1.
Ce matin-là, je l’attendais comme convenu dans une brasserie où j’avais mes habitudes. J’avais à portée de main un exemplaire du quotidien vespéral pour lequel elle travaillait, que j’étais censé agiter en signe de reconnaissance lorsque je l’apercevrais ; parce que, si moi je savais à quoi elle ressemblait, elle était incapable de me reconnaître : j’avais formellement interdit à mon éditeur de publier quelque photo de moi que ce soit et, à plus forte raison, de communiquer mon adresse à quiconque — d’ailleurs, j’avais pris la précaution d’en changer, chargeant un ami de faire suivre le courrier qui continuait d’y arriver.
Je regardai l’heure : 11 h. Elle était en retard, évidemment. Je continuai à siroter une bière glacée en matant le cul des filles — du moins ceux qui en valaient la peine — qui entraient ou qui sortaient. C’est alors qu’elle arriva : il était 11 h 30. Elle marqua un temps d’arrêt, et fit du regard le tour de la salle. J’agitai mon journal au-dessus de la tête ; elle s’avança d’un pas décidé dans ma direction.
Effectivement, on ne m’avait pas menti — je n’avais vu, jusqu’à présent, qu’une mauvaise photo d’elle : elle avait plus que de beaux restes.
Malgré la route qu’elle avait manifestement derrière elle, il fallait reconnaître que le châssis était encore parfaitement entretenu : un cul de déesse (légèrement fatigué, il est vrai) — callipyge, comme disent les Grecs qui s’y connaissent en la matière — ; un bassin où il devait faire bon se reposer ; des amortisseurs qu’on aurait pu prendre pour des airbags si une légère tendance à l’affaissement (des ans le désormais réparable outrage) malgré l’aide charitable d’un soutien-gorge pigeonnant, dénotait indéniablement qu’ils ne devaient rien au silicone ; et deux petites poignées d’amour juste placées où il fallait. De plus, elle avait de la cuisse et cela lui faisait de belles jambes. Bref, on savait d’entrée de jeu qu’on ne serait pas déçu du voyage
Ses cheveux d’un noir de jais, coupés court, mettaient en valeur le port altier de la tête que supportait un cou gracile cerclé d’une tresse d’or finement ouvragée, précieux collier qui convenait à merveille à cette chienne de race. Ses lèvres étaient d’un rouge flamboyant et ses yeux, charbonnés juste ce qu’il fallait, pour mettre en valeur un regard de braise. Elle portait une robe moulante à petites bretelles qui lui laissait les épaules largement dénudées et les cuisses avantageusement découvertes. Elle était parfaitement bronzée, comme il se doit en été surtout si l’on réside en milieu urbain ; mais elle m’avoua que son bronzage — intégral, précisa-t-elle avec un petit sourire provocateur — devait plus aux UV qu’à une exposition prolongée et méthodique au soleil. Comme toutes les intellectuelles, elle détestait les plages où s’entasse le commun. Les ongles de ses mains, d’une longueur raisonnable impeccablement manucurés étaient eux aussi écarlates ; ainsi que ceux de ses pieds qui étaient chaussés d’une élégante paire de sandales à petits talons. Comme elle s’approchait — en remontant sur l’épaule la bretelle d’un petit baise-en-ville qui glissait, je me disais que, ma foi, elle était tout à fait bandante — d’ailleurs, je bandais — malgré un petit ventre rond et quelques rides qui ne marquaient le visage que lorsqu’elle souriait — ce qui la rendait encore plus craquante.
Elle voulut s’asseoir en face de moi ; mais je l’invitai à prendre plutôt place à mes côtés sur la banquette en moleskine. Et comme j’avais décidé de ne pas perdre de temps en préliminaires inutiles, je lui mis immédiatement la main sur la cuisse et remontai la robe jusqu’à une culotte de dentelle, ajourée, qui n’essayait pas trop de cacher une petite chatte noire que l’on devinait peu farouche. Elle tira sans précipitation, d’une main, la robe sur ses cuisses, me regarda avec un sourire qui était loin de signifier la réprobation, tout en plaçant ostensiblement l’autre entre les miennes comme pour s’assurer que mes arguments étaient valables : ils l’étaient.
– Voilà un entretien qui commence sous les meilleurs auspices, lui dis-je.
– Ça m’en a tout l’air, répondit-elle.
Elle sortit un carnet relié de maroquin rouge et un luxueux stylo-plume de son sac et demanda :
– Voulez-vous que nous nous mettions au travail tout de suite ?
Je n’avais aucune envie de répondre à des questions forcément débiles.
– Il est assez tard, dis-je, et de plus j’ai à faire cet après-midi.
Je mentais effrontément ; et elle le savait.
