mardi 5 juillet 2011

Petit dictionnaire de citations à l'usage des jeunes générations - Extrait 5


la CADUCITÉ universelle

L’époque peut se comparer à l’époque hellénistique. Le thème nietzschéen de la « mort de Dieu » est un thème destinal. Si le destin signifie la mort, c’est-à-dire la limitation inéluctable du temps dont nous disposons, dire que « Dieu est mort », c’est dire que Dieu n’avait pas pour toujours la vie, mais seulement une part limitée de vie, un destin. Le Destin a été plus puissant que Dieu même. Le fait que les philosophes, depuis Descartes, nous entretiennent plutôt dans l’idée de la puissance de l’homme, capable non seulement de dominer la nature, mais, selon Marx, de maîtriser sa propre histoire, ce fait pourrait donner à penser que la toute-puissance est passée de Dieu à l’homme lui-même. En réalité pourtant, la mort de Dieu ne signifie pas plus de puissance pour l’homme, mais, au contraire, une impuissance plus grande. Car c’est le Dieu chrétien qui avait délivré l’homme de la tyrannie du destin. Si dieu est mort, l’homme retourne à son ancienne impuissance : impuissance à briser le lien indissoluble pour tous les êtres finis, du temps et de la mort. Nous étions des êtres finis que l’être infini aimait. Nous ne sommes plus que des êtres finis, et rien d’autre, dans l’indifférence universelle (de l’univers) et le silence de la mort. Nous ne voyons autour de nous que vie mortelle. La tonalité affective fondamentale semble être, comme aux temps hellénistiques, celle de l’universelle caducité. 

Marcel Conche, Temps et destin.

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