Au fil du temps, l’I.S. s’étoffant, Debord pourra se décharger partiellement des tâches de rédaction sur les nouveaux arrivants qu’il à bien sûr lui-même choisit. Pourtant, il va se retrouver in fine dans la situation où il se trouvait au départ : c’est lui seul qui devra assurer la presque totalité (« 70% », Shigonebu Gonzalves dixit) de la rédaction du douzième et dernier numéro d’I.S. alors que l’I.S. n’a jamais été numériquement plus importante. La tentative avortée de réaliser un treizième numéro de la revue signe aussi bien la fin de l’I.S. Peut-on dire pour autant avec Jean-Michel Mension que c’est la fin d’une fiction ? D’une certaine manière, oui, tant il paraît évident que l’accroissement numérique de l’I.S. n’a pas coïncidé avec un saut qualitatif dans l’organisation. Tant que Debord a pu veiller de suffisamment près au grain — et il ne pouvait le faire que dans le cadre d’un petit groupe — la direction qu’il donnait à l’I.S., tel que la revue en rendait compte, suivra une pente ascendante. Cependant, le point d’inflexion à partir duquel la tendance va s’inverser, contrairement à ce que l’on a pu croire, ne se situe pas après 68 mais bien avant. Mai 68, en venant confirmer les thèses de l’I.S. (et donc de Debord) a contribué à masquer le processus de décomposition qui travaillait l’I.S. et qui ne deviendra visible qu’après la parenthèse révolutionnaire de 68. On peut précisément placer ce point d’inflexion au virage « hyperpolitique » voulu par Debord : avec la mise à la porte des artistes disparaît le côté « laboratoire expérimental » qui faisait la particularité de l’I.S. C’est à partir de ce moment-là que va se poser le problème de l’organisation, avec la contradiction insoutenable à terme de vouloir sérieusement faire une révolution sans pour autant s’en donner les moyen en travaillant à construire un parti dont elle. aurait assurée la direction. On a dit que c’était tout à l’honneur de Debord et des situationnistes, peut-être ; mais d’un point de vue révolutionnaire, c’était certainement une inconséquence. A contrario on peut considérer que l’engagement militant de Jean-Michel Mension (Alexis Violet) aux côtés des trotskistes de la Ligue n’est pas dépourvu d’une certaine logique et même qu’il n’est pas dénué de conséquence au regard de son passé de rebelle.
(À suivre)
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