dimanche 31 juillet 2011

Lectures 3 - Amitié

Mais dans beaucoup d'occasions graves, j'ai éprouvé votre courage et votre fidélité, et c'est ce qui me donne le cœur de ne pas reculer devant la plus grande et la plus belle des entreprises. J'ai compris aussi que maux et biens sont pour vous ce qu'ils sont pour moi; car avoir les mêmes désirs et les mêmes répugnances, c'est là en somme l'amitié dans toute sa force.

Sed quia multis et magnis tempestatibus vos cognovi fortis fidosque mihi, eo animus ausus est maxumum atque pulcherrumum facinus incipere, simul quia vobis eadem, quae mihi, bona malaque esse intellexi; nam idem velle atque idem nolle, ea demum firma amicitia est.

Salluste, Conjuration de Catilina.

L’Orpailleur : Fragments – Épisode 7

10.

Ce fut d’abord un frémissement presque imperceptible. Une dentelle de lumière qui dansait sur l’horizon ; une ville lumineuse qui glissait vers l’oubli comme un galion chargé d’or dans un cimetière marin. Puis, une longue plainte d’animal blessé qui résonnait interminablement dans un dédale de ruelles silencieuses.

Durant plusieurs jours, il lui était resté de ce rêve une impression de malaise que mitigeaient les prémices d’une euphorie croissante, d’autant plus grisante qu’elle était sans objet, et pouvait de ce fait se rapporter indifféremment à chacun : Gilles sut que sa réclusion prenait fin. Un matin de février inondé de soleil, il quittait sa retraite.

Il devait garder de cet instant le souvenir d’un bonheur sans mélange, comme d’un éblouissement qui laisse le regard momentanément suspendu dans l’indistinction, avant que tout ne recommence à se préciser.


11.

Cela faisait presque un an que Gilles s’était éloigné ; et il n’avait revu personne de la petite bande depuis. Quelques échos lui étaient bien revenus, comme de la désintégration d’une constellation lointaine, inutiles, qui ne renvoyaient plus à rien.

De D., il n’avait eu aucune nouvelle ; et à vrai dire, il n’avait rien fait pour chercher à en avoir. Il avait bien écrit une lettre confuse ; mais il ne l’avait pas envoyée : à quoi bon.

À présent il y avait ce silence entre eux comme une épée qu’il fallait briser, d’une manière ou d’une autre, il le savait bien.

De la gare, il avait expédié un télégramme : AMSTERDAM — RAAMSTEEG — GILLES. Il aurait pu passer à l’ancienne adresse, s’assurer de sa présence, lui parler. Il aurait dit : « Que nous est-il arrivé ? » D. l’aurait regardé sans rien dire. Il serait resté là, embarrassé. Renvoyé à lui-même, il serait reparti. Aussi s’était-il borné à inscrire la possibilité d’une rencontre sur un terrain qu’il avait choisi, mais dont l’occurrence ne dépendrait pas de lui.

(À suivre)

Nodules 2 - l’ART moderne

Les artistes modernes sont historiquement post-dadaïstes. Mais en ce qui concerne leur pratique, on peut dire qu’ils n’en sont pas même encore arrivés à la négation dadaïste. Dada reste pour eux l’indépassable moment qui les contient et qui les juge. Certains préfèrent se nommer plasticiens. Ils prétendent s’occuper de la forme, eux qui sont incapables de trouver un contenu à une activité qui n’est plus que marketing où chacun cherche à imposer, par diverses méthodes publicitaires, sa marque de fabrique qui lui permettra de vendre n’importe quoi au meilleur prix. La marchandise est la véritable œuvre d’art moderne.

La Conférence de l’Institut de Préhistoire Contemporaine – Épisode 9

Sembene : On est pas là pour évoquer nos problèmes. Ce n’est pas une réunion de contrôleurs de la Ratp ou de policiers en civil. On est là pour parler franchement entre nous.

Sadoc : Suzanne ! Suzanne ! Bordel, fais circuler la bouteille !

Raouf : Ne viens pas me raconter que tu connais des Noirs depuis l’âge de 14 ans.

Yves Tenret : C’est vrai.

Raouf : So what ?

Yves Tenret : So what ! I know a lot of crazy’s peoples and I am not crazy. (Rires). Et je t’emmerde si tu ne comprends pas ça.

Raouf : Mais écoute ce qu’on te dit !

Yves Tenret : Sadoc, envoies la bouteille !

Sembene : En tant que Noir, en tant qu’Africain, est-ce que nous avons une spécificité ?

Noyé : Je constate qu’il y a un contentieux dans nos rapports et que faire semblant qu’il n’existe pas n’amène à rien.

Bruit tribal.

Raouf : Maintenant suffit boy. Ça va !

Sembene : Cela ne va pas ! Il faut qu’on continue.

Sembene et Noyé parlent en même temps. C’est inintelligible.

Raouf : Tu as été très habile. C’est toi qui as tout manipulé.

Yves Tenret : Je ne suis pas habile. Tu m’ennuies. Va chier !

