lundi 16 avril 2012

L’I.S., Image et Vérité / 14

Si l’on revient sur l’histoire de l’I.S. — et de l’I.L. —, on constate schématiquement le même mouvement rétrograde. Cela commence par un petit noyau, agrégé par et autour de Debord et de sa parèdre, qui semble vouloir s’étoffer, pour brusquement revenir à la syzygie initiale — et le processus se reproduit à un niveau supérieur. Ainsi des débuts de l’I.S. rejouent l‘I.L., en se débarrassant des artistes rassemblés pour former le nouveau groupe sur des bases plus radicales ; pour passer ensuite à l’étape suivante : la préparation de l’assaut contre le monde. Le problème qui se pose alors au « stratège » Debord reste le même : comment saper les bases de la société et provoquer son effondrement avec un effectif réduit qui, en tout état de cause, refuse la direction d’opérations dont il ne veut être que la cause occasionnelle : le « détonateur ».

Mais cette fois le kaïros va se révéler favorable, dans un premier temps, à Debord et son état-major ; puis, ruse de l’histoire, précipiter sa défaite qui sera maquillée, contre toute vraisemblance, en victoire du « parti révolutionnaire ». On peut donc se poser la question de savoir si le stratège que Debord se flattait d’être ne s’est pas lourdement trompé. Plusieurs éléments plaident en faveur de cette hypothèse. En effet, l’option hyper-politique choisie par Debord après la liquidation des artistes, pour radicale qu’elle puisse paraître, a finalement contribué à « stériliser » l’I.S. en la privant de son côté « laboratoire expérimental ». De plus, en se focalisant sur le côté organisationnel de l’action révolutionnaire à l’échelle mondiale, l’I.S. a été amené à disperser les faibles forces dont elle disposait et a dilapider son « capital » théorique péniblement accumulé, sans être capable de le renouveler.

Le kaïros favorable dont il est fait mention, a consisté dans le fait que les thèses situationnistes se sont retrouvées, à un certain moment de l’histoire, en phases avec les aspirations de la jeunesse révoltée avec lesquelles elles sont entrées en résonnance ; de telle sorte que l’I.S. a pu se présenter et apparaître comme l’avant-garde d’un mouvement qu’elle n’avait pas provoqué, mais qu’elle avait préparé en lui donnant par avance ses raisons et ses motifs ; mais, en réalité, elle ne faisait que surfer sur une vague qu’elle n’avait pas produite et qui n’allait pas tarder à se briser — c’est, brièvement résumé, l’histoire de l’I.S. de 1962 à sa « dissolution ».


(À suivre)

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