mercredi 18 janvier 2012

Une lecture alchimique du film de Guy Debord : In girum / 2 – Addendum

Revenons sur les débuts de l’I.S. à Alba pour évoquer la figure de Pinot Gallizio qui fut, avec Asger Jorn et Piero Simondo1, le créateur du Laboratoire expérimental du Mouvement International pour un Bauhaus Imaginiste (1955).

Il faut rappeler en détail le parcours de ce personnage singulier que l’on peut surnommer : « l’alchimiste »2 — il était en tout cas chimiste. « Diplômé de la faculté de pharmacie de Turin en novembre 1924, il travailla un temps pour le compte de la pharmacie Bosio, via Garibaldi, à Turin, avant d’ouvrir sa propre officine en 1933, via Cavour, à Alba. » Avant guerre, il avait étudié la viticulture et les propriétés des herbes médicinales. « Passionné de théâtre et d’archéologie, Pinot Gallizio ferma son officine en 1941, avant de s’engager dans les Divisioni Alpi. À son retour du front, il fait son entrée au conseil municipal d’Alba, tout en s’occupant de son laboratoire baptisé La chimica vegetale, et tout en professant “l’aromatisation et herboristerie œunologique” à l’École œnologie d’Alba. » Il enseigne ensuite ces matières auprès de la faculté agraire de l’université de Turin. En collaboration avec l’Inspection provinciale de l’agriculture, il met en place une chaire ambulante destinée à parcourir la campagne albaine. Il a poursuivi jusqu’à sa mort une activité didactique auprès de l’institut agraire qui s’était doté, à son initiative, en 1946, d’un laboratoire expérimental pour les plantes utilisées en œnologie, qui anticipait, du moins du point de vue lexical, celui qu’il contribuera à créer dix ans plus tard.

Nous voilà ainsi revenu aux débuts de l’I.S. — et à Debord qui en fut l’un des cofondateurs — quelque peu enrichi de ce voyage rétrospectif. Concernant Debord, justement : « N’oublions pas que le père de Debord, Martial Debord, avait été pharmacien. » Et l’on sait comment Debord — qui avait perdu celui-ci alors qu’il n’avait que quatre ans — avait l’habitude de régler le « problème des pères » — il n’était pas beaucoup plus tendre avec les « frères ». C’est ainsi que « l’alchimiste d’Alba » fut mis à la porte de l’I.S. qu’il avait contribué à créer, en 1960 ; ce qui l’affecta beaucoup. Mais Debord, qui n’avait pas pour habitude de s’attendrir sur les ruptures, resta intransigeant. Pinot Gallizio ne sera réhabilité qu’après sa mort : « Faisant amende honorable, Debord lui rendra hommage dans le n°9 d’I.S.: “[…] Expérimentateur en tous genres, Gallizio a été un artiste qui représentait au mieux un point extrême atteint dans la période créative de l’art moderne. […] Les débuts du mouvement situationniste lui doivent beaucoup. » Il n’était pas inutile de le rappeler.


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1. « Sous l’influence de Simondo, Pinot Gallizio se lança dans la création artistique avec une curiosité d’alchimiste qui le caractérisait. Plusieurs photographies nous le montrent vers cette époque, testant ses pigments et diverses résines dans on laboratoire situé dans un ancien couvent du XVIIe siècle. »
(Pinot Gallizio, pharmacien et situationniste, in : Revue de la pharmacie, 92e année, n°343, 2004.)

2. Dans le numéro de la revue Momenti qui se présente comme un catalogue de l’exposition : Pinot Gallizio. L’homme, l’artiste, la ville, le portrait qui lui est consacré s’intitule : Le défi de l’alchimiste.

3. Les jours les plus longs, I.S. n°9, août 1964.


Note

Nous avons emprunté l’essentiel des renseignements biographiques que nous donnons à : Pinot Gallizio. L’uomo, l’artista, la città. 1902-1964. Exception faite des citations en italiques et entre guillemets qui proviennent de : Pinot Gallizio, pharmacien et situationniste, in : Revue de la pharmacie, 92e année, n°343, 2004.

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