Raouf : Tu as créé un contentieux entre toi et beaucoup de gens ici, un contentieux entre toi et les Sénégalais. Il n’y a plus que ça qui apparaît et disparaît. Des gens qui ont un point de vue différent t’attaquent tous toi.

Sembene : Moi, je n’ai pas de contentieux à son égard.

Yves Tenret : Le tiers monde n’existe pas ! J’ai voyagé...

Fabiola : Profession de foi...

Yves Tenret : Et dans le pseudo tiers-monde, il n’y avait que des types comme moi, des lumpens. Partout, toujours, j’ai vu des lumpens.

Raouf : Tu te fais gloire de ne pas en être un.

Yves Tenret : Je t’emmerde. Et si tu veux, on sort.

Raouf : Non, non et non. Je ne veux pas !

Yves Tenret : Tu as tort. Je ne fais pas le poids. Je ne fais jamais aucun exercice physique, aucun, je ne pratique pas de sport martial.


Brouhaha. Gloussements.

Sembene : A mon avis, il y a une spécificité de la race noire, c’est la seule à laquelle le nom d’esclave est attaché comme à la couleur de la peau.

Yves Tenret : Mais pas pour moi. Ce sont des conneries !

Fabiola : Toi ! Toujours toi ! On ne parle pas de toi !

Noyé : Pourquoi pas pour toi ?

Yves Tenret : Pour moi, dans ma famille, ils ont tous été esclaves. Mes arrières grands-parents étaient des esclaves. Mes grands-parents étaient des esclaves. Mon père, ma mère étaient des esclaves. Ils étaient tous des esclaves.

Fabiola : Mais merde, faites-le taire !

Sembene : D’accord, d’accord, mais on s’en tape de tout ça. Yves Tenret : Je parle en tant que belge. Le drame du Congo belge, c’est que les prolétaires belges n’ont pas compris que les Congolais étaient comme eux et qu’ils ont joué le jeu des patrons et de l’Etat. Et pourquoi suis-je ici ce soir ? Pourquoi ? (Je frappe violemment de mon verre vide sur la table). Je suis ici parce que je suis à moi tout seul une minorité !

Tom : Je m’excuse mais il n’y a personne pour le faire taire ?

Sadoc : Je peux...

Yves Tenret : C’est ça !

(J’hurle des choses incompréhensibles puis grommèle sourdement)

Raouf : Ils mènent une vie pauvre mais autrement...

Lourd silence déchiré par mon rire dément.

Yves Tenret : Raouf, je te le jure, sur ma vie...

Brouhaha exaspéré.

Ariel : Il voulait dire quelque chose et j’aimerais bien l’entendre.

Sembene (brandissant un Bic) : Tu vois ça ! Ça écrit noir sur blanc !

Yves Tenret : Ce n’est pas noir sur blanc, c’est dans ma vie. J’avais 16 ans quand Patrice Lumumba et Jean Mulélé se révoltaient. Je les adorais. Mon grand-père me disait : « Lumumba, c’est une ordure. Il a volé des bicyclettes, etc. « Je ne le croyais pas parce que j’avais déjà pris assez de tartes sur la gueule pour être lucide.

Noyé : Tout à coup, il me vient une autre idée. Je voudrais signaler un autre pouvoir de notre assemblée.

Yves Tenret : Vas-y !

Noyé : C’est de modérer les plus violentes querelles.

Brouhaha. Propos incompréhensibles.

Tom : S’il y a dix personnes qui s’arrogent le droit de fumer, tout le monde doit ou ne doit pas le faire.

Ariel : Oh ! Non, non ! On ne fume pas.

Sembene : Yves, il n’a pas de tabac ici dans la conférence ? Raouf, non plus hein ?

Brouhaha.

Yves Tenret : Raouf, tu fumes ?

Rires.

Noyé : J’aimerai quand même signaler un autre pouvoir de cette conférence : elle permet des querelles d’une violence inouïe qui seraient impossibles dans un bistrot et sans qu’il y ait de sang versé, sans que des choses irrémédiables aient lieu. C’est quand même la présence d’une assemblée de quarante personnes qui permet des choses comme ça.

Maniaque (méprisant) : C’est la moindre des choses.

Jerry : Je voudrais demander quelque chose.

Chœur des femmes : Chut ! Il n’a pas beaucoup de voix.

Jerry : Je voudrais écouter Sembene.

Ariel : Raouf, si tu veux fumer, sors !

Raouf sort.

Sembene : Je parlais de la personne avec qui on a des conflits dans le métro ou dans le bus et qu’elle est peut-être ici aussi, parmi nous, entre nous, dans nos rapports sociaux, et comme dirait Yves que tout ça doit s’exprimer. J’ai entendu une fois dans la bouche de Véronique Bataille - on corrigeait la Revue à l’époque - une réflexion qui m’a refroidit. On voulait manger un chich kebab et elle a dit : « Ah non ! De la bouffe de nègre, de bougnoule, je ne bouffe pas de ça ! » Tout le monde l’a entendu et personne n’a rien dit. Moi, non plus... Je ne sais pas ce qu’il y a là derrière mais ça existe. Et depuis, chaque fois que je repense à mon rapport à elle, il y a ces mots...

