mercredi 11 avril 2012

L’I.S., Image et Vérité / 9

Est-ce que le passage de l’I.L. à l’I.S. a véritablement « favorisé la constitution d’un groupement international plus avancé » ? Rien n’est moins sûr. Des membres fondateurs de l’I.S., il ne restera bientôt plus que Debord / Berstein et Jorn — qui, il est vrai, est une international à lui tout seul. Rumney aura à peine eu le temps de participer à la création de l’I.S. qu’il sera exclu — et avant lui une bonne partie des italiens. Écoutons-le : « Il y avait là [à Cosio d’Arroscia] Guy Debord, Michèle Bernstein, Walter Olmo ; Elena Verone, Piero Simondo, Gallizio et Asger Jorn. À l’intérieur de ce groupe il y avait un petit clan qui faisait sa propre conférence, une conférence dans la conférence, constitué de Debord, Michèle Bernstein, Jorn et moi. […] / Pour donner une apparence internationale au mouvement, j’ai suggéré : il faut mentionner la participation du Comité psychogéographique de Londres. […] / […] c’était moi. J’avais dit : Bon je suis le Comité psychogéographique de Londres. C’était une invention comme ça, un mirage. »*

Le programme de l’I.S. sort tout droit de l’I.L. — l’adresse de la revue restera jusqu’au n° 7 inclus (Avril 1962), au 32, rue de la Montagne-[Sainte]-Geneviève, celui du Tonneau d’Or, fief de l’I.L. après que Debord ait décidé de quitter Moineau. Le premier numéro d’I.S., si l’on excepte le Formulaire pour un urbanisme nouveau signé Gilles Ivain —  qui ne fait pas partie de l’I.S. et pour cause — un article de Jorn et un articulet de Michèle Bernstein, est entièrement rédigé par Debord. C’est dire que l’I.S. est une fiction à ses débuts. Il va donc s’agir de donner un semblant de consistance à cette « nouvelle internationale » et, pour cela, de la doter, comme il se doit, d’un certain nombre de sections. Le rôle de Jorn va s’avérer là — comme dans d’autres domaines, celui des finances n’étant pas le moindre — déterminant. Sa réputation de peintre est établie ; il a des relations dans de nombreux pays de l’Europe. C’est par son intermédiaire que l’I.S. va pouvoir s’étoffer : c’est lui qui va être l’agent de liaison de l’I.S. Et ce d’autant plus qu’il croit en ce projet qu’il soutiendra jusqu’au bout : « Il avait un côté organisateur Il adorait tout ce qui ressemblait à des mouvements et des conférences. Il ne faut pas oublier qu’il avait été résistant au Danemark ; il a dû créer des réseaux, des groupes à l’époque. Il avait environ vingt ans de plus que nous, mais il nous laissait parler. »** En attendant, l’I.S. reste cantonnée à Paris, dans le Quartier, sous la direction vigilante de Guy Debord, qui ne ménage pas sa peine pour la faire exister au moins sur le papier. En effet, la « réalité » de l’I.S. se limite pour l’heure à une revue, luxueuse et tranchante comme le métal de sa couverture métallisée, qui s’emploie pour l’essentiel à déconsidérer tout ce qui l’a précédé — les surréalistes surtout. Debord en est le maître d’œuvre : il en assume la direction et à ce titre décide du contenu quand il n’en rédige pas lui-même la plus grande partie, il s’occupe également de son impression et de sa distribution ; et il en assure la promotion en organisant divers petits scandales, principalement dans le milieu artistique dont son majoritairement issus les membres de l’I.S.

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* et ** Ralph Rumney, Le Consul, Allia.


(À suivre)

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