jeudi 22 décembre 2011

Une lecture alchimique d’In girum imus nocte et consumimur igni / 4

4. Analogies (suite)

Si l’on parcours maintenant In girum du début à la fin (et retour), on distinguera, passée l’Introduction qui récuse le monde moderne — la Terre gaste — et opère la clôture sur le seul sujet important : Debord lui-même ; une évocation de « l’aventure situationniste » qui commence avec les lettristes dont on va suivre l’errance dans le labyrinthe parisien (où ils brûlent leur jeunesse) ; et dont la contrepartie est un autre labyrinthe, celui de Venise (placé lui sous le signe de l’eau celui-là qui, écrit Debord, « éteint le feu » ; mais on se souviendra que le Feu et l’Eau sont d’une certaine manière identifiés dans l’alchimie opérative ; comme d’ailleurs les deux principes antagonistes : le Lion et le Dragon autrement nommés : Soufre et Mercure, Fixe et Volatile). Concernant le labyrinthe, nous laisserons encore une fois la parole à Dom Antoine-Joseph Pernety : « La Philosophie Hermétique qui imagina la fable de Thésée et du Minotaure, prit occasion du labyrinthe de Crête pour embellir cette fiction, et indiquer en même temps les difficultés qui se présentent dans les opérations du grand œuvre, par celles qu’il y avait à se tirer du labyrinthe quand on s’y était engagé. Il ne faut pas moins que le fil d’Ariadne, fourni par Dédale même, pour y réussir ; c’est-à-dire qu’il faut être conduit et dirigé par un Philosophe qui ait fait l’œuvre lui-même. »

Les alchimistes nomment la première phase de l’Œuvre : nigredo ou œuvre au noir — « À la moitié du chemin de la vraie vie, nous étions environnés d’une sombre mélancolie […]. » Ce qui correspond dans le film de Debord à la période de l’internationale lettriste dans un Paris qui brillait alors « d’un feu […] intense » ; et qui était « le labyrinthe le mieux fait pour retenir les voyageurs ». C’est à ce moment-là du film que Debord cite — et explicite — pour la première fois le palindrome-titre : « Mais rien ne traduisait ce présent sans issue et sans repos comme l’ancienne phrase qui revient intégralement sur elle-même, étant intégralement construite lettre par lettre comme un labyrinthe dont on ne peut sortir, de sorte qu’elle accorde si parfaitement la forme et le contenu de la perdition : In girum imus nocte et consumimimur igni. Nous tournons en rond dans la nuit et nous sommes dévorés par le feu. »

Cette phase préparatoire est destiné à mortifier la materia prima pour en extraire les deux principes antagonistes qui s’uniront dans le combat à mort qu’ils vont se livrer dans suite de l’opération.


(À suivre)

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