Véronique : Tu m’avais bien compris, Sembene. Moi, je veux bien me faire traiter de sale blanche, j’en ai rien à foutre. Point ! Ça ne se situe pas là. Quand je vais chez l’épicier, je vais chez l’épicier bougnoule. (Sa voix monte, se perd dans les hauteurs). Je dis toujours : Tiens, je vais aller chez le bougnoule. Que veux-tu ? C’est comme ça. C’est un langage courant.

Noyé : Je voudrais signaler autre chose.

Brouhaha. Engueulade. Noyé, Fabiola, Véronique montent le son.

Fabiola : Mais qu’est-ce que Véronique veux dire ?

Noyé : Hier je voulais dire « combat de nègres dans un tunnel » et j’ai dit « combat d’ours blancs au Pôle Nord ». Tu comprends Sembene ? Il y a de l’humour, de la distance. On ne doit pas évacuer ça.

Fabiola (à Véronique) : Pourquoi tu ne veux pas expliquer ce que tu dis ?

Véronique : On a bien le droit de faire de l’humour, oui ou non ? Merde à la fin !

Fabiola : Où est l’humour quand tu dis : je vais chez le bougnoule ?

Noyé : Le fait qu’on doive faire de l’humour là-dessus montre qu’il y a un contentieux. Si on était raciste - on l’est peut-être d’ailleurs - on dirait : je vais chez ce sale bougnoule.

Rires jaunes, amers, sans joie.

Ariel : Je vais vous raconter une histoire belge.

Henri : Aaaaaahhhhhhh !

Yves Tenret : Super !

Ariel : C’est comme si elle était racontée...

Véronique : A part ça Sembene, ça a dû complètement m’échapper parce que si j’avais pris conscience que tu étais dans la voiture, je ne l’aurais pas dit, j’en suis sûre.

Sembene : Quand Jean-Luc parle de combat de nègres, j’ai aussi l’impression qu’il y a autre chose. Revenons à l’économie. Elle englobe tout ça. Je ne suis pas sur que l’esclavage soit attaché à la couleur de notre peau, je vais plus loin, c’est attaché à notre mentalité.

Brouhaha général et intense.

Noyé : Avec les prétentions qu’on a, on ne peut pas continuer une seconde sans que toutes ces questions soient abordées. Tu ne crois pas Yves ?

Yves Tenret : Mais qu’est-ce qu’on a fait d’autre jusqu’à présent ?

Noyé : Goethe ! Toujours Goethe ! La théorie est grise mais la vie est toujours verte et elle nous surprend sans cesse.

Yves Tenret : Lorsque la philosophie peint sa grisaille une manifestation de la vie achève de vieillir. On ne peut la rajeunir avec du gris sur du gris mais seulement la connaître.

Fabiola : Je ne comprends pas...

Sadoc : La façon dont Yves T. en parle hein, c’est pas pareil, hein ! Quand il dit lui qu’il aime bien les Noirs, il les aime !

Véronique (à Fabiola) : Je ne peux pas expliquer ce que je n’arrive pas à expliquer.

Fabiola : Alors dis ce que tu ressens !

Brouhaha d’enfer !

Noyé : Cela revient à discuter à nouveau des accusations portées contre Yves T. ?

Fabiola : On devrait d’abord se calmer parce que là on s’y perd.

Noyé : Cette conférence doit traiter le monde dans son ensemble donc tout ce qui descend l’escalier, tous les cas de figures sont bien. Inch Allah !

 Yves Tenret : Un contre cent je n’ai pas ma chance mais un contre un ? 

Fabiola (hurlant) : Chaque fois qu’on te répète ce que tu as dit, tu prétends que ce n’est pas vrai.

 Yves Tenret : Du calme chouchou ! Peut-être que je m’en souviens pas ?

Fabiola : Tu ne te souviens pas de ce que tu dis ?

Noyé : Il est dans un état second.

Yves Tenret : Je ne suis pas dans un état second !

Fabiola : Mais alors pourquoi ?

Yves Tenret (autoritaire) : Va chercher Raouf. Il faut qu’on discute sérieusement.

Fabiola : Mais Raouf, il n’était pas là quand tu l’as insulté.

Yves Tenret : Ok, chouchou, restons seul toi et moi. Tu as raison. On s’en fout de Raouf.

Fabiola : On n’a pas le droit d’insulter les absents.

Yves Tenret : Décide-toi ! Va le chercher ! Ou alors tu m’insulte toi, comme ça, on pourra se battre toi et moi.

Fabiola : Mais je ne veux pas me battre moi ! Je ne veux pas accepter des choses fausses.

Yves Tenret : Quoi ? Qu’est-ce qui est faux ? Dis-le. Avançons ! Putain, je ne veux pas rester idiot. Faut absolument que je sache ce qui est faux. Chouchou, je t’en supplie, explique-moi ce qui est faux.

