Mérite et Limite du Système
de Voyer
« Let’s split, I tell you this is it. » (Syd Barrett)
1. Résumé des épisodes précédents (pour ceux qui n’auraient pas suivi
depuis le début)
Longtemps
j’ai pensé que Jean-Pierre Voyer, qui reste malgré tout le seul
théoricien post-situationniste digne d’intérêt (et donc de critique), pouvait passer
outre sa rancœur d’anti-Debord malheureux et mener à bien* la critique
qu’il avait brillamment entamée avant d’être expulsé du Champ Libre** —
qui se révélait ainsi n’être qu’un pré carré —, poursuivie dans son excellent Rapport
et dans la Revue ; et qu’il va réexposer lors de sa tentative de
rapprochement avortée avec le Mauss. Je dois reconnaître que je me
trompai : il n’aura fait que tourner en rond (dans la nuit) à la recherche
d’une porte de sortie — il brûle mais il n’est pas (encore) consumé par le feu.
Avec la Revue
va prendre fin ce que l’on pourrait appeler la période militante de Voyer. Il
faudra désormais distinguer entre deux Voyer. Celui qui s’identifie encore à un
certain mouvement de contestation de la société, qui peut correspondre
avec un Denevert et ne craint pas de faire référence à « notre parti ».
Et celui qui va adopter la posture du penseur solitaire (alors qu’il
sait pourtant que pour avoir une idée, « il faut être [au moins] deux ») ;
qui se prépare à fulminer ses anathèmes contre tout ce qui ose encore se
prétendre révolutionnaire ; celui qui rumine une vengeance forcément
terrible contre l’infâme Debord et sa clique. Et à ce second Voyer plutôt qu’à
l’autre, allez savoir pourquoi, la chance va sourire ; et le Destin va lui
venir en aide à deux reprises. Une première fois d’abord : Lebovici, le
« complice » de l’infâme, est assassiné et le Champ Libre
mis en liquidation. Puis c’est le tour de l’infâme lui-même, qui se suicide.
Entre ces deux événements on va assister au come-back fulgurant de notre
Sturmführer, plus hégélien et vindicatif que jamais, tout ragaillardi
par l’arrivée d’un nouvel éditeur (anonyme, mais néanmoins providentiel :
ils étaient faits pour se rencontrer — hasard objectif, Destin : kaïros !)
puis littéralement boosté par l’apparition dans le cyberespace de ce qui
n’était pas encore connu comme de désormais célèbre Debordoff ; et
dont il va rapidement prendre le contrôle et devenir le Webmaster
incontestable — si ce n’est incontesté — jusqu’à la mystérieuse disparition de
celui-ci.
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* Mais c’était trop demander au
champion de la mauvaise pensée.
** À l’instigation de Debord, comme
plus personne ne doit l’ignorer à présent, qui a toujours su comment traiter la
concurrence quand elle se présentait : « [...] Guy souhaitait
trouver des égaux, mais c’est lui qui devait décider qui était égal à
lui ; et dès que certaines personnes — dès l’origine, dès les
pré-origines, dès l’Internationale lettriste —, dès que quelqu’un
manifestait une capacité intellectuelle ou d’analyse, ou d’activité comparable
à la sienne, bon il lui laissait faire un peu et puis crac ! ;
c’était... c’était une des choses les plus ambiguës de Guy [...] »(
Ralph Rumney)
2. Le mérite (On n’a jamais que ce que l’on mérite)
Le grand
mérite qu’il faut de toute façon reconnaître à Voyer, dans une époque
d’économisme triomphant et de marxisme suffisamment satisfait de sa
(re)découverte des écrits du jeune Marx pour se croire à la pointe du
radicalisme et à l’abri de tout reproche, aura été de dénoncer l’économie comme
pure idéologie et, dans le même mouvement, d’en appeler à une
critique de l’économisme de Marx. Mais le pavé qu’il lançait avec tant d’aplomb
dans le marigot « marxo-situationniste » du Champ Libre
allait faire un flop retentissant avant de lui revenir en pleine gueule. Voyer
avait manqué son coup ; Debord ne le raterait pas. / Pourtant ce
qu’affirmait Voyer, sous une forme scandaleuse : « l’économie
n’existe pas » !, n’était, à y regarder de plus près, qu’une
salutaire réforme de l’entendement. Il s’agissait, en somme, de ne plus
considérer l’économie que comme une « idéologie au sens de Marx »,
c’est-à-dire un mensonge sur le monde. Ce qui pourrait s’énoncer simplement
comme suit : si l’économie est une idéologie, alors il n’y a pas de
« réalité » économique et les catégories de l’économie ne sont pas
les catégories du monde ; ou : si les catégories de l’économie ne
sont pas les catégories du monde, alors il n’y a pas de « réalité »
économique ; ou encore comme l’écrivait Louis Dumont : / « Il
devrait être évident qu’il n’y a rien qui ressemble à une économie dans la
réalité extérieure, jusqu’au moment où nous construisons un tel objet. Une fois
ceci fait, nous pouvons apercevoir partout en quelque mesure des aspects plus
ou moins correspondants que nous devrions en toute rigueur appeler “quasi
économiques” ou “virtuellement économiques » (Homo aequalis I, 1976.) / Exit
donc la « réalité » économique, les « faits » économiques
