Maniaque : On est là depuis trois heures, on boit du vin, on boit sans arrêt et on se laisse manipuler par un animateur culturel.
Véronique : Pourquoi tu parles au nom de tous ? Parle en ton nom propre !
Maniaque : C’est comme ça depuis 8 jours. On a parlé cinéma, la conférence a parlé de cinéma, on a parlé d’argent, la conférence a parlé d’argent, aujourd’hui, on a parlé d’animation culturelle, la conférence parle d’animation culturelle. Ça m’emmerde !
Véronique : La conférence n’existe pas. C’est tout !
Maniaque : En mon nom à moi, elle n’existe pas. Les champions de la théorie m’emmerdent et les animateurs culturels qui ont toujours encore un autre argument m’emmerdent.
Madame Maniaque : C’est vrai, c’est juste.
Maniaque : Ça fait trois heures que Yves T. monologue.
Chahut. Cris. Tais-toi ! C’est toi qui nous emmerdes !
Yves Tenret : Je ne suis pas un animateur culturel. Je suis un chômeur ! Je vis avec 3500 francs par mois.
Maniaque : Quel que soit le truc, tu ne te tais jamais. Faut que tu parles.
Yves Tenret : Ce n’est pas vrai ! Je me suis tu pendant des heures.
Noyé : On peut écouter la bande, on peut chronométrer ses temps de silence. J’ai noté un long temps de silence de sa part.
Yves Tenret : J’ai eu des arguments pertinents, ça t’a marqué, désolé. Je ne voulais pas parler, je suis venu ici dans l’idée d’observer mais j’ai horreur d’arriver quelque part et de ne pas offrir ce que j’ai de mieux.
Ariel (suppliant) : Ecoute-moi.
Yves Tenret : Si tu insiste, on sort et on se tape sur la gueule ! Parce que vraiment tu m’énerves en me traitant d’animateur culturel. Je ne comprends pas pourquoi tu m’insulte comme ça.
Dynamite : Et toi, tu m’as traité de boy-scout et ça aussi ça m’énerve !
Noyé : C’est tout à fait ton portrait !
Yves Tenret : Ce n’est pas énervant, c’est objectif.
Dynamite : Ce n’est pas vrai.
Noyé : C’est gentil.
Yves Tenret : C’est dénué de toute agressivité et cela peut t’aider à mieux te comprendre toi-même.
Mme Maniaque : Ah ! Non ! Non ce n’est pas gentil !
Brouhaha dément. Cris moqueurs. Gentil ! Méchant !
Ornas : Ça fait une heure qu’il y a des gens qui ont envie d’attaquer Yves et qui ne le font pas. Pourquoi ?
Véronique : Oui ! Bordel !
Ornas : Pourquoi c’est toujours Maniaque qui s’y colle ?
Yves Tenret : Je suis d’accord avec Maniaque. Lui et moi, on est comme les deux doigts de la main.
Raouf : Ce mec m’attaque, je lui réponds
.
Yves Tenret : On est d’accord toi et moi.
Raouf : Non, non, et non ! C’est toi qui m’as fourré dans ton sac de nœuds, ton triangle avec Noyé.
Ariel : Mais émettre des hypothèses, c’est quand même pas attaquer les gens, merde !
Enorme brouhaha.
Enorme brouhaha.
Raouf : Il n’émet pas des hypothèses mais des certitudes.
Brouhaha crescendo et indescriptible, rire dément de Noyé, cri de Maniaque, hurlements de Jacques et Henri contre Raouf, rires, applaudissements soutenus : bravo ! bravo ! - Raouf outré sort.
Yves Tenret : Bon ce coup ci ça y est, je vais vraiment avoir le tiers monde contre moi. Raouf, reviens !
Rires irrépressibles, nerveux d’une bonne partie de l’assistance.
Yves Tenret : Il est parti ? Quel enculé !
Chœur à dominante féminine indigné.
Yves Tenret : Et ça ce n’est pas une hypothèse, c’est une certitude !
Maniaque : Pourquoi tu traites Gerardoo de boy-scout ?
Yves Tenret : Parce qu’il est positif.
Clameur partagée. Il y a des pour et des contre.
Noyé : Après il a ajouté « généreux et confus ». C’est un très bon portrait.
