mardi 4 septembre 2012

Sur Philippe Muray (encore, malheureusement)



Pour qui veut se faire une idée du (mauvais) pastiche debordien auquel se livre (sans vergogne) Muray, il suffit de se reporter à la Préface, de L’Enfance du bien dans les Essais. Voilà ce que ça donne :


[…]
Le Bien est allé vite. Le bien s’est démené. Il a bien travaillé. Au passage, dans sa ruée furieuse, il a même réussi à escamoter le Mal. Il l’a emporté. Il l’a converti. Il l’a accaparé. Pour finir par le jeter dans la corbeille de mariage ai moment de convoler triomphalement avec la Fête. Car le Bien, en fin de compte, s’est uni avec la Fête ; et c’est l’entrée conjointe en surfusion de ces deux « valeurs » qui représente le fait le plus extraordinaire des dernières années.
[…]
Le négatif, qu’il exécrait parce qu’il représentait très exactement la puissance la puissance du développement historique, il l’a mis sous séquestre. Et, pour qu’il ne lui arrive jamais ce qui était survenu aux précédentes sociétés, à savoir disparaître un jour comme un état de choses en cours de pourrissement, il a imaginé (moins stupide en cela, moins naïf que ses prédécesseurs en oppression) de s’intégrer à titre de contre-poison du négatif postiche. […] Le Bien singe le Mal chaque fois qu’il le faut. Il entretient comme des comme des feux de camp les foyers de conflit. Et les nouvelles générations de rebelles de synthèse, commodes et arrangeants, qu’il a fabriqué, ne risque pas de  se révéler un jour les fossoyeurs, les successeurs, encore moins les usurpateurs ou les démolisseurs de cet exemplaire employeur.
[…]
Le Bien a couru, il a cavalé, il s’est précipité. Il a touché son but, atteint son désir. Et il est en passe de réaliser ce qu’aucune institution, aucun pouvoir, aucun terrorisme du passé, aucune police, aucune armée n’étaient jamais parvenus à obtenir : l’adhésion spontanée de presque tous à l’intérêt général, c’est-à-dire l’oubli enthousiaste par chacun de ses intérêts particuliers, et même le sacrifice de ceux-ci. Rien dans l’Histoire passée, excepté peut-être (et encore) la mobilisation furibonde des Allemands et des Français, leur levée en masse lors de la déclaration de guerre de 1914, et corrélativement le mutisme de eux qui (anarchistes, pacifistes, sociaux-démocrates) auraient dû s’opposer à la démence générale, ne pourra donner la moindre idée d’une si formidable approbation. […] L’Empire dit désormais,, paraphrasant Hegel : « Tout ce qui est réel est festif, tout ce qui est festif est réel. »
[…]
C’est sans doute la plus grande originalité de cet ouvrage qu’il ne suggère aucune solution à tout ce qui, sous l’aspect d’un désastre sans cesse accéléré, a fini par se substituer à la société. On prendra plaisir, j’en suis persuadé, à remarquer que je ne voyais déjà, en 1991, nulle issue à cette situation. On pourra aussi observer, toujours avec plaisir, que je ne me préoccupais guère de convaincre ceux qui ne l’auraient été par eux-mêmes surabondamment de la pertinence d’une telle vision. On se félicitera de constater que je n’envisage pas la plus minime lueur d’espoir dans cette nuit électronique où tous les charlatans sont gris et où les marchands d’illusions voient la vie en rose sur le Web.
[…]
Août 1998.

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