etc., l’économie n’est rien d’autre qu’une morale utilitariste qui
prétend que la grande affaire de l’humanité est de résoudre le problème des
besoins ; et que le capitalisme prouve (de par son existence même) qu’il
est le meilleur système à l’exclusion de tous les autres pour ce faire. Qu’en
somme, pour le dire avec Marx : « Il y a eu de l’histoire, mais
qu’il n’y en a plus. »
3. La limite (Au-delà de cette limite mon ticket n’est plus valable)
Voilà qui
était bel et bon. C’est par la suite que les choses vont se gâter ; tant il
est vrai que tout ce qui n’est pas dépassé pourrit. Voyer n’avait pas été
entendu par ceux auxquels il s’adressait, ni surtout par celui qui faisait autorité
dans le petit milieu philositu qui tournait autour du Champ Libre dans
l’espoir d’y entrer : le redoutable (et redouté) Debord. Celui à qui on
avait cru pouvoir faire du tort en toute impunité allait se livrer alors à un
éreintage en règle (et sans mesure) du « grand homme » ; tout en
essayant de défendre vaille que vaille sa propre théorie dont il n’avait pas
réussi à assurer la publicité jusque-là ; et qui, comble de malheur, était
tombée entre les mains d’une petite secte d’agités du bocal [tout le monde aura
reconnu l’OT] qui, loin d’encenser son génial créateur, le vouait aux gémonies
en le traitant d’escroc. / Là où le bât blesse, c’est que le bouillant Voyer,
moins que jamais décidé à concéder quoi que ce soit à ses contradicteurs, même
les plus modérés ; ni, malgré ce qu’il pouvait prétendre, prêt à discuter,
préférant à son tour être approuvé inconditionnellement plutôt que d’entamer
sérieusement ce « débat » qui lui avait été refusé, allait s’employer
à obscurcir ce qu’il avait pourtant déjà exposé avec une « clarté
méridienne » (dixit R. Pallais). Ainsi du désormais célèbre
distinguo entre economy et economics qui va surtout lui servir à
déconsidérer ses malheureux contradicteurs qui se verront systématiquement
reprocher de confondre les deux termes : de prendre l’un pour l’autre — à
moins que ce ne soit le contraire — ; et de ne rien comprendre à la
proposition majeure : « l’économie n’existe pas ». Ce qui
est gênant dans toute cette ténébreuse affaire c’est précisément qu’economy
et economics ; sont les deux faces de la même médaille qui par
conséquent sont confondues* — ce qui n’empêche pas que l’on puisse aussi
les distinguer : il y a pile et face**. C’est parce que economics
projette ses catégories sur le monde que quelque chose comme economy
peut exister. C’est bien ce que dénonçait Marx en son temps quand il refusait
de considérer les catégories de l’économie comme des catégories universelles. /
Du coup ce qui se présentait comme une clarification charitablement proposée
aux malcomprenants, peut être tranquillement ignorée : elle ne peut servir
qu’au seul Voyer [dit : « le maître d’arme des mots menteurs »]
— on a vu à quoi. L’économie, encore une fois, ne doit être considérée que
comme une pure morale utilitariste — comme celui-ci le proposait au départ —
destinée à en imposer au pauvre monde. Un point c’est tout. / Et si, comme le
dit pertinemment ce « sournois imbécile » de FC : « L’économie
ne s’intéresse pas à la nature du monde, [qu’]elle est strictement
positiviste, [qu’]elle laisse cette question aux
métaphysiciens. » — ce qui n’est manifestement pas le cas de Voyer qui
semble plus que jamais décidé à s’attaquer au problème du monde dont il
pense apercevoir le principe dans la communication ; ce en quoi il se
trompe, même si la communication fait partie du principe, comme ne
devrait pas tarder à le montrer le bon docteur Weltfaust, s’il se décide enfin
à pondre ; mais dans quel nid va-t-il déposer son bel œuf ? [qu’on
attend toujours] — ; il ne risque de toute façon pas d’entrer en
concurrence avec quelque « économie » que ce soit. / De la même
façon, l’analogie qu’il établit entre Dieu et economy ; et economics
et religion aussi séduisante soit-elle est fallacieuse. La proposition :
« la négation de l’économie est le préalable à la critique de
l’économie politique » est fausse ; parce que la critique de
l’économie politique est identiquement négation de l’économie, c’est-à-dire
négation de la prétention de l’économie politique à faire de ses catégories des
catégories universelles. Marx a critiqué l’économie tout en restant fidèle au
principe utilitariste — ce en quoi il est effectivement critiquable — et
justement critiqué par Voyer. Quant à la proposition parallèle qui dit
que : « la négation de Dieu est le préalable à la critique de la
religion », elle est à renverser, parce que c’est la critique de la
religion qui mène naturellement à la négation de Dieu ; elle est donc
fausse également. L’argumentation de Voyer est parfaitement sophistique — et
qui mieux qu’un logicien est capable de manier le sophisme avec tant de
maestria ? Tout cela n’est donc finalement qu’un jeu (quelque peu
pervers, il est vrai).