– Nous remettrons donc ça à demain, si vous le voulez bien.
J’ajoutai :
– Comme ce premier contact me semble prometteur, je voudrais vous proposer de pimenter un peu cette série d’entretiens qui, autrement, risqueraient de nous paraître bien fades, en la couplant à un petit jeu érotique de mon invention — j’exagérais : j’avais d’illustres prédécesseurs —, qui leur servira en quelque sorte de préambule ; ce qui permettra de joindre l’agréable et l’utile. »
Elle ne dit pas non.
– Je vais donc vous en exposer le protocole, dis-je. Mais il faut que je vous avertisse que ce jeu-là exclut absolument toute pénétration. Je ne suis pas un fanatique de la pénétration. Je trouve même cela franchement vulgaire les trois-quarts du temps. La pénétration est une opération délicate, je pense que vous ne me contredirez pas sur ce point. Il faut savoir en choisir le moment : là réside toute la difficulté. Quand je pense à tous ces porcs en rut qui n’ont qu’une idée fixe : tringler coûte que coûte et lâcher leur purée vite fait, ça me débecte ! Misère de la sexualité ; sexualité de la misère ! Et encore, parler de : « sexualité » est abusif : c’est de l’abattage ; c’est de boucherie dont il s’agit.
Le protocole, donc… Enfin, il est peut-être préférable de ne pas déflorer le sujet d’un seul coup. Nous effeuillerons la marguerite ensemble, au jour le jour. Mais pour vous donner une idée générale de la manière dont j’envisage les opérations, je vais vous apporter quelques précisions. Au début de chacune des journées que comptera cette série d’entretiens, je vous donnerai quelques instructions simples que vous serez tenue de suivre. Ensuite, nous passerons au travail proprement dit — tu parles ! — puisque après tout, vous êtes venue pour ça.
– Qu’en dites-vous ?
Elle était d’accord.
– Encore une chose, qui malgré tout me travaille.
– Dites, fit-elle.
– Vous n’êtes pas sans savoir que nous avons « correspondu », il y a quelque temps.
– Je n’ai pas oublié, en effet.
– Est-ce que vous êtes toujours aussi entichée — je savais bien que oui — de votre « grand écrivain » ?
Elle haussa les épaules, qu’elle avait fort dénudées, l’air de dire : laissez cela.
Mais j’étais décidé à porter le fer dans la plaie.
– Vous savez, ce que j’en dis... Il me semble pourtant que depuis que j’ai cessé de le fustiger comme il le mérite, il a tendance à se laisser aller. Si vous avez quelque influence sur lui, mettez-le en garde.
Je suppose que vous n’avez pas raté son film — il n’a pu manquer de vous inviter à la première — sur le « grand subversif » pour lequel il s’est pris d’une passion tardive — ; ce film, entre nous, quelle merde ! Excusez-moi, mais il ne se sent littéralement plus pisser. Dites-lui de faire quelque chose. D’arrêter la boisson, par exemple ; sinon il va finir comme l’autre ; ça je peux vous l’assurer. Vous l’avez vu cabotiner en lisant les sentences du « maître » : grotesque !
Mais, c’est vrai, vous avez raison, passons aux choses sérieuses.
Et je lui plaçai la main dans mon entrejambe : je bandais ferme.
Elle se passa doucement la langue sur les lèvres.
– Je suis en voiture. Voulez-vous que je vous raccompagne avant de me rendre à mon hôtel ? Par la même occasion, je pourrais peut-être vous soulager un peu.
Je ne me fis pas prier. Elle me fit monter dans une BMW rutilante qui était garée à proximité et, avant même de démarrer, elle avait fait sauter le bouton de mon pantalon et glisser la fermeture éclair. Elle plongea une main experte dans mon slip : je triquais comme un âne. Elle démarra et vint se garer dans une rue latérale beaucoup moins passante. Tout en glissant sa langue dans ma bouche, elle me malaxait consciencieusement le nœud. Puis elle se pencha vers l’objet et le fit disparaître entre ses lèvres purpurines. Elle n’eut pas le temps de poursuivre son travail plus avant. J’étais dans un tel état d’excitation que je déchargeai tout mon foutre dans sa jolie bouche gourmande. La salope avala goulûment le nectar et entreprit de nettoyer soigneusement l’appareil, promenant une langue avide autour du gland toujours turgescent en prenant bien soin d’en pomper jusqu’à la dernière goutte. La chose faite, elle remit le tout proprement à sa place et me dit :
– Voilà, vous allez vous sentir plus léger pour vaquer à vos « importantes » occupations.
Je sortis de la voiture fort satisfait de cette entrée en matière et fixai le rendez-vous suivant au même endroit.
(À suivre)
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