jeudi 27 septembre 2012

Sur la Correspondance de Debord



En réponse à un correspondant qui m’écrit :

En précisant que la correspondance de Guy Debord "a été éditée sans les réponses de ses correspondants, notables quantités d’importance nulle", vous semblez ignorer un point important de droit. En effet, nul ne peut publier la correspondance de quelqu'un (ses lettres comme celles qu'il a reçues de son correspondant) sans l'accord explicite des deux parties. Il est donc déjà extraordinaire que la publication des lettres de Guy Debord à ses innombrables correspondants n'aient pas fait l'objet de saisies et d'interdictions et que 8 volumes soient parus avec l'accord tacite (mais non explicite, comme la loi y oblige) des destinataires de ses lettres !

 Je ne suis pas, comme vous semblez l’être, très au fait des problèmes de droit régissant la publication en matière de correspondance. Cependant, aussi extraordinaire que cela puisse vous paraître, personne ne s’est effectivement opposé à la publication de cette correspondance à sens unique qui a donc pu voir le jour sans encombre — bien que certains aient, à juste titre, déploré la chose. Il semble toutefois probable que nombre des correspondants de Debord ne se seraient pas opposés à ce que l’on publie leurs lettres ; mais c’est précisément ce qu’on ne leur a pas demandé parce que cela n’était pas prévu dans ce qui est donc, abusivement nommé, une correspondance. Il est cependant possible de se faire une idée sur ce qu’est une authentique correspondance. Il suffit de lire celle qui a été publiée par Jean-François Martos, où se trouvent à la fois les lettres de Debord et les réponses de ses destinataires. (Rappelons qu’elle l’a été sans l’accord des ayant-droit de Debord ; illégalement, donc.) Cette correspondance couvre les années 1981-1987 ; et on peut la comparer, sur la même période, avec ce qui est publié dans le volume 6 de l’édition « officielle » Arthème Fayard pour se rendre compte de la différence. On y trouve donc, comme il se doit, toutes les lettres dans les deux sens. Parmi celles-ci les lettres de Jean-Pierre Baudet qui fut avec son ami Martos l’un des derniers compagnons de route de Debord ; et qui aurait certainement autorisé la publication de celles-ci si on le lui avait demandé. Mais comme précisément le choix avait été fait de ne publier que les lettres du seul Debord dans cette Correspondance, il s’est légitimement opposé à ce que son nom y apparaisse ; celui-ci a donc dû être remplacé par un « X » chaque fois qu’il est mentionné. Je terminerai en citant ce que Debord a (cyniquement) écrit dans les Justifications de ses Contrats : « Rien n’est égal dans de tels contrats ; et c’est justement cette forme spéciale qui les rend si honorables. Ils ont choisi en tout leur préférence. Tous sont faits pour inspirer confiance d’un seul côté : celui qui pouvait seul avoir mérité l’admiration. » Est-ce suffisamment clair ?

1 commentaire:

  1. Je crois que vous n'avez toujours pas compris qu'il était quasiment impossible de publier toutes les lettres reçues par Debord d'abord pour la question de droit que j'évoquais et ensuite parce qu'il semble que Debord n'a pas conservé la totalité des lettres reçues de ses correspondants de 1952 jusqu'à 1994, soit pendant quarante-deux ans (et non sur dix ans comme la correspondance Martos, qui d'ailleurs, page 73 de son livre, précise qu'il ne publie pas trois lettres…). Il aurait donc été étrange de trouver par-ci par-là une lettre de Jorn ou de Chtcheglov, par exemple, et non pas la totalité de leurs lettres à Debord… et je suis sûr que dans ce cas de figure certains auraient encore crié à la censure selon le raisonnement assez spécial qui veut que si tout n'est pas là, c'est que l'on a certainement quelque chose à cacher – comme si au cours d'une vie on ne pouvait rien perdre ni détruire : je crois que les lecteurs de Debord sont d'une exigence déplacée envers leur héros.
    Dans l'édition, il faut aussi savoir faire simple et direct : ce sont bien les lettres de Debord qui sont publiées, et rien d'autre ; il semble que les critiques se crispent à l'énoncé du titre "Correspondance" : si le titre de ces volumes avait été "Lettres", auraient-ils été calmés ?

    RépondreSupprimer