samedi 7 avril 2012

L’I.S., Image et Vérité / 8

Mension met l’accent, à juste titre, sur le fait que Debord considérait le groupe comme une petite fratrie. Il ne s’agissait donc pas d’une organisation à proprement parlé. La contradiction apparaît quand le petit groupe commence à croître numériquement — problème qui était généralement réglé par l’exclusion des surnuméraires et le retour à un étiage minimum. Le point d’implosion ne sera atteint qu’après 68 avec l’afflux de nouveaux adeptes qui n’auront pas connus « l’époque héroïque » ; et cet afflux coïncide précisément avec la reconnaissance de l’I.S. à un moment où celle-ci est en réalité en bout de course. C’est cette histoire largement méconnue qu’il faut démêler.

François George, qui a été traumatisé tout petit  par Debord (le pauvre chou n’avait que seize ans), en donne la version (très malveillante) qui suit : « Son point de départ, quelques énergumènes dont la “créativité” se réduisait à des éructations (les lettristes), et le fameux comité psycho-géographique de Londres, qui comptait en tout et pour tout un seul membre, lequel fut promptement renvoyé à ses études, c’est-à-dire à la rue. Avec quelques débris d’épaves, Debord-Noé fit une arche, enfin, le “Sam suffit” d’un mégalo. Un fabriquant de papier peint italien, un buveur anglais, un joueur de poker d’origine russe, un barbouilleur du Jutland, un Allemand qu’on retrouvera du côté de la bande à Baader, un excité du Borinage, cela suffit pour faire contrepoids à l’OTAN. Tour à tour bookmaker, clergyman, torero, dit Maurice Leblanc d’Arsène Lupin. Guy Debord fit mieux : il se déguisa en internationale, subliminalement identifiée aux services secrets britanniques. On dit, d’un air d’initié, “les situationnistes”, alors qu’il n’y eu jamais que le soleil Debord tout au plus entouré de quelques satellites, voués à la désintégration. » Curieusement, François George qui traite de gourou celui qu’il nomme le « mage de l’impasse de Clairvaux » se refuse à considérer l’I.S. comme une secte « car d’une secte il est impossible de sortir : là il était impossible de rester ».


Mais trêve de plaisanterie. On peut lire généralement l’histoire de l’I.S. comme celle d’une fuite en avant. Et cette fuite en avant fut la consécutive du « pas en arrière » voulu par Debord*.

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Les citation de François George sont tirées du paragraphe intitulé : Impasse de Clairvaux de son livre : À la rencontre des disparus, Le Livre de Poche, signé François*George Maugarlone.

* Potlatch n° 28 (22 mai 1957), Un pas en arrière, article qui se concluait par : « En dernier ressort, ce qui jugera la politique que nous adoptons maintenant, ce sera  qu’elle se révèle capable de favoriser la constitution d’un groupement international plus avancé. À défaut, elle marquerait seulement le début d’une réaction générale dans ce mouvement. La formation d’une avant-garde dans la culture dépendrait alors de l’apparition d’autres forces. »


(À suivre)

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