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* Ainsi Voyer ne peut-il pas
concéder, comme il le fait du bout des lèvres, à Bueno que l’économie (economics)
est « une science, une idéologie si vous y tenez » et dire en
même temps « seul m’importe que economy n’existe pas » :
si economy n’existe pas c’est parce que economics est une
idéologie, et vice versa.
** Mais Voyer joue à pile ou
face : pile je gagne et face tu perds.
4. Ripley
s’amuse (Chacun s’amuse comme il peut)
Il n’est
peut-être pas inintéressant, pour terminer, de rappeler que dans le roman de
Patricia Highsmith qui en anglais s’appelle Ripley’s game (et dont Wim
Wenders a tiré un film qui s’appelle L’Ami américain) Ripley est un
personnage quelque peu borderline, un cynique revenu de tout qui ne se
bat plus que pour sa propre cause, quelqu’un qui ne recule devant aucune
manipulation, surtout quand son amour-propre — ou plutôt son l’orgueil — est
blessé, pour arriver à ses fins. / À la fin du roman, quand la femme du pion
dont il s’est servi — simple support inessentiel — et qu’il a sacrifié sans
vergogne, le croise et lui crache au visage, il aura cette réflexion :
« En fait, ce crachat était une sorte de gage, déplaisant certes, mais
rassurant en même temps. » ; parce que pour lui ce geste est la
confirmation qu’elle aussi était finalement rentrée dans son jeu et qu’« [à]
cet égard, elle rejoignait les rangs de la majorité des humains ». Triste humanité ! / Mais
ce n’est qu’un roman : toute ressemblance avec un personnage existant ou ayant
existé ne serait que pure coïncidence, évidemment. / Je voudrais, avant de
prendre congé, profiter de cette intervention pour saluer le sous-commandant
Bueno pour son courage ; le Docteur Weltfaust pour son opération de
salubrité publique ; et, last but not least, notre
« maître » à tous (cette clause de style ne s’adresse, bien sûr, qu’à
ceux qui se sentiraient concernés) j’ai nommé Jean-Pierre Voyer himself,
pour tout ce que nous lui devons. Nul doute qu’il saura encore étonner son
petit monde — à défaut de résoudre l’énigme du grand.
[J’avais
posté un petit nombre de messages sur le défunt Debordoff sous le nom de
Christian Bartolucci (dont un signé Bartolouch’bème) ; celui-ci sera
dorénavant remplacé par son hétéronyme : Xavier Lucarno.]
Pour solde
de tout compte.
X. L.
[Le lecteur
intéressé pourra lire la totalité de ces échanges sur le site (déserté et
désœuvré) des Éditions Anonymes à la rubrique : Le capitaine Nemo n’aime pas les perroquets ! — évidemment.]
On sait comment Voyer s’était totalement ridiculisé et définitivement décrédibilisé en juin 1978 par ses lettres successives (5) se contredisant l’une après l’autre, lettres qu’il avait expédiées à Gérard Lebovici suite à la pertinente critique de ce dernier de son texte « Le Tapin de Paris » dans lequel Voyer annonçait que jusqu’à lui la pensée de Marx et de Hegel n’avait pas été critiquées et qu’il allait se charger de cette grandiose tâche.
RépondreSupprimerChacun peut lire ces lettres dans le volume 1 de la « Correspondance » des Editions Champ libre (octobre 1978), présentement rééditées par Ivrea.
