le drame sublime de l’ALCHIMIE
Il semble bien que là où règnent la simplicité et l’ordre, il ne puisse y avoir de théâtre ni de drame, et le vrai théâtre naît, comme la poésie d’ailleurs, mais par d’autres voies, d’une anarchie qui s’organise, après des luttes philosophiques qui sont le côté passionnant de ces primitives unifications.
Or ces conflits que le Cosmos en ébullition nous offre d’une manière philosophiquement altérée et impure, l’alchimie nous les propose dans toute leur intellectualité rigoureuse, puisqu’elle nous permet de réatteindre au sublime, mais avec drame, après un pilonnage minutieux et exacerbé de toute forme insuffisamment affinée, insuffisamment mûre, puisqu’il est dans le principe même de l’alchimie de ne permettre à l’esprit de prendre son élan qu’après être passé par toutes les canalisations, tous les soubassements de la matière existante, et avoir refait ce travail en double dans les limbes incandescents de l’avenir. Car on dirait que pour mériter l’or matériel, l’esprit ait dû d’abord se prouver qu’il était capable de l’autre, et qu’il n’ait gagné celui-ci, qu’il ne l’ait atteint, qu’en y condescendant, en le considérant comme un symbole second de la chute qu’il a dû faire pour retrouver d’une manière solide et opaque, l’expression de la lumière même, de la rareté et de l’irréductibilité.
Antonin Artaud, Le théâtre et son double.
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