Les surréalistes font le portrait d’un nouveau genre de vagabond, aux aguets des transformations potentielles de la ville et engagé dans ces activités à la fois subversives et ludiques qui deviendrons plus tard la marque des situationnistes. Ainsi, une fois encore le vagabond, dont les mouvements transforment son environnement tisse un lien avec une tradition perdue qui revendique la cité comme site d’expérimentation politique et esthétique.
[…]
Baudelaire et, plus tard, Walter Benjamin, disent spécifiquement que la nouvelle de Poe [L’homme des foules] inaugure un nouvel archétype urbain, celui d’une figure isolée et solitaire qui est à la fois un homme de la foule et son observateur détaché — soit en tant que tel, un avatar de la cité moderne. Un homme assis dans un café regarde passer la foule qui se presse dans une artère encombrée de Londres. Cet observateur passif remarque un homme au visage étrange et, curieux, se met à le suivre. En le suivant, il est amené à effectuer un voyage apparemment sans but et au hasard à travers la ville, depuis son centre jusqu’à des banlieues peu recommandables. […] / Dans ces quelques pages donc, nous assistons à l’émergence du flâneur, le vagabond de la cité moderne, à la fois immergé dans la foule mais isolé d’elle, un « en-dehors » (et même un criminel) et pourtant en définitive un homme impossible à cerner et dont la motivation demeure incertaine. Ce vagabond annonce en même temps la naissance d’un nouveau type de ville et l’effacement de l’ancien, ses déambulations sans but se trouvant déjà en contradiction avec son environnement et son habitat naturel menacé, à Paris au moins par l’apparition d’une topographie réglementée.
[…]
Pour Baudelaire Paris devient un livre que l’on peut lire en parcourant ses rues, et ce livre lui inspire une révolution littéraire : le poème en prose.
[…]
Mais la topographie labyrinthique et encore essentiellement médiévale qui demeurait largement intact à Londres allait bientôt être détruite à Paris par les travaux du baron Haussmann. Sa complète reconfiguration de la cité devait briser le lien qui unissait de larges tranches de la population avec la ville qu’ils habitaient.
Merin Coverley, Psychogéographie ! Poétique de l’exploration urbaine, Bibliothèque des Miroirs, aux Moutons électriques.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire