samedi 8 février 2014

Debord et Nougé / 7



On sait que les lettristes internationaux sont allés se « faire influencer » en Belgique où ils ont collaboré avec les lèvres-nudistes. Ceux-ci les ont accueillis dans leur revue, notamment avec l’important Mode d’emploi du détournement de Debord et Wolman qui a été publié dans le n° 8 des Lèvres nues (mai 1956). On a moins remarqué que celui-ci « précède immédiatement la “Messagère”, l’un des textes les plus troublant de Nougé, daté de 1927 » ; et que « l’année précédente dans son n° 6, la première contribution de Debord à la même revue (“Introduction à une critique de la géographie urbaine”) est suivie à deux pages d’écart, par “Un miroir exemplaire de Maupassant”, attribué à un certain Ganchina”, séquence qui constitue si l’on ose dire l’aboutissement dans le domaine “poétique” de tout le travail de Nougé, depuis alors trente ans. / On rappellera enfin, sans qu’il soit question de conclure, que Mariën a placé respectivement ces deux textes, pour le premier en ouverture, et pour le second en clôture de L’Expérience continue, où il rassemblait en 1967 la poésie quasi complète de Nougé. / Agrégés à d’autres, ces faits tissent dans le secret des aubes (fussent-elles secrètes, ou navrantes), le filigrane d’une histoire — dont le récit se fait attendre. »

Les citations qui précèdent sont tirées de la contribution d’Yves di Manno à un numéro spécial de la revue Europe sur Les Surréalistes Belges, intitulée : La révolution la nuit, Nougé « précurseur » de Debord. Voici encore quelques extraits du même article : « […] si je propose ici, à gros traits, de reconnaître en Nougé l’un des rares précurseurs de Debord — au plan de la méthode comme de la visée — cela n’exclut bien sûr ni la singularité respective des deux hommes, ni la différence de leurs points d’ancrage et de leur projets initiaux ». Après avoir écrit : « Ce qu’il importe de souligner, c’est qu’à l’époque la plus active de son entrepris (entre 1925 et 1935, essentiellement), entouré de complices qu’il s’est choisi, Nougé privilégie une méthode visant à une forme d’intervention “directe” dans la réalité : envoi de tracts, perturbation de manifestations de l’avant-garde “officielle”, transfiguration de panneaux ou de catalogues publicitaires… » ; il ajoute : « À l’initial de son périple Guy Debord ne se trouve pas dans une posture essentiellement différente. Il pratique lui aussi une stratégie souterraine et cette forme de critique active pour laquelle il inventera le terme de détournement. Les livraisons du bulletin Potlatch, de 1954 à 1957, ne sont pas davantage destinées à la vente qu’en 1924 les tracts de Correspondance. Et leur style souverain — ce mélange d’opprobre et de dérision, de confession dédaigneuse et de “lyrisme” froid : de la gifle à la laideur autant qu’à la soumission — n’est pas sans renvoyer, consciemment ou non, à celui qu(‘avait adopté Nougé, dès ses premières interventions. Détail à mon sens hautement révélateur, dans le n° 16 de Potlatch (en janvier 1955), Debord met d’ailleurs en exergue à son éditorial une citation de La Conférence de Charleroi : sauf erreur, c’est la seule fois dans l’histoire du bulletin qu’un contemporain est ainsi distingué — ce qui constitue, bien loin de tout “honneur”, une indéniable marque d’estime. Et de complicité. / […] / Quand on se souvient que c’est au fil de [la] première série des Lèvres nues que Mariën entreprit la publication de l’œuvre alors largement inédite de Nougé, où Debord n’a pu manquer de la découvrir, on ne peut s’empêcher de songer que cette relation muette (négligée par les “spécialistes” respectifs des situationnistes et du surréalisme) constitue sans doute l’un des foyers d’incandescence majeurs de l’histoire secrète de la pensée, au cours des décennies récentes. » On ne saurait mieux dire. Poursuivons : « Il y a là aussi un paradoxe : que l’auteur de In girum imus nocte et consumimur igni ait fini par obtenir, sans œuvre à proprement dite “littéraire”, une manière de reconnaissance dans ce domaine, alors que Nougé, plus ancré malgré tout dans cette sphère, n’est aujourd’hui encore reconnu, ou tout simplement connu, que d’une poignée de lecteurs dispersés, formeraient-ils à leur insu une manière de confrérie muette. »

(À suivre)

2 commentaires:

  1. Je n'entends plus Alex. J'espère qu'il n'est pas malade.

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  2. Je vous manque à ce point, seriez-vous masochiste ?
    Vos billets de compilation d'écrits guère pertinents sont toujours aussi peu intéressants car Nougé est bien connu des lecteurs des "Lèvres nues" et de Debord (voir le volume "Quarto" et sa "Correspondance").
    Enfoncez des portes ouvertes, c'est votre seule activité, bien inutile : vous croyez pouvoir à chaque fois démontrer que Debord n'a jamais rien inventé et qu'il a tout piqué à d'autres ; cela prouve seulement votre ignorance crasse de l'art au XXe siècle.

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