mercredi 4 avril 2012

L’I.S., Image et Vérité / 6

« […] je pense, c’est très important de connaître quelqu’un au début parce que, comme on dit dans la théorie du chaos, les conditions initiales sont là […] »*, dit Marc, O en parlant du jeune Debord qu’il avait rencontré à Cannes lors de la projection du film d’Isou : Traité de bave et d’éternité.

Il y avait incontestablement chez Debord un profond nihilisme lui-même issu d’un sentiment désespéré de la vie ; et c’est ce nihilisme et ce désespoir sous-jacents qui ont constitué le terreau dont sont sorties l’I.L. et l’I.S. à sa suite ; et qui permettent de comprendre nombre de ses réactions tout au long de sa vie. Voilà ce qu’il écrivait à Chtcheglov à propos d’une lecture qu’il avait faite de Jean Rostand : « Très sympathique “biologiste anxieux” sans “aucune consolation philosophique”. Extrêmement important et moderne (déterminisme, aucune responsabilité, pas de sens à notre action). On peut en tirer à la fois le manifeste nihiliste de Février 53** […] et notre démarche actuelle. »***

Il y a donc au, départ cette vision de la vie quasi-gnostique**** et la décision d’en sortir par tous les moyens et coûte que coûte.

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* Interview pour la série de quatre émissions consacrées à l’I.S. sur France Culture en 1996.

** Il s’agit du Manifeste paru dans le n°2 d’internationale lettriste, qui commençait par : « La provocation lettriste sert toujours à passer le temps. » et finissait par : « Les rapports humains doivent avoir la passion pour fondement, sinon la Terreur. »

*** Guy Debord, Le Marquis de Sade a des yeux de filles, Librairie Arthème Fayard.


**** « Si le gnosticisme n’était qu’une série d’aberrations doctrinales propres à certains hérétiques chrétiens des trois premier siècles, sont intérêt serait purement archéologique ; mais il est bien plus que cela : l’attitude gnostique reparaître spontanément en dehors de toute transmission directe ; ce type spécial de religiosité présente même de troublantes affinités avec certaines aspirations toutes “modernes”. Le “gnosticisme” des hérésiologues constitue l’exemple caractéristique d’une idéologie religieuse tendant sans cesse à reparaître en Europe et dans le monde méditerranéen, aux grandes époques de crise sociale et politique. […] / […] Il suffit de se rappeler cette loi retouvée par les “phénoménologues” : l’esprit humain réagissant de la même manière en des conditions semblables, il n’est pas étonnant de retrouver un peu partout les mêmes aspirations. Il ne faut pas négliger, non plus, les filiations historiques, parfois inattendues. »

Serge Hutin, Les Gnostiques, PUF.


(À suivre)

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