dimanche 31 mars 2013

Les points sur les « i » de Sanguinetti



Un correspondant me transmet le lien suivant :






Il s’agit de la traduction anglaise d’une lettre de Gianfranco Sanguinetti écrite en français en réponse à celle de Mustapha Khayati concernant la rédaction d’une Note de mise au point sur le rôle joué par Alice Debord dans la réécriture de l’histoire situationniste dont l’apothéose debordienne de la BnF constitue une sorte d’aboutissement.

J'en donnerai prochainement quelques extraits choisis et commentés.

vendredi 29 mars 2013

À chacun son Debord – encore



Où l’on apprend que, non seulement il est interdit de photographier à l’intérieur de l’exposition de la BnF, mais qu’il est aussi interdit de photographier, à l’extérieur, les bâtiments de la BnF !

Allez-y voir vous-mêmes, si vous ne le croyez pas.

À chacun son Debord



À propos de l’article de Raphaëlle Rérolle, Le Monde du 21 mars.


Ça y est : la célébration debordienne est lancée à la BnF. Rien n’a été laissé au hasard (même le parking est prévu) pour que le visiteur puisse assister au spectacle dans les meilleures conditions. Le Monde, journal du situationnisme désormais apaisé — the war is over — ne pouvait être en reste. Il propose donc aux (quelques) lecteurs qui lui restent une sorte de pense-bête, un best of des lieux commun sur le sujet, intitulé : À chacun son Debord — il y en a effectivement pour tout le monde.

On sait que la fréquentation des lieux communs, comme celle des lieux d’aisance, est inévitable : tout le monde s’y retrouve. On ne s’étonnera pas d’y voir Philippe Sollers en compagnie de Cécile Guilbert, l’une des meilleures pouliches de son écurie ; ni Francis Marmande « écrivain et professeur de littérature à Paris-VII », de surcroit pigiste au Monde où il n’a jamais manqué l’occasion d’afficher son pro-situationnisme paisible ; ou encore Frédéric Olivennes, « directeur de la communication et du marketing images de France Télévisions » — tout un programme — qui s’est aperçu en lisant Debord qu’il était « un enfant de la société du spectacle » et qui a agit en conséquence ; ainsi qu’Oliviero Toscani, « le fameux photographe italien qui conçut les affiches [nauséabondes] de Benetton dans les années 1980 » ; et quelques autres encore dont on peut penser que, s’ils sont présents, c’est à leur corps défendant plutôt que poussés par un besoin pressant.

En réponse à Raphaëlle Rérolle qui s’étonne que cette terrible critique debordienne ait pu être si facilement adoptée, sans grande conséquence, par n’importe qui : « Curieusement, cette vision radicale du monde s'est infiltrée avec une remarquable souplesse dans les différentes générations qui se sont succédé depuis un demi-siècle. », un spécialiste aussi incontestable que Jean-Louis Violeau, « sociologue, professeur à l'Ecole d'architecture de Paris-Malaquais », à défaut d’explication se contente de prendre acte de ces étonnants retournements : « Chaque époque a eu sa manière de lire Debord. Dans les années 1970, avec une perspective révolutionnaire ; dans les années 1980, il est devenu le bréviaire des pubards ; la décennie suivante, il était celui qui ne s'était pas laissé avoir par les bobards des différents totalitarismes ; maintenant, il inspire les gens d'Occupy Wall Street et les Anonymous pour sa dénonciation de la société marchande. » — jusqu’aux radicaux du Comité invisible qui auraient été, eux, jusqu’à passer à l’acte ; ce qui est tout de même un comble : ces gens ne savent donc pas lire !

Ce à quoi fait écho le jugement d’un connaisseur qui à le mérite de trancher : « “La société marchande recycle tout, souligne le romancier Morgan Sportès, qui a connu l'écrivain et qui le cite dans son roman Tout, tout de suite (Fayard, 2011). Il n'y avait pas de raison qu'elle ne recycle pas Debord !” » Le problème étant ainsi réglé l’exposition de la BnF — où « chacun pourra trouver “son” Debord »peut s’ouvrir à la satisfaction générale — « elle est pas belle la vie » d’artiste ? — ; et donc particulièrement de son président, Bruno Racine, « qui s'est battu pour réunir, auprès de mécènes, la somme nécessaire à l'acquisition de ces archives » ; qu’il s’agit à présent de rentabiliser.

