Dans la séquence finale d’In girum, juste avant les dernières images où une navigation sur le canal « débouche sur une grande étendue d’eau vide », et que ne s’inscrive sur l’écran : « À reprendre depuis le début. », le commentaire en voix off de Debord donne le « fin mot de l’histoire » : « La cause la plus vraie de la guerre, dont on a donné tant d’explication fallacieuses, c’est qu’elle devait forcément venir comme un affrontement sur le changement ; il ne lui restait plus rien des caractères d’une lutte entre la conservation et le changement. Nous étions nous-mêmes, plus que personne, les gens du changement, dans un temps changeant. »
Et, pendant qu’il (d)énonce : « Les propriétaires de la société étaient obligés, pour se maintenir, de vouloir un changement qui était l’inverse du nôtre [on aperçoit là Beaubourg]. Nous voulions tout reconstruire et eux aussi, mais dans des directions diamétralement opposées. » apparaît à l’écran une photographie de la Tour Saint-Jacques (prise probablement de Beaubourg qu’on a aperçu précédemment), inscrite dans un triangle (formé par les montants d’un échafaudage), avec à droite une autre tour, moderne celle-là ; et tout de suite après vu de la Tour Saint-Jacques — dans la direction diamétralement opposée — cette autre tour : la Tour Montparnasse (menaçante derrière celle Saint Germain des Prés). Il est a noté que l