jeudi 31 janvier 2013

« In girum » à la lumière du « canon rétrograde » ou Une tentative d’« ouverture » du « canon fermé » / 6



En partant du principe que Debord a eu connaissance du Dictionnaire de Joseph d’Ortigue où l’on retrouve le fameux « titre-palindrome » qui lui sert à illustrer le « canon énigmatique » ; et en prenant au mot l’affirmation selon laquelle « À reprendre depuis le début. » renvoie à « la structure circulaire du titre-palindrome », on a une méthode — un « fil d’Ariane », en quelque sorte — de lecture qui permet de pénétrer le film de Debord. De ce « canon énigmatique » qu’on appelait aussi  « rétrograde » Joseph d’Ortigue nous dit qu’on l’« exécutait à rebours en tournant le livre ».

Si l’on suit cette indication pour le film de Debord, arrivé à la fin ; il faut reprendre après le Prologue au moment où il commence l’évocation de sa jeunesse rebelle au « quartier » : « […] c’est au milieu de siècle, quand j’avais dix-neuf ans, que j’ai commencé à mener une vie pleinement indépendante ; et tout de suite je me suis trouvé comme chez moi dans la plus mal famée des compagnies. » Mais la lecture que l’on fait a alors changé de sens : ce qui, à la première lecture, n’était qu’une relation de « l’aventure situationniste », par ce retour (et après le Prologue qui est de fait devenu un « Prologue aux Enfers »), nous montre Debord revenant sur le champ de bataille pour ramasser les braves tombés au combat et les embarquer avec lui sur le « Vaisseaux des Morts », jusqu’à leur dernière demeure, au-delà de cette « grande étendue d’eau vide » dans laquelle il débouche à la fin.

On comprend ainsi la signification de ces séquences d’une navigation circulaire sur la lagune de Venise qui ponctuent le film jusqu’à cette séquence finale indiquée précédemment. Les voici dans l’ordre de leur apparition.

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La voix off de Debord : « J’ai mérité la haine universelle de la société de mon temps et j’aurai été fâché d’avoir d’autres mérites aux yeux d’une telle société. / […] » Commentaire de la séquence : « Travelling sur l’eau, s’éloignant en direction de l’île de Guidecca, en direction de Venise. »

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La voix off de Debord : « Et même, plus profondément, quelle que soit la complicité générale faite là-dessus […]. » Commentaire de la séquence : « Travelling sur l’eau, longeant un mur aveugle de l’île de San Giorgio. » On notera la ressemblance de San Giorgio avec la Toteninsel de Böcklin.



(À suivre)

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