Ariel : Il a été question d’implicite et de se remettre en question.
Dynamite : J’ai toujours dit que je venais ici confus, que je venais pour résoudre cette confusion.
Brame : Si même dans cette conférence on ne peut pas se dire ses 4 vérités où le pourra-t-on ?
Noyé (à Dynamite) : Toi, tu l’as traité de champion de tennis ! Il s’est révélé deux vérités théoriques : L’épaisseur de l’implicite qui régnait ici et que c’est la puissance de l’investissement qui détermine les gens, comme au poker, il y en a qui peuvent ou ne peuvent pas suivre la mise et qui passent...
Hurlements de Fabiola, de Maurice, etc., qui veulent juger Yves Tenret.
Ariel : Il y a des gens qui travaillent au-dessus de nous.
Hurlements redoublés. Interruptions incessantes. On ressert à boire à volonté.
Tom : Jean-Luc, tu dois admettre que tout le monde n’a pas entendu la même chose dans ce que Yves Tenret a dit.
Noyé : C’est bien ! C’est ça la richesse !
Tom : Non, la richesse, c’est ta perception. J’ai un point de vue totalement différent du tien sur Yves Tenret.
Noyé : Je sais...
Tom : Il n’a peut-être pas tort. Le premier devoir de cette conférence, dans la mesure où elle existe...
Brame : C’est d’écouter tous les points de vue...
Tom : C’est de se vérifier à mesure...
Noyé : Elle a crié la conférence. C’est bien non ?
Yves Tenret : Aïe ma tête !
Rires ! Cris d’indignation ! Raouf revient. Yves Tenret se lève et lui sert la main.
Ariel : Tout à l’heure j’ai fait une mauvaise plaisanterie qui est tombée complètement à plat.
Simone : Tu as dit que Raouf était en fureur ou un führer ?
Ariel : Oh ! Je n’ai pas dit « führer ».
Raouf : J’ai entendu « fureur »
Brouhaha ! Tout le monde s’en mêle.
Noyé : C’est pour ça que j’estime que boy-scout n’est pas une insulte et qu’animateur culturel en est une.
Fabiola tape dans le mur, grogne comme une bête blessée. Personne ne fait attention à elle.
Raouf : Ecoute Jean-Luc, qu’est-ce que tu réponds si je te dis que j’ai des amis belges depuis l’age de dix-sept ans ?
Noyé : Rien.
Raouf (furax) : Dis-moi autre chose.
Yves Tenret : Il n’y a que Jean-Luc pour toi ?
Raouf : Tu n’es qu’un raciste moyen.
Yves Tenret (amer) : Ce n’est pas vrai.
Raouf : Ne me dis pas que tu aimes bien les Noirs !
Yves Tenret : Je n’aime pas les Noirs. J’aime bien des individus.
Raouf : Moi je ne t’aime pas.
Yves Tenret (excédé) : T’es qu’un enculé !
Raouf : J’aime mieux ça tu vois.
(Il tape de son énorme poing sur la table).
Ariel : Raouf, Raouf, on n’est pas chez nous ici.
Raouf : Tes jeux de mots et ta pseudo dialectique, j’en ai marre. Dis ce que tu as dire clairement. N’essaie pas de truquer. Laurent a raison, tu es un manipulateur.
Noyé : Non, non !
Raouf (hurlant) : Les services de renseignement procèdent ainsi !
Yves Tenret : Je ne sais pas qui est ce Laurent mais je sais qui tu es toi. Tu es Sekou Touré et moi je suis l’un des Peuhls qui sont fusillés au milieu du stade, en public.
Raouf : Ça m’étonne. On m’a dit de redescendre parce que tu avais une réponse à ma faire et tout ça, et tout ça. Je viens, tu me serres la main, ça veut dire quoi ?
Yves Tenret : Ça veut dire : tu as gagné, tu es le meilleur.
Raouf : Non, non. Il faut d’abord épurer le contentieux.
Yves Tenret : Il n’y a plus de contentieux. C’est simple : tu es le meilleur.
Raouf : Non mon vieux. Pas d’implicite. Il faut tout expliciter.
Long silence.
Brame : Quelle est la nature de ce contentieux ?
Brouhaha. Tout le monde explose !
