samedi 31 décembre 2011

Une chanson éternelle

Vincent

Starry, starry night,
Paint your palette blue and gray ;
Look out on a summer's day
With eyes that know the darkness in my soul.
Shadows on the hills
Sketch the trees and the daffodils,
Catch the breeze and the winter chills,
In colors on the snowy linen land.

Now I understand what you tried to say to me ;
And how you suffered for your sanity,
How you tried to set them free.
They would not listen, they did not know how ;
Perhaps they'll listen now.

Starry, starry night,
Flaming flowers that brightly blaze,
Swirling clouds in violet haze
Reflect in Vincent's eyes of china blue.
Colors changing hue,
Morning fields of amber grain,
Weathered faces lined in pain,
Are soothed beneath the artist's loving hand.

Now I understand what you tried to say to me ;
And how you suffered for your sanity,
And how you tried to set them free.
They would not listen, they did not know how ;
Perhaps they'll listen now.

For they could not love you
But still your love was true.
And when no hope was left inside
On that starry, starry night ;
You took your life as lovers often do
But I could have told you, Vincent,
This world was never meant
For one as beautiful as you.

Starry, starry night,
Portraits hung in empty halls,
Frameless heads on nameless walls
With eyes that watch the world and can't forget.
Like the strangers that you've met,
The ragged men in ragged clothes,
A silver thorn, a bloody rose,
Lie crushed and broken on the virgin snow.

Now I think I know what you tried to say to me ;
And how you suffered for your sanity,
And how you tried to set them free.
They would not listen, they're not listening still ;
Perhaps they never will.

Frameless heads on nameless walls with eyes
That watch the world and can't forget.
Like the stranger that you've met.
The ragged men in ragged clothes,
The silver thorn of bloody rose
Lie crushed and broken
On the virgin snow.

And now I think I know what you tried to say to me ;
How you suffered for your sanity,
How you tried to set them free.
They would not listen, they're not list'ning still ;
Perhaps they never will.

vendredi 30 décembre 2011

Une lecture alchimique d’In girum imus nocte et consumimur igni / 6

6. Les « petites amoureuses »

C’est dans cette thématique de la « chevalerie amoureuse » qu’il faut replacer l’évocation appuyée qui est faite par Debord dans In girum à ses « petites amoureuses » dont les images apparaissent à plusieurs reprises en des endroits choisis du film.

Nous allons en suivre le déroulement.

Pendant l’évocation par la voix-off de Debord des « charmants voyous et [d]es filles orgueilleuses » qui l’entouraient. Une séquence où : Une fille passe dans une rue, la nuit. Que suit l’évocation d’une chanson de prisonniers entendue en Italie : « C’est là que sont les petites filles qui te donnent tout […]. » sur laquelle apparaît un visage : Une mineure détournée ; suivie d’une photographie d’Andreas Baader et Gudrun Ensslin qui est appelée par la chanson des prisonniers : « La plus belle jeunesse meurt en prison. ».

Vient ensuite : Celle qui était la plus belle cette année-là.* L’liimage reste à l’écran tout le temps que Debord cite un extrait du Panégyrique de Bernard de Clairvaux : « Elle fuit, elle fuit, comme un fantôme […] ... Bernard, Bernard, disait-il, cette verte jeunesse ne durera pas toujours… ».

Une séquence des Visiteurs du Soir : Gilles et Dominique vont vers le château où ils porteront tant de trouble, sur la musique de leur chanson, « Tristes enfants perdus ». « Nous sommes donc devenus les émissaires du Prince de la Division […]. », dit la voix de Debord. La même revient : nouvelle apparition du visage de « la plus belle ». Cette arrivée des « Visiteurs », qui descendent lentement à cheval vers le Château du baron Hugues est une évocation allusive quoique transparente au couple que Guy Debord formait avec Michèle Bernstein ; comme ailleurs la mention : Le Passage de Clairvaux — où ils ont habité ensemble — sur une plaque de rue. (Il y a peut-être une autre allusion avec l’extrait du Panégyrique de Bernard de Clairvaux qui renverrait au Passage.) Il faut citer encore la séquence suivante du même film qui renvoie aussi à leur couple : « Les autres nous aiment ; ils souffrent pour nous ; nous les regardons ; nous nous en allons. Joli voyage, le diable paye les frais. » On ne verra le visage de Michèle Bernstein qu’une seule fois dans tout le film ; encore qu’elle n’apparaît que sur une photo de groupe chez Moineau, et sans que son prénom — ni son nom — ne soit jamais mentionnés. Le commentaire des Œuvres cinématographiques complètes précise pour les clichés concernés : Le visage de Celeste ; puis d’autres filles dévêtues ; Une jeune amante d’autrefois. Une autre contemporaine. D’autres amies du temps passé. Ce passage est associé à une nouvelle séquence des Visiteurs du Soir où l’on entend Gilles emprisonné reprendre la complainte entendue précédemment : « Tristes enfants perdus, nous errons dans la nuit. Le diable nous emporte loin de nos belles amies. » L’apparition de la photo où se trouve Michèle Bernstein coïncide avec ce vers de la complainte : « Notre jeunesse est morte, et nos amours aussi. », immédiatement suivie d’un portrait du jeune Debord.

Plus loin : Une autre errante. Une de ces « beautés qui ne reviendront pas », dit le commentaire.

Plus loin encore, on verra Alice et Celeste à Florence — « une des meilleures villes qui furent jamais ». Puis : Une florentine. Le commentaire cite La Divine Comédie : « Je revois celle qui était là comme une étrangère dans sa ville. » ; et Debord évoque pour finir son propre exil : « Et moi aussi, après bien d’autres, j’ai été banni de Florence. »

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* Éliane Papaï dont la rencontre a été particulièrement marquante pour Debord, son visage revient à plusieurs reprises au cours du film :

« Éliane était une révoltée, fille d’émigré hongrois d’avant-guerre qui était vitrier miroitier. Sa mère est morte relativement jeune d’un cancer. Elle était espagnole. Il y avait donc en elle un mélange hongro-espagnol qui pouvait être assez volcanique. […] Éliane s’est retrouvée dans un Bon-Pasteur, dans le seizième je crois, et elle était censée suivre des cours de dactylo, de secrétaires, le boulot classique pour les filles. […] Et puis de fil en aiguille elle s’est évadée du Bon-pasteur […]. Voilà, donc Guy l’a connue au moment où… avant qu’elle s’évade du Bon-pasteur. »

Jean-Michel Mension, La Tribu, Allia.

Jean-Michel Mension, apportera ailleurs, à propos d’Éliane Papaï, les précisions suivantes : « À la première occasion, elle se pointait dans la quartier et retrouvait Debord. Probablement par prudence il ne fumait pas de hasch, ou alors du bout des lèvres. Mais Éliane était passionnée par ce produit et nous allions fumer quelques heures sous le pont pour éviter la brigade des mineurs du commissaire Marchand. […] / Et ce qui devait se passer se passa. Fumant sous un pont, nous nous retrouvâmes une nuit chez Raymond Hains, couchés et faisant l’amour. Debord fit une tentative de suicide raté réussie, et partit se reposer quelques jours à cannes chez ses parents. » (Le temps gage, moisson rouge Éditions Noesis.)


(À suivre)

jeudi 29 décembre 2011

Une chanson du temps passé 7


Chanson à boire de l’affliction de la terre

Dans les coupes d’or déjà le vin nous invite.
Pourtant ne buvez pas encore,
que je ne vous chante une chanson d’abord !

La chanson du chagrin en vos âmes sonnera
comme un éclat de rire.
Quand le chagrin s’approche,
les jardins de l’âme demeurent déserts ;
se flétrissent et meurent et la joie et les chants.
Sombre est la vie, sombre la mort.

Das Trinklied vom Jammer der Erde

Schon winkt der Wein im goldnen Pokale.
Doch trinkt noch nicht, erst sing’ ich euch ein Lied !

Das Lied vom Kummer soll auflachend
in die Seele euch klingen.
Wenn des Kummer naht,
liegen wüst die Gärten der Seele,
Welkt hin und stirb die Freunde, der Gesang.
Dunkel ist das Leben, ist der Tod.

lundi 26 décembre 2011

Une lecture alchimique d’In girum imus nocte et consumimur igni / 5

5. La Chevalerie amoureuse

On sait que Debord utilise abondamment la métaphore du combat militaire dans son film et qu’il y multiplie à l’envie les images guerrières où deux armées s’affrontent. Il dit très explicitement parlant de l’objectif de l’I.S. : « Notre intention n’avait été rien d’autre que de faire apparaître dans la pratique une ligne de partage entre ceux qui veulent encore de ce qui existe et ceux qui n’en voudront plus. », c’est-à-dire de faire apparaître deux camps antagonistes qui vont se combattre — autrement dit : aller au feu. Nous en revenons ainsi à l’alchimie que nous n’avons jamais vraiment quittée.

Les alchimistes ont eux aussi utilisé la métaphore guerrière dans leurs écrits pour parler de l’Œuvre ; ainsi d’Alexandre-Toussaint Limojon de Saint Didier qui a écrit un Entretien d’Eudoxe et de Pyrophile sur l’ancienne guerre des chevaliers.

La Quête du Graal — qui peut se lire elle aussi comme une métaphore alchimique — et la chevalerie arthurienne est une référence constante chez Debord depuis les tous débuts lettristes jusqu’à la fin de l’I.S. — et au-delà. Ainsi que la chevalerie errante qui est aussi bien chevalerie amoureuse (Pierre Dujols identifie d’ailleurs les deux puisqu’il fait dériver errante du grec eramai qui signifie aimer). En dehors du cycle arthurien proprement dit, il y a dans In girum d’autres références à l’imagerie chevaleresque, notamment la bande dessinée d’Harold Foster : Prince Vaillant qui joue un rôle de premier plan dans la dramaturgie debordienne. Il faut également, dans le même ordre d’idée, relever la citation du Roland Furieux de l’Arioste : « […] je pourrai seulement dire à mon tour, “les dames, les cavaliers, les armes, les amours, les conversations et les audacieuses entreprises” d’une époque singulière. ». Une autre citation en rapport avec la chevalerie amoureuse est donnée un peu avant celle de l’Arioste : « On peut dire de la révolution aussi ce que Jomini a dit de la guerre ; qu’elle “n’est point une science positive et dogmatique, mais un art soumis à quelques principes généraux, et plus que cela encore, ”. » On notera au passage le thème de la passion : « un drame passionné », qui, chez Debord est une constante et doit s’entendre évidemment dans tous les sens du terme.


(À suivre)