dans la nuit… »** « Le pèlerinage vers ce sanctuaire était l’un des plus populaire au Moyen Âge et l’église de la Boucherie [dont la tour Saint-Jacques est le dernier vestige] en était le point de départ priviligié pour le nord de la France. […] Ils [les pèlerins] empruntaient la partie sud du grand cardo et quittaient vraiment la ville au niveau d’une autre église, celle de Saint-Jacques-du-Haut-Pas, derrière la Montagne-Sainte-Geneviève. Durant la nuit et pendant le parcours, les pèlerins se guidaient sur la Voie lactée, connue depuis sous le nom de Chemin de Saint Jacques, car sa dernière étoile montre le chemin de Compostelle »

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* Toutes les citations — sauf celle d’In girum et de Sur le passage — sont tirées du livre de Philippe Cavalier : Une Promenade magique dans Paris, Éditions Anne carrière.

** Sur le passage de quelques personnes à travers une assez courte unité de temps.