lundi 29 août 2011

Le dernier Debord (pour en finir avec le sujet)

[Je suis évidemment prêt à en discuter plus avant avec des gens informés et de bonne foi.]

Il faut préciser ce que nous entendons par : « dernier Debord ». Grosso modo, il s’agit du Debord postérieur à la liquidation de l’I.S. Mais déjà la fin de l’I.S. tel que la présente Debord pose problème. Le compte rendu triomphaliste qui en est présenté dans La Véritable scission ne tient pas la route. Ce qui est présenté par Debord comme la victoire d’une I.S. qui, ayant fait son temps, pouvait donc disparaître la tête haute — masque en réalité la décomposition de l’I.S. en bout de course, sauvée in extremis par la révolte de mai 68 qui venait opportunément confirmer, de manière éclatante c’est vrai, ses thèses. Il suffit pour s’en convaincre de lire le Débat d’orientation de l’ex-internationale situationniste publié en son temps par Denevert — que l’on n’a pu retrouver que tardivement dans la Correspondance (à sens unique) publiée par Arthème Fayard. Il y a donc le Debord de L’I.S. (et d’avant) et celui d’après. Cela fait toute la différence : il est certes resté le même mais il a aussi changé. Tant qu’a duré l’aventure situationniste et que Debord était entouré d’« égaux » — même si, comme il apparaît, il était plus égal que les autres — il faisait partie d’une communauté. Après la liquidation nécessaire de l’I.S. qui coïncidait avec une popularité qu’elle n’avait jamais connue ni recherchée, Debord c’est retrouvé seul avec une notoriété et une popularité qu’il avait, jusque-là, fuit. C’est-à-dire qu’il s’est retrouvé dans la position de quelqu’un qu’on recherchait pour une notoriété qu’il avait acquise en d’autres temps en combattant avec d’autres gens qui n’étaient plus là pour l’entourer puisqu’il s’en était séparés — où qu’ils étaient partis d’eux-mêmes, pour certains. Il ne s’est donc retrouvé entouré que de groupies. Mais les groupies finissent toujours par lasser ; même quand elles font montre d’une indulgence complaisante pour les caprices du « maître ». Je pense particulièrement à Jean-François Martos qui a pourtant préféré sacrifier son « ami » Jean-Pierre (Baudet) plutôt que s’aliéner Debord (qui avait pourtant tort sur toute la ligne quand il accusait Baudet d’avoir « debordisé » de façon provocatrice les propos d’Anders — mais dans quel but ? puisque Baudet était lui-même un admirateur de Debord et qu’il avait réussi à « se faire admettre » justement pour ses compétences en allemand, langue dans laquelle écrivait Anders, mais que ne possédait pas Debord). Ce ne serait qu’humainement pitoyable si ça ne venait pas de gens qui affichaient des prétentions qui les placaient d’emblé au-dessus de la simple humanité. Ce genre de comportement pose manifestement problème. Comme devrait poser problème, par exemple, l’alcoolisme invétéré de Debord qui semble aller de soi pour ses biographes puisque, aussi bien, celui-ci l’a revendiqué jusque dans la mort. On aurait pourtant pu (et dû) se poser la question de savoir si cette pratique, constante depuis sa jeunesse et quand bien même elle se situerait dans « les limite de l’excès », ne devait pas entraîner à la longue, en même temps que des séquelles physiques, des dommages intellectuels. On aurait ainsi considéré sous un autre jour que celui de l’arbitraire ou de l’intransigeance rebelle son comportement vis-à-vis de gens qui a priori n’avaient aucune raison de lui être hostile. De la même manière qu’on pourrait comprendre pourquoi il n’a jamais voulu (ou pu) répondre sur le fond à l’un de ses dernier « frère », Jean-Pierre Voyer ; ou fait détruire le manuscrit de Panégyrique 2 dont il ne reste que le squelette — et d’autres de ses écrits tardifs, sans doute. Encore une fois, ces interrogations me semblent légitimes parce qu’elles procèdent d’une volonté de rendre véritablement justice à Debord. Ce dont ne semble pas se soucier ses exécuteurs testamentaires et les supplétifs* qu’ils emploient occupés qu’ils sont de promouvoir une icône devant laquelle il n’y a plus qu’à s’incliner pieusement.

* Emblématique à ce titre, il faut citer son biographe, Vincent Kaufmann, qui écrit dans la Notice de présentation des Œuvres de Guy Debord (Quarto), section : Encore plus inaccessible, à propos de « Cette mauvaise réputation… » : « Ceux qui guettaient depuis longtemps les signes d’un déclin y ont carrément vu celui de son agonie : “Debord n’a plus rien à dire.” Au fait, ils ne croyaient pas si bien dire… »

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