mercredi 27 juillet 2011

L’Orpailleur : Fragments – Épisode 2

Avertissement

L’Orpailleur, c’est l’histoire de Gilles, qui voit le jour au début des années 50. Il n’a pas connu la guerre ; il sera le lieu d’autres conflits. Il n’a pas vingt ans quand finissent les années 60; et, bien qu’il n’ait pas directement participé à la magnifique désorganisation de ce printemps de l’année 1968, on peut dire qu’il a été profondément marqué par l’esprit négateur de ce temps -— aussi avait-il trouvé là un terrain propice. Il jettera désormais sur le monde et sur la vie, le regard désenchanté qui est celui des enfants perdus de toutes les révolutions inabouties ; et, le désespoir se mêlant à la révolte en « un inextricable nœud de serpents », il va rentrer dans le cercle vicieux d’une vie désordonnée où il verra disparaître toute stabilité. C’est alors qu’il basculera de « l’autre côté » : « J’avais vingt ans et je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. »
L’histoire de Gilles, c’est l’histoire d’un retour à la vie — qui est aussi bien retour de la vie — ; la re-création de son monde. L’acte initial en est un voyage à Amsterdam, ville emblématique, labyrinthe en forme de toile d’araignée « où il était venu se prendre » plus par affinité avec les lieux que fortuitement. Se pose ici la question de la bête dans le labyrinthe — dans chaque labyrinthe se cache une bête —, de l’araignée de la toile — au centre de chaque toile guette une araignée — ; on en vient ainsi au personnage de D. D., c’est  « le mauvais côté » — précisément celui qui fait l’histoire. Gilles a rencontré D. à cette période incertaine de l’existence, entre la fin d’une adolescence qui se prolonge parce qu’elle ne trouve pas de passage vers l’âge adulte, et le début de cet âge improbable qui se rapproche, malgré tout, sous la forme terrible du Temps. Gilles a d’abord été fasciné par D. ; puis il a été pris de vertige. Comment ne pas vaciller devant le vide ? On ne côtoie pas impunément le négatif. Fatalement, Gilles devait tomber. Son histoire s’interrompt brutalement. Il gardera de ce moment le souvenir d’une débâcle où D. a joué un rôle qui lui reste obscur. Il sait qu’il lui faut revoir D.; et il appréhende cet instant. A son départ pour Amsterdam, il se décide à lui envoyer un message où il se borne à indiquer un rendez-vous possible. D. ne viendra pas; mais, au fond, ne savait-il pas que cette rencontre ne devait dépendre que de lui ? Au retour, il passera à « l’ancienne adresse » strasbourgeoise. Il trouvera la maison abandonnée, et l’appartement de D. ravagé par le feu. Gilles ne reverra pas D.; il n’y aura pas d’explication. Ainsi, D. n’aurait été qu’une figure du rêve; ou la fiction échafaudée par une sensibilité déréglée, qui se serait écroulée lorsque celle-ci n’avait plus été en mesure de la soutenir.
Pourtant, comment douter de la réalité de ce qui agit si puissamment; comment croire que cela puisse véritablement finir ?

(À suivre)

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