6. … La FIN de TOUT
Cette Histoire désinvolte — avec tout ce qu’elle comporte de licence par rapport à un sujet qui avait toujours été traité, jusqu’à présent, avec la plus grande révérence — je suis sans doute le premier62 à l’outrager ainsi — va trouver ici sa conclusion, doublement ironique. D’abord pour Guy D. le « maudit » ; mais il n’est plus là pour la goûter ; ensuite pour son « frère » ennemi. Même si, d’une certaine manière, on peut dire qu’il se trouve vengé, il n’en reste pas moins, qu’au bout du compte — et dans le fond — on pourrait dire plus justement : le fondement —, c’est bien lui — Jean-Pierre V. grand pourfendeur d’« enculés » (intellectuels) — qui l’aura eu dans le cul — doublement (heureusement, il lui reste le baume du Pérou).
Il a perdu sur tous les fronts. En tant que théoricien63 , il n’aura été qu’un anti-D. malheureux ; parce qu’il n’a pas réussi : la théorie du spectacle qu’il a voulu achever (par tous les moyens) reste la référence de la subversion qui (re)vient — et « l’inexistence de l’économie », dont il est l’inventeur et le promoteur aura fait long feu dans les chaumières radicales. Il n’aura pas réussi non plus (malgré tous ses efforts) à ébranler la « statue du Commandeur » que D. s’est employé tout au long de sa vie d’« ivrogne ostentatoire » à façonner de ses petites mains tremblottantes, avec lesquelles il était évidemment bien « incapable de planter un clou » — pour la léguer à la postérité — dont l’admiration ne se dément pas : ce n’est partout qu’éloge et louanges pour le « docteur en rien ». Jean-Pierre V. ne sera donc, finalement, arrivé à rien ; mais tout seul — envers et contre tous. Cela restera son seul titre de gloire : il n’aura pas de postérité.
Sa véritable vengeance, il la devra paradoxalement aux thuriféraires du « Grand subversif » — tant il est vrai qu’on est jamais mieux trahi que par ses « amis ». C’est ainsi que Guy D. qui, de son vivant, avait cultivé « l’obscurité », n’aura pu échapper à la panthéonisation une fois mort : le voilà classé « Trésor national »64 ! Il aura donc fait disperser ses cendres en vain : « Vanité, vanité, tout est vanité. » — pour l’orgueilleux65 aussi bien.
7. Épilogue et exorde aux « enfants perdus »
L’aventure n’est pas morte. C’est un jeu que jouent les enfants « terribles » — qui cherchent la communauté perdue. — Il faut (re)trouver le chemin. — Le Café perdu de la jeunesse. — (Re)construire l’hacienda. — Un jour viendra. — lorsque le souffle de « l’insurrection qui vient » aura tout balayé sur son passage — où nous boirons enfin « à l’indépendance du monde. » :
« […] ah, un vin non distillé qui subtilement / vous intoxique sans nulle douleur / en tissant la vision d’une incomparable auberge / où nous pourrons boire à jamais sans rien devoir / avec la porte ouverte et un grand vent. »
« […] ah, an undistilled wine, / That subtley intoxicates without pain, / Weaving the vision of unassimilable inn / Where we may drink forever, / With the door open, and the wind blowing. »
« L’enfance ? Mais c’est ici ! Nous n’en sommes jamais sortis. »
À reprendre depuis le début / débit de boisson le plus proche.)
Notes
Note 62.
Pas tout à fait. Je dois à la vérité de mentionner ici un prédécesseur : Toulouse-la Rose, dont je n’avais pas lu La Véritable biographie maspérisatrice de Guy-Ernest Debord. C’est à présent chose faite, dans sa nouvelle édition augmentée : Debord contre Debord, Nautilus, 2010.
Note 63.
Tous les anathèmes lancés sans désemparer — post-mortem, le « pilonnage » continue — par Voyer contre son « frère » ennemi n’auront servi à rien : IL MONDO BRUCIA, GUY DEBORD VIVE, proclame un tag de la via Montesanto, à Naples (photo d’Anselme Jappe, prise en 1995 et reproduite sur le bandeau de son livre : Guy Debord, Denoël, 2010).
Note 64.
« […] l’Etat français qui s’est porté acquéreur de l’ensemble des “Archives Guy Debord” — le bruit qu’on en a fait est pour nous plaire : car la gloire est un scandale — les a de surcroît, classées au rang exceptionnel de Trésor national. », comme le proclame fièrement sa veuve et exécutrice testamentaire, Alice Debord. (Présentation du volume “0” de la Correspondance).
Note 65
Dans Sur le passage de quelques personnes à travers une assez courte unité de temps, où « [l]e fond sonore du générique est extrait de l’enregistrement de la troisième conférence de l’Internationale situationniste à Munich », on entend Debord dire : « Nous, nous avons beaucoup l’orgueil, mais pas celui d’être Rembrandt dans les musées. » — on goûtera rétrospectivement la cruelle ironie de cette affirmation.
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