Il faut croire que de tels documents n’ont pas suffi à décourager les nourrissons de la théorie critique dont Voyer se trouvait être alors le petit chef, et c’est ainsi que vous pouvez lire aujourd’hui les suites, délirantes sur plusieurs points, de la crypto-carrière de Voyer qui, paraît-il, se serait déjà divisé en deux : le premier Voyer, puis le second, en attendant le nouvel avatar du troisième Voyer, et ainsi de suite, comme ses lettres hilarantes de juin 1978 au perspicace Gérard Lebovici, dont nous saluons ici la mémoire.
Non, décidément, rien ne pourra nous faire revenir vers ce Voyer ("seul théoricien post-situationniste digne d’intérêt", cette bonne blague !) dont la conduite et les propos ignobles suffisent à nous le faire rejeter, en bloc, en détails et par le menu.
Bouchez-vous le nez, ça pue !
« On sait… » Vous ne savez rien. Vous ne savez pas lire. Essayez la samba — avec Tatiana — ça vous occupera, Panda Terror de mes deux.
SupprimerVous êtes, vous, Lucarno-Bartolucci, le Grand Sachant, tout le monde l’a déjà compris… et tel Rantanplan au flair légendaire vous « savez » depuis quelque temps que je m’occuperais, moi, Alex, de platines et de dance-floor à Montpellier…
SupprimerMa question est donc la suivante :
Au cours de quelle crise de démence avez-vous pu, vous le Grand Sachant, digne frère de Rantanplan, faire cette géniale trouvaille qui fait autant hurler de rire mes amis ? à partir de quel élément avez-vous pu me construire un pedigree aussi fantastique ? sur quelle base avez-vous pu vous appuyer pour affirmer une sottise aussi folle et la répéter ad libitum ?
Croyez bien que c’est avec la plus grande impatience mais aussi avec la plus grande indulgence que je suis prêt à connaître les méandres de ce flagrant égarement d’esprit. Ce n’est après tout qu’une divagation de plus, et assez commune dans votre cas – qui, avouons-le, me semble désespéré.
A vous lire.
Alors comme ça le trou du cul merdeux se pose une question sur lui-même à laquelle il voudrait que moi je réponde : on rêve. Ça doit être le décalage horaire — à moins que ce ne soit une crise de delirium. Mon malheureux Alex, j’ai bien peur que votre cas ne soit désespéré — quel dommage pour la pauvre Tatiana.
SupprimerPreuve est faite devant tous ses lecteurs que le minable Lucarno-Bartolucci raconte n'importe quoi et n’a aucun courage – même pas celui de défendre ses affirmations.
SupprimerCQFD
On ne rit plus seulement de vous, pauvre petit homme, on vous méprise.
.
« Preuve est faite… » ; « CQFD ». Pauvre trou du Q. Vous êtes renversant de bêtise crasse accumulée — creusez bien l’expression — ; ce qui a pour conséquence de déplacer votre centre de gravité et de vous faire tomber cul par-dessus tête. Alors, comme ça, c’est moi qui devrait vous apportez à vous la preuve que vous êtes bien qui vous êtes, c’est à dire un malheureux intermittent du spectacle décavé qui essaie de se renflouer en venant jouer les Thénardier au Brésil avec sa Tatiana — pauvre Tatiana ! C’est vous qui êtes risible, mon petit Alex ; et je ne peux même pas vous mépriser : il aurait fallu pour cela que vous eussiez été un tant soit peu estimable.
RépondreSupprimerPitoyable Lucarno-Bartolucci, je ne suis pas celui que vous dites, c’est clair, et vous n’êtes toujours pas en mesure d’expliciter par quel délire vous en êtes venu à affirmer qu’après Montpellier, je serais présentement au Brésil avec une Tatiana (une de vos anciennes amies, sans doute ?).
SupprimerVous préférez continuer à divaguer publiquement à mon propos ?
Vous vous ridiculisez.
Mon petit Alex, vous n’êtes pas grand-chose, c’est certain. Un petit trou du cul qui se la joue — et on ne discute pas avec un trou du cul surtout quand il est merdeux. Si vous savez qui vous êtes — ce qui n’est pas sûr — faites-le nous savoir ; et faites suivre le courrier à qui de droit — un autre petit branleur de vos amis sans doute avec qui vous devez jouer à touche pipo au lieu de vous occuper de Tatiana comme il se doit.
SupprimerToujours vos lamentables obsessions sexuelles : ça reluit pas tous les jours chez Lucarno-Bartolucci !
SupprimerMisère !