Après 68 qui, il faut quand même le dire, fut (encore) un échec du point de vue de la révolution, Debord, au mépris de toute réalité, présentera un compte rendu triomphaliste des « événements » et du rôle qu’y avait joué l’I.S. ; d’abord dans un article du n°12 de la revue intitulé : Le commencement d’une époque ; mais surtout dans La Véritable scission — qui est l’acte de décès de l’I.S. — où il présente la déconfiture des situationnistes comme rien moins qu’une victoire du parti révolutionnaire. C’est à la lumière de tout cela qu’il faut revoir le film testamentaire de Debord : In girum imus nocte et consumimur igni qui est, nous l’avons dit, son panégyrique — sans « blâme ni critique » — avant la lettre ; où il revisite toute l’histoire de l’I.S. à travers ce « personnage » important : lui-même. On peut donc dire, par parenthèse, que la panthéonisation à laquelle se sont livrés ses héritiers ne procède que de la volonté de celui-ci et que, de ce point de vue, on ne peut pas leur en faire grief — mais ils y ont manifestement mis beaucoup du leur. In girum est un film profondément mélancolique : c’est l’histoire d’un deuil ; et en cela il reflète certainement la personnalité de son auteur. Ce qui reste malgré tout paradoxal au regard du constat d’échec de l’action des situationnistes déroulé impitoyablement par Debord tout au long de son film et dont il prend sur lui toute la responsabilité, c’est la glorification de sa propre personne et la transfiguration parallèle de cet échec inévitable et, on peut même dire, recherché : les causes perdus ne sont-elles pas les plus belles ? Comme il ne peut y avoir, pour ce qui le concerne, « ni blâme ni critique » ; et puisque, aussi bien, il ne voit pas ce qu’il aurait pu faire d’autre étant ce qu’il était : c’était-là son « caractère » ou pour le dire autrement : sa nature, il relativise — voire annule — dans le même mouvement le mérite qu’il y avait a à s’engager dans ce « parti du Diable » — « I don't have to sell my soul, he's already in me ».
(À suivre)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire