vendredi 7 septembre 2012

Debord, Muray et Sollers sont sur un bateau… / 2



Fidèle à sa méthode, Sollers prend avantageusement la pose à côté de Debord comme s’ils avaient gardé les vaches hégéliennes ensemble quand ils étaient jeunes ; et en faisant l’éloge de celui-ci, c’est donc surtout le sien qu’il fait. Il en profite aussi pour fourguer sa camelote en passant. C’est ainsi qu’il écrit dans Guy Debord au cinéma : « Rares, très rares, sont les films qui, eux-mêmes, auront tenté de faire la critique directe de cette formidable aliénation industrielle par l’image. On peut citer tous les films de Debord, quelques Godard (dont son récent autoportrait) ; Méditerranée de Polet (à cause de sa leçon de montage) ; celui, enfin que j’ai réalisé à partie de La Porte de l’enfer de Rodin. » Passez muscades !

Dans L’art extrême de Guy Debord, le pauvre Philippe pleurniche pour commencer, parce que — c’est trop injuste ! — on ne l’aimerait pas comme il le mérite : « Je reçois de temps en temps des lettres d’insultes, souvent anonymes venant de pseudo-admirateurs de Debord. Elles me traitent pêle-mêle, de vipère lubrique, de hyène dactylographe, de maoïste, de papiste, de prostitué médiatique, d’idiot, et j’en passe. » (Personnellement ma préférée, parmi celles qu’il ne cite pas, est : « la morue bordelaise ».) Mais, il ne se laisse pas démonter ; il poursuit donc : « Les plus policières n’omettent pas de me rappeler que Debord, par définition infaillible, m’aurait définitivement jugé en traitant, un soir de mauvais humeur [et probablement de beuverie], d’“insignifiant”. Toute l’eau de la mer  ne saurait me laver de cette épithète, et pourtant, indifférent à ma propre insignifiance, je n’en continuerais pas moins ma sombre besogne de brouillage et d’asservissement. »

Puis, il se reprends — même pas mal ! — ; pique des deux ; et porte le coup décisif à l’adversaire : « Ces lettres, faut-il le préciser, sont absolument dénuées d’humour. Leur style est appliqué, fautif, mélancolique. Elles sentent leur province profonde, leur dix-neuviémisme mal digéré, leur cléricalisme figé. On se demande ce que leurs auteurs lisent en dehors de Debord : visiblement pas grand-chose. » — certainement pas Sollers, en tout cas. Et de morigéner ces malheureux ploucs qui n’ont évidemment rien pu comprendre à Debord : « Les uns croient que Debord a fait uniquement de la “critique sociale”, les autres qu’il s’agit d’un utopiste caractériel dont les “idées” auraient triomphé malgré lui dans la toute puissance du marché. […] Il y a même ceux qui pensent que Debord était un bon vivant hélas suicidé, plutôt alcoolique, et que ça va bien comme ça, vous n’allez pas en faire une histoire. [Etc.] » Suit un baratin indigent destiné à montrer sa proximité avec le sujet — mais le sujet important, tout le monde l’aura compris, c’est lui-même. Il est comme ça Philippe : m’as-tu vu sans vergogne, rien ne peut l’empêcher de poser pour la photo — surtout pas le ridicule.


(À suivre)

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