Fabiola (soudain pensive) : Il n’y a que toi qui peux te sortir de ta propre connerie.

Yves Tenret : D’accord ! Et après ?

Fabiola : Je n’ai pas dit que tu étais con...

Yves Tenret : D’accord. Tu peux m’aider. Applique-toi. Aides-moi !

Je remplis mon verre à raz bord et le vide cul sec. Ça fait sourire tout le monde sauf Fabiola qui s’assombrit.

Sadoc : Tu ne peux pas dire : « Les Noirs sont cons mais je les aime quand même. »

Yves Tenret (Je ne l’écoute pas et continue à m’adresser à Fabiola) : J’ai écris un article intitulé Précis de morale dialectique. Cet article n’est pas aussi excellent que je l’avais imaginé. Peut-être que grâce à toi mon prochain article sera bon.

Fabiola : Depuis que tu es là tout dans cette conférence est devenu irrespirable !

Brouhaha indigné : Beaucoup ne sont pas d’accord avec elle.

Fabiola : Sors ! Va faire un tour. Tu auras l’esprit plus clair en revenant.

Yves Tenret : Ce que t’es con. Tu vois ça en mal baisée. Ce n’est pas ça du tout. Quand tu me dis que je suis un zéro, je te crois moi.

Fabiola : T’es trop bourré. Tu ne te souviens pas de ce que tu disais à l’instant.

Yves Tenret : Je me souviens de tout. Regarde, la feuille devant moi est blanche. Dis moi ce que tu penses toi que je puisse le noter.

Maurice : Tu ne retiens pas et c’est très dangereux.

Clameurs indignées - comment pourrait-on se retenir dans une conférence de ultra-gauche ?

Yves Tenret : Ton père et ta mère sont sénégalais ?

Maurice : Ma mère est française.

Raouf entre. Il est accueilli par des rires et des cris.

Yves Tenret (à Raouf) : Ta femme me dégoûte ! La prochaine fois, laisse-la à la maison.

Raouf : Avec ce second jugement, tu détruis la validité du premier. Tu ne sais pas de quoi tu parles. La première fois aussi, tu as tout dit à pile ou face.

Yves Tenret : Tu es horrible avec moi !

Raouf : Monsieur Pile ou Face.

Fabiola : Putain, on ne va pas discuter quelque chose dont tu ne te rappelle pas !

Yves Tenret (à Raouf) : Tu entends ? Renvoie-la à la maison.

Raouf : Ça se précise, hein, ton idée d’exclure les gens ?

Yves Tenret : Vous faites chier ! Mettez-moi les chaînes aux pieds. J’en ai marre de vos obsessions.

Auguste : Qui a eu l’obsession de la discrimination ? Est-elle sociale ou raciale ? Ça c’est une question intéressante.

Yves Tenret : Je n’en sais rien. Ce sont des choses à discuter. Toi tu sais ? Tu sais ? Donne la réponse. Vite, vite !

Brouhaha indigné.

Noyé : Silence !

Yves Tenret : La bonne réponse gagne une machine à laver ou une télévision couleur !
Ariel : Je ne suis pas d’accord. T’en rajoutes un peu. On peut aller au fond des choses mais...

Mme Maniaque : C’est un provocateur envoyé par Debord !

Long silence rêveur.

Ariel : Tu m’as intéressé mais tu m’emmerdes maintenant.

Yves Tenret : Je ne veux pas emmerder les gens. Je le dis publiquement : J’arrête tout !

Sembene : Je ne suis pas ici pour entendre les gens se prendre à parti l’un l’autre.

Yves Tenret : Excuse-moi.

Sembene : Pourquoi ? Tu ne m’as pas insulté.

Tom : Il continue avec ses manipulations !

Ariel : Ça commence à bien faire les trucs en tête-à-tête face à 35 spectateurs.

Yves Tenret : Asseyez-vous tous ! De la discipline ! Paolo, assieds-toi !

Ariel : Je m’en vais.

Noyé : Non ! Non ! Personne ne quitte la salle, personne ne fuit Athènes. La conférence doit résoudre ce cas pratique.

Yves Tenret : Je m’en voudrais de m’imposer à vous...

Noyé : Un homme ne peut pas s’imposer à d’autres. Hitler a pu. (Il rit tout seul). J’admire Hitler ! Ici nous n’avons qu’un tout petit, un minuscule problème.
Brame (à Yves Tenret) : Faut que tu te freine. Lève le pied de l’accélérateur.

Brouhaha violent.

Tom : La conférence se laisse séduire par un manipulateur.

Noyé : La conférence temporise.

Fabiola : Séduire n’est pas le mot. L’assemblée se laisse pomper l’air !

Noyé : Attends ! Ce n’est pas le moment de discuter de ça.

Silence accablé.

Ariel : Il y a eu un processus de création collective et Yves nous a aidé à le faire...

Yves Tenret : Pas du tout ! Je n’ai pas aidé !