« Guy Debord est devenu un classique » ; mais « même classique, sa pensée n'a pas perdu ses vertus corrosives », nous assure Raphaëlle Rérolle — sans nous rassurer tout à fait : est-que la Bnf va pouvoir résister à une corrosion prolongée ?

jeudi 28 mars 2013

Réponse à la DEVINETTE



Il s’agissait de Victor Serge à propos d’André Breton dans : Carnets (1936-1947), Agone / Mémoire sociale.

mercredi 27 mars 2013

Le « grand jeu » de Guy Debord / 6



Pour celui qui lutte surtout par jeu, le but n’est pas tant de gagner que de jouer ; et pour continuer à jouer il faut pouvoir maintenir l’intérêt pour le jeu. Ce qui peut se faire par le renouvellement des participants, le changement de la configuration ; et par sa relocalisation. Longtemps il est resté cantonné aux limites du Quartier, fonctionnant en circuit fermé avec un nombre de participants réduit : « Personne ne quittaient ces quelques rues et ces quelques tables où le point culminant du temps avait été trouvé. » dira rétrospectivement Debord qui gardera toujours la nostalgie de cette époque. Mais ce point culminant était intenable ; et la « chute dans le temps » inévitable. Il a bien fallu sortir de ce « jeu du labyrinthe » où les joueurs finissaient par tourner à vide et avancer « sous les canons du temps ».

Comme le dira plus tard Debord en filant la métaphore guerrière qu’il affectionnait : « La première phase du conflit, en dépit de son âpreté, avait revêtu de notre côté tous les caractères d’une défense statique. Étant surtout définie par sa localisation, une expérience spontanée en elle-même, et elle avait aussi trop négligé les grandes possibilités de subversion présentes dans l’univers apparemment hostile qui l’entourait. […] [n]ous fûmes quelques-uns à penser qu’il faudrait sans doute continuer en nous plaçant dans la perspective de l’offensive : en somme, au lieu de se retrancher dans l’émouvante forteresse d’un instant se donner de l’air, opérer une sortie, puis tenir la campagne et s’employer tout simplement à détruire entièrement cet univers hostile, pour le reconstruire ultérieurement, si faire se pouvait sur d’autres bases. » Abstraction faite de la rhétorique guerrière et en des termes plus directs, cela peut se traduire par : les petits amusements du Quartier n’amusaient plus ; il était temps d’élargir le cercle et de corser le jeu pour lui rendre un intérêt qu’il avait perdu. On notera le : « nous fûmes quelques-uns » qui se réduit probablement à Debord lui-même ; quant à : « s’employer tout simplement à détruire entièrement cet univers hostile », ce n’était tout simplement pas dans ses moyens — il n’y a que sur un Kriegspiel que l’on peut, à défaut de l’univers hostile, anéantir véritablement l’adversaire ; et recommencer une autre partie — ; et pour ce qui est de « reconstruire », il n’en a jamais été vraiment question que dans la première phase du jeu quand Constant travaillait à modéliser New Babylon.

Ce Kriegspiel qu’il a lui-même conçu et auquel il a beaucoup joué, est une bonne illustration de la carrière de Debord qui se voulait avant tout un stratège. C’est en tout cas ce qu’on pensé les organisateurs de l’exposition : Guy Debord, Un art de la guerre à la BnF dont « le plan général s’inspire d’une partie du Jeu de la guerre ». Que cette exposition se tienne à Paris, à la BnF, qui a finalement acquis (à prix d’or) les archives de celui-ci, n’est que justice : c’est là qu’il a débuté sa carrière et qu’il l’a finie. Il est néanmoins regrettable que la scénographie de l’exposition n’ait pu reconstituer une partie du Quartier, Moineau, etc. dans lequel les visiteurs auraient pu dériver au son de la voix de Guy Debord leur servant de guide ; et boire à sa santé (salute ! Guy) — mais sans doute n’en avaient-ils plus les moyens.