Sembene : Cela fait 8 jours qu’il y a des choses dont nous ne parlons pas mais on pourrait les approcher de manière plus simple que celle que nous utilisons en ce moment. Là, on rajoute de la confusion à la confusion.
Noyé : Où tu vois de la confusion, je vois de la lumière.
Sembene : Quelle lumière ? Ça part dans tous les sens. On s’embrouille de plus en plus !
Noyé : Ah non ! Le bordel oui mais résultat : je vois la lumière ! Et rien ne vaut la lumière. Combien Prométhée a-t-il payé pour avoir le feu ?
Sembene ouvre la bouche mais je suis plus rapide et le coupe.
Yves Tenret : Excuse-moi Sembene si je t’interromps mais je veux expliquer à Raouf que je ne suis pas dans la mauvaise conscience, dans un universalisme abstrait. J’ai travaillé 6 mois à Abidjan où j’ai fraternisé avec des Guinéens en exil. Le Noir pour moi n’existe pas, n’existent que des noirs.
Fabiola : Ah non !
Raouf : En 1952...
Yves Tenret : En 52, j’avais 4 ans, alors si tu permets...
Raouf : ...on a établi de façon scientifique que l’homme noir n’existe pas.
Sembene : C’est comme l’économie pour Noyé, un mensonge. L’histoire des Noirs est un mensonge.
Yves Tenret : Absolument ! Les Noirs ont résisté en Casamance et ce sont les Mauritaniens qui descendaient pour trouver des esclaves noirs.
Sadoc : Qu’est-ce que tu crois qu’on en à branler ?
Sembene : Oh là ! Doucement, doucement.
Raouf : Je sais qu’à Bruxelles, il y a le Musée royal d’Art africain et qu’il est fréquenté par des baba cool. Mais c’est hors sujet par rapport à ici.
Yves Tenret : C’est le sujet !
Raouf : Tu ne veux pas parler de l’implicite.
Sembene : Il ne fait pas que ça ! Moi, je suis d’accord avec lui. Il a travaillé en Afrique. Il est sorti de l’Europe. Il a des amis africains depuis longtemps. Il les fréquente. Il a mis tout ça sur le tapis et moi ça faisait un bon bout de temps que je voulais qu’on parle de ça.
Yves Tenret : Ouais ! Vas-y. Dis-moi pourquoi.
Brouhaha enflammé.
Raouf : Ça n’est pas vrai. Tu ne voulais pas mettre ça sur le tapis ou alors pour le détruire.
Sembene : Connerie !
Raouf : Pour le détruire c’est-à-dire le fonder au sens hégélien du terme.
Sembene : Je suis contre !
Raouf : Tu ne dois pas amener ta propre expérience ici comme quelque chose de fondé.
Sembene : Je ne pense rien d’une manière purement théorique.
Raouf : Ton expérience n’est pas une preuve...
Yves Tenret : Où as-tu trouvé que j’ai dit que les Africains étaient mes amis ? Je n’ai pas dit cela. J’ai dit : « J’ai travaillé à Abidjan » et toi tu en as déduit que j’étais un anti-raciste.
Raouf : Non ! La façon dont je m’opposais à toi ne portait pas sur la couleur. Si on parle de tout, il faut commencer par le noyérisme, en moi et dans les autres. Je ne connais pas de tendance raoufiste.
Yves Tenret : Je suis raoufiste !
Raouf : Il y a longtemps déjà, j’attaquais Dada et les surréalistes, leur espèce de « Black is beautiful ». Black magic man ! And so, and so. Tout ça me fait chier et je le dis.
Yves Tenret : Je n’ai pas dit black is beautiful.
Raouf : Tu ne dis que des conneries, t’es un animateur social.
Yves Tenret : Je travaille avec un Noir dans un journal. Il n’écrit que des conneries et en plus il veut que je l’encule.
Sembene : J’ai lu ses articles. Comment tu les trouves ?
Yves Tenret : Nul, néant, zéro !
Sadoc : Attend qu’il soit là pour l’insulter.
Yves Tenret : C’est un ami. Je ne l’insulte pas.
Sadoc : On ne peut pas justifier qu’il y ait des gens qui en enculent d’autres.
Fabiola hurle en luxembourgeois et Eurydice en grec. Enorme brouhaha.
(À suivre)
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