Ariel : Non ! Non ! Tu n’arrêtes pas d’interrompre tout le monde mais moi je ne me laisserais pas interrompre. Ce qui s’est passé dimanche ne nécessitait personne en particulier. Y a-t-il du racisme dans cette assemblée ?

Noyé : Nous sommes tous anti-racistes non ?

Fabiola : Mais il y a chez Véronique une chose qui m’intrigue.

Noyé : C’est une grande question soulevée par hasard.

Fabiola : Le fait qu’on soit tous anti-racistes est un implicite.

Véronique : Arrrrrrgggggggggggghhhhhhhhhhhhh !

Fabiola : Tu es raciste et tu ne sais pas l’expliquer ou bien euh...


Véronique : Je ne sais pas si je suis raciste.

Noyé : Est-ce qu’on ne doit pas être raciste ? Est-ce que les pauvres ne sont pas méprisables ?

Sembene : C’est mon avis. Il y a une race à laquelle l’esclavage est attaché comme à son nom, à sa couleur, la race des Noirs. Et pour ça, je hais cette race. Quand je vois un Noir, j’ai toujours peur de l’infamie qu’il pourra me montrer, me renvoyer et qui peut-être existe en moi. Et personne ici n’est d’accord avec moi.

Noyé : Pourquoi ?

Sadoc : Sembene, il faut bien voir que ce sont les pauvres de là-bas qu’il insulte quand il fait une relation entre ce qui s’est passé en Casamance et ce qui s’est passé en Mauritanie. Il mélange trafic d’esclaves et pauvres qui se révoltent. On n’a pas besoin d’africaniste !

Yves Tenret : Monte ! Sors avec moi !

Brame : C’est marrant parce ce que dit Sembene à propos des Noirs c’est ce que je ressens vis à vis des pauvres. Ce qui se passe maintenant, c’est comme quand il y en a qui dit « J’étais ouvrier » et qu’on le traite d’ouvriériste.

Brouhaha courroucé.

Yves Tenret : C’est quand même plus facile d’être blanc chez les Noirs, Sadoc a raison.

Brouhaha excédé.

Sadoc : Ne me prête pas d’intention ! Ouais ! Ouais ! Pois ! Je n’ai jamais dit que dans le contexte là-bas c’était plus facile d’être blanc que d’être noir. Ni l’inverse. Senghor est noir et c’est une pute. N’Daye qui prétend parler de races dans Jeune Afrique, aussi. Je ne veux pas que toi tu parles de ça ici où je n’ai jamais eu de contacts séparés avec les mecs, à savoir que je suis noir et qu’ils sont blancs et tout et tout.

Yves Tenret : C’est bien mec. Tu te dépasses là.

Sadoc : Non ! Non ! Je n’ai pas le sentiment de raconter des conneries.

Yves Tenret : C’est toi qui m’as parlé de Jean Ziegler.

Brouhaha.

Sadoc : Ce n’est pas moi, c’est Raouf. Tu vois que tu ne racontes que des conneries.
Yves Tenret : Raouf, vas-y, parles-nous de Ziegler. J’aime beaucoup Erika Deuberg, sa maîtresse.

Les Sénégalais se mettent à s’engueuler extrêmement violemment entre eux.

Tom : Tout le monde s’en fout de tout. La seule règle pour se faire entendre est de crier plus fort que les autres alors que Jerry par exemple qui n’a pas de voix ne peut pas placer un mot dans votre conversation.

Sadoc : Je parle fort parce que je me sens insulté.

Yves Tenret : On s’en fout. Laisse parler Jerry.

Raouf : Eh ! L’artiste, arrête ton show sinon on va te montrer ce que c’est un sale nègre.

Ils s’empoignent. On les sépare. Noyé se précipite pour leur resservir un verre de vin à chacun.

Raouf : Il a dit deux phrases géniales au début et maintenant il débloque...

Protestations virulentes. Arrête ! Arrête !

Yves Tenret : C’est la-men-table ! Pute de putain de bordel d’assassins !

Sembene : Absolument, absolument !

Brouhaha !

Dynamite (braillant) : Il faut arrêter les procédures ordurières entre les gens sinon...

Antoine (surbraillant) : Il n’y a aucune raison. Pourquoi on ne s’insulterait pas ? Ça fait partie de la pensée, de la prise de parole.

Dynamite : Aaaaaaaaah ! Bien, bien !

Intense brouhaha généralisé - tout le monde parle en même temps.

Antoine : Je veux le sortir d’ici. Je le sortirai contre tout le monde. Je suis ici depuis cinq minutes et je suis rentré du boulot là, soi-disant que ceux qui vont au boulot, j’sais pas quoi, ils désertent, hein, ils ne s’investissent pas assez... (A l’adresse de Yves Tenret) Petite crapule !

Paolo : Manichéen ! Stalinien ! On t’insulte autant et comme on veut.

Brouhaha.

Mme Maniaque : Es-tu envoyé par Debord pour saboter notre réunion ?

Brouhaha.

