dimanche 29 janvier 2012

Une lecture alchimique d’In girum – Addendum / 2

On peut donc dire en schématisant quelque peu que le travail de l’Art consiste à extraire cette Eau mercurielle de sa gangue terrestre de Soufre vil et puant, puis à libérer l’étincelle igné de Soufre vif jusqu’alors prisonnière de l’humidité mercurielle afin que par l’antagonisme entre les « natures » (fixe/volatil, Soufre/Mercure) ainsi révélé et rendu actif, soient convertis les uns dans les autres les quatre Éléments et obtenue la Quinte-Essence : centre de la quaternité et produit subtilisé, raréfié, de cette rotation élémentaire empruntant de nombreux procédés techniques à la distillation. La tâche de l’Artiste consiste à « mettre en Œuvre » ces différents ingrédients « afin d’en faire sortir ce qui est pur, et enlever ce qui est terrestre et bourbeux ». Cette itération circulaire des Principes et Éléments peut être représentée ainsi :

>Terre>Eau>Air>Feu>
<Feu<Air<Eau<Terre<

Mais cette procédure d’extraction, de purification et de reconversion en terre n’affecte pas la seule « matière enfermée dans le double vase de l’eau mercurielle et du matras de verre ». C’est aussi une spécificité du travail alchimique que de rendre indispensables les opérations sur cette « matière » et la transformation interne de l’Artiste en Adepte, initié aux secrets naturels et divins. Aussi l’âme de la matière et celle de l’Artiste effectuent-elles une même pérégrination, affrontant les mêmes dangers et s’apprêtant à vivre la même jubilation. À la phase de dissolution — faisant elle-même suite à la conjonction, aux « Noces chymiques » du Soufre et du Mercure — succède en effet la sublimation. Devenue aérienne, débarrassée de toute attache terrestre, l’âme se réjouit de sa pureté retrouvée et gagne le Ciel, c’est-à-dire le haut du vase qui, s’il n’est hermétiquement clos, la laisse échapper, compromettant à jamais le succès de l’Œuvre. Sur ce risque, tous les alchimistes ont insisté : c’est la redescente de l’âme et sa « fixation » qui est seule capable d’illuminer la Nature ainsi transfigurée, et de la « multiplier » à l’infini selon sa vertu propre. Toure exaltation qui ne serait pas suivie d’une reconversion en terre est non seulement dangereuse mais contraire à l’esprit de l’Œuvre. Car le retour n’est ni rechute, ni banalisation, mais incarnation irréalisable sans la médiation continue du psychagogue Hermès : « Ce messager du Ciel, qui en porte les ordonnances en terre. »

Françoise Bonardel, La Voie hermétique, Introduction à la philosophie d’Hermès, Dervy.

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