Raouf : Yves, Yves, maintenant il faut que tu expliques à l’assemblée qui était elle-même son propre sujet, quel procédé tu as utilisé pour la transformer en une espèce d’objet passif.

Noyé : Elle est toujours son propre sujet.

Eurydice : Ce n’est pas vrai.

Yves Tenret (à Raouf) : Assieds-toi ! Tu me donnes le vertige à t’agiter comme ça au-dessus de moi.

Paolo : Manipulateur !

Yves Tenret (soupirant) : J’en ai rien à foutre de me faire taper sur la gueule.

Antoine : Je peux dire quelque chose ?

Yves Tenret : Vas-y camarade, tu m’intéresse beaucoup !

Antoine : Ta gueule !

Eurydice jette un énorme sac à main vers moi. Il passe au loin.

Antoine (se lève et menace) : Tu arrêtes !

Eurydice : Tape-le !

Yves Tenret : Fais-le toi-même !

Antoine : On peut être content d’un truc effectivement, il y a des gens qui ne parlent pas d’habitude et qui s’exprime là mais si la conférence a besoin d’un bouffon pour se révéler à elle-même, moi ça ne m’amuse pas du tout. Sinon, on va chercher n’importe quel connard et effectivement, il va provoquer une petite réaction. Seulement pendant ce temps là, on perd du temps...

Yves Tenret : Et le temps c’est de l’argent !

Eurydice : Putain !

Paolo : Si tu es là pour provoquer les gens tiens ton pari alors ! Ne sois pas ambigu, pauvre connard !


Eurydice : Tu parles quand tu n’es pas attaqué. Quand tu es attaqué, tu lèves les mains.
Maniaque : Et tu nous bassines avec tes états d’âme.

Yves Tenret : Normal, je suis un artiste !

Eurydice : Personne n’est venu ici pour chercher ça.

Paolo : C’est comme le chef du personnel qui te fout à la porte et tu dis bon, euh, c’est pas moi, euh, excuse-moi. (Rires). Alors défends tes arguments, putain, et ne viens pas raconter des histoires à l’oreille de Raouf, j’ai eu des copains noirs, il s’en fout complètement et je comprends très bien et je me reconnais dans ça.

J’ai les yeux fermés. Je dors...

Paolo : Tu parles, c’est tout ! T’es un manipulateur, un syndicaliste, un universitaire !
Noyé : Oh non ! Jamais un syndicaliste ou un universitaire n’oserait faire ça !

Dynamite : Mais si ! Il y a des syndicalistes qui sont des provocateurs.

Brouhaha exaspéré.

Véronique : Mais qu’est-ce qui vous dit qu’il est en train de provoquer ? Et qu’est-ce qu’on en a foutre, qu’il provoque ou non ?

Noyé (ravi) : Qui craint la provocation ?

Dynamite : Mais on ne la craint pas là.

Noyé : La preuve !

Brouhaha. Avis violemment opposés.

Ornas : Pourquoi avez-vous tant tardé à réagir ?

Antoine : Je croyais que j’arriverais à démolir très intelligemment son point de vue avec des arguments, bravo ! , seulement je n’y arrive pas, d’une et de deux, je ne suis pas du tout enchanté de ça. Je pense que ce genre d’individu serait content de prendre mon poing dans la gueule et je n’ai pas envie d’en arriver là. Ça ne m’intéresse pas.

Raouf : Ça ne se sent pas dans la façon dont tu parles.

Antoine : On n’a pas besoin d’expliquer à un flic en quoi il est con pour lui taper dessus. Je ne vais pas attendre toute ma vie comme ça. Bon mais je ne veux pas me justifier non plus.

Eurydice : Lui il a demandé des objections. Je n’entends pas.

Noyé : C’est la démocratie qui règne maintenant.

Eurydice : Non !

Fabiola : Ce n’est pas la démocratie.

Joan : Ou alors, la démocratie, c’est moche.

Noyé : Qu’est-ce que la démocratie ? A-t-elle peur d’un manipulateur ?

Eurydice : Elle n’a pas peur mais elle ne veut pas objecter. Il y a des choses qui sont comme ça ! (Elle frappe du plat de la main sur la table). Et il faut qu’elles soient comme ça.
Yves Tenret (réveillé en sursaut, ouvrant péniblement les yeux) : Pouh là là ! Je suis mal barré.

Eurydice : La conférence a tourné à autre chose et il n’y a pas eu d’objection. La conférence était réelle, lourde et très forte puis il est arrivé et... On avait mis une semaine à sa comprendre. Maniaque demandait depuis des jours de parler de la conférence et pas de sujets autres, de texte, de film à la con et dimanche, c’était la conférence, le groupe qui était là et aujourd’hui, à cause de lui, on a raté l’esprit qui était là dimanche. Voilà !

Ornas : Le monde c’est aussi ça.

Noyé : Fini de rire, on est en démocratie maintenant !

Yves Tenret : Bravo ! Tiens bon Jean-Luc !

Antoine : Il n’a pas besoin de supporter, on est pas au foot.

Brouhaha. Dispute entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre le foot. Henri et
Jacques sont pour. Maniaque, contre. Les bouteilles circulent à la ronde.

Eurydice : Ce n’est pas la démocratie.

Véronique : Et alors ? Si tu n’étais pas contente avant, tu n’avais qu’à parler pendant trois heures.

Silence soudain et glacial.

Ariel : Je vous fais remarquer que c’est la première fois que tout le monde a parlé.

Antoine : Et alors ?

Sifflements. Bronca !

Fabiola : Yves Tenret nous empêche de communiquer !

Noyé : Vive la république ! Vive la chose publique !

Je me lève et sors de la pièce en titubant.

Antoine : Il faut lui casser la gueule !

Eurydice : Ce n’est pas la démocratie qu’on cherche.

Noyé : Je ne la cherche pas, je l’exige.

Antoine : Pas désarmée en tout cas.

On entend une longue plainte suivie de coups violents contre une porte. C’est moi qui n’arrive pas à sortir des toilettes.

Noyé : Il est en manque ? Il se shoote ou quoi ? Quel bordel ! On voit bien qu’il n’est pas dans son état normal. Je ne dis pas ça pour le défendre mais...

Antoine : C’est un malade !

Noyé : Il n’était pas comme ça quand il est arrivé ici. Il a changé. Il ne parle plus comme au début.

Mme Maniaque : Même au début, ça n’allait pas. Il n’est pas nécessaire de crier pour parler.

Véronique (hurlant) : Ouuuuuuuuuuuuuuuuuuiiiiiiiiiiiii !

Maniaque : Eh ! Véronique jusqu’à présent, tu n’as fait qu’une chose, crier. Tu n’as jamais...

Véronique : Je crie depuis que je suis née. (Elle rugit ! On essaie de la raisonner) Vous me faites chier. Vous êtes des académiciens !

Fabiola : Peut être que si tu essayais de t’expliquer, tu serais plus calme ?

Véronique hurle à nouveau.

Mme Maniaque : Tu nous fais chier aussi. Tu n’as rien à dire. Tout ce que tu sais faire, c’est crier.

Véronique (elle lève sa jupe et lui montre ses fesses) : Connasse !

Rires, applaudissements frénétiques de Jacques et Henri.

Noyé : Voilà, c’est ça la démocratie ! Vous croyez qu’à Athènes, c’était des enfants de chœur ? Combien de fois, ils se sont passés mutuellement par l’épée ? Je vous ai prévenu qu’on ne sortirait peut-être pas vivant d’ici. Ce n’étaient pas des mots. Je le souhaitais vraiment. On ne sait pas ce qui va se passer.

Eurydice : Moi je dis : « Si on insulte une personne, la conférence est dissoute ».

Antoine : Je ne suis pas venu ici pour retrouver les trucs que j’entendais encore quand j’étais au Lycée, des discours gauchistes minables.

Noyé : La conférence n’est pas dissoute, la démocratie existe. Elle est en plein exercice.

Eurydice : Pour moi, l’assemblée et la démocratie, ça fait deux. Qu’est-ce que c’est la démocratie ?

Noyé : Un mot grec qui n’a jamais trouvé sa réalisation.

Eurydice : Mais au sens grec ?

Noyé : Pouvoir du peuple.

Eurydice : Et pourquoi on a besoin de ça ?

Noyé : Parce que c’est un idéal, mon idéal !

Eurydice : L’idéal, c’est la conférence, ce qui a pu être crée entre nous.

Noyé : Mais ça n’est pas détruit par une altercation. Le monde a fait irruption, ici, bordel ! L’insatisfaction a pris place à cette table. On doit être souverain, on doit arriver à siéger. Je ne sais pas plus que vous comment faire.

Paolo : Dans ce mec là, putain, on est arrivé à comprendre notre insatisfaction. Comprendre, c’est ça qu’on cherche, putain ! Et on arrive pourtant à le haïr ce mec, putain !

Dynamite : On discute, ça va déjà mieux.

Noyé : Nous ne sommes pas chez les scouts ! Des choses comme ça n’ont pas lieu chez eux.

Paolo : Alors s’il nous tenait tête toute sa vie, nous devrions rester face à lui. C’est ça l’esprit démocratique ? Discuter avec lui, putain !

Je reviens m’asseoir. Sembene me tend quelque chose.

Sembene : Tiens, tu as perdu ton portefeuille.

Mme Maniaque (plaintive) : Il est à moi. On a envoyé mon sac à travers la salle. Dans sa gueule !

Yves Tenret (comme absent) : Une folle... Quelle agressivité !

Je me lève et me dirige vers l’escalier. De nombreuses voix me prient de rester. Je reviens et me laisse tomber sur mon siège.

Yves Tenret : En fait, vous êtes sympa.

Dynamite : Si tu restes, tu éteins ta cigarette.

Yves Tenret : Ah oui, excuse-moi. (J’aspire goulûment deux, trois fois et émet un énorme nuage de fumée). Est-ce que je peux avoir une bouteille ?

Brame : Il n’y en a plus.

Yves Tenret (il rit) : Une vide ! C’est pour éteindre mon mégot.

Une minute de silence.

Dynamite : Je n’ai pas de solution à apporter mais je ne reprendrais la discussion qu’avec ceux qui sont démocrates.

Yves Tenret : Je suis démocrate !

Dynamite : Tais-toi, putain ! Je suis en train de parler.

Yves Tenret : J’ai beaucoup d’estime pour toi.

Simone : Ne dis pas ça à tout le monde. Ça n’a plus aucune valeur.

Yves Tenret : Je ne le dis qu’à lui qui est si digne, debout, lissant ses grosses moustaches.

Ariel : C’est clair ! T’es bourré ! Ça fait chier. Ça ne m’intéresse plus de t’entendre, plus du tout.

Yves Tenret (déçu) : Bon, je ne dirai plus rien...

Ariel : Cela fait vingt fois que tu répète que tu ne diras plus rien. Malheureusement à chaque fois tu interromps quelqu’un pour le dire !

Joan : Je propose à l’assemblée qu’on le foute dehors.

Noyé : Quelles autres propositions y-a-t-il ?

Joan : Pour le moment on n’a plus besoin de lui. Il a servi mais...

Ariel : Je m’oppose à la formulation. Tu dis qu’il a « servi » et moi ça me fait vraiment chier !

Auguste : Il pourra revenir si ça l’intéresse, demain ou après-demain.

Joan : Il a traité des gens, des êtres humains d’objet.

Sadoc : Je suis d’avis qu’il reste.

Paolo : Je n’aurais pas l’impression de trahir mon idéal démocratique si on le faisait sortir.

Fabiola : On vote !

Noyé : Les formules sont impropres. Les « on le fait sortir » etc.

Mme Maniaque : Remettons ça à demain.

Noyé : On pourrait le prier de sortir ?

Tom : Vidons-le !

Brame : Je m’oppose à son exclusion.

Jacques : Moi aussi ! Formellement et fermement !

Joan : Il m’a privé de parole. Ce ne serait qu’une exclusion ponctuelle.

Sadoc : Il faut qu’il reste pour qu’on aille aux extrêmes. Si on ne règle pas certaines points pas question qu’il revienne demain.

Tom : On s’est engagé dans une mauvaise dialectique. Même si on décide de ne l’exclure que cinq minutes, il est là et il dit : « Eh bien, forcez-moi à partir ! » Et c’est là qu’on s’enferre.

Noyé : Le problème est dans le principe, pas dans les moyens.

Paolo : Putain ! Je ne me laisserais pas frapper par un putain de flic, même démocrate !
Yves Tenret : Où vois-tu un flic ?

Paolo : D’accord, d’accord, putain, c’est une image.

Auguste : Je crois qu’il y a une confusion. Il a provoqué la conférence et cela a débouché sur des idées valables, sur quelques vérités mais après il s’est enivré de ses provocations et est devenu manipulateur. Il s’est maintenu volontairement dans une difficulté de comprendre qui on est. Il est devenu le centre en monopolisant la parole...
Yves Tenret : Tu as raison. !

Dynamite : Je veux signaler la profonde satisfaction que ressent ce théoricien de l’insatisfaction. A chaque fois qu’il dit « tu as raison », on ressent qu’il est vachement satisfait de lui-même.

Yves Tenret : Je suis peut-être saoul mais en aucun cas je ne suis satisfait de moi-même.

Auguste : Il s’enivre de ses provocations !

Yves Tenret : Ce ne sont pas des provocations, c’est de la dialectique. T’es qu’un enculé !

Brouhaha stupéfiant.

Auguste : Tu n’es qu’un manipulateur !

Yves Tenret : Bon, je m’en vais comme ça vous resterez entre vous, vous serez bien, formidable, une vraie grande famille.

Antoine : Menteur !

Mme Maniaque : Ce n’est pas évident qu’on est bien ensemble.

Eurydice : C’est ce que tu n’as pas compris depuis le début.

Hurlements divers.

Paolo : Pauvre chômeur, comme je te plains !

Yves Tenret : Je ne suis pas un chômeur !

Raouf : Prouve que nous sommes une grande famille. Démontre-le !

Yves Tenret : Raouf, je vais t’offrir quelque chose : je vais démontrer que vous n’êtes pas bien ensemble et après je m’en irais. Ça te va ?

Raouf : Non ! Pas du tout ! Tu dois démontrer que nous sommes une grande famille.

Yves Tenret : Vous n’êtes pas une grande famille unie. Fais-toi une raison. Tu n’arrêtes pas de t’insulter avec tout le monde.

Raouf : Ce sont tes propres mots : « Une famille unie. »

Yves Tenret : Je ne te comprends pas. Où veux-tu en venir ?

Raouf : Mais qu’est-ce que tu ne comprends pas ?

Yves Tenret : Pourquoi tu ne me respectes pas ?

Sembene : Je suis d’accord avec Yves. Moi non plus je ne comprends pas ça.

Voilà, il reste les autres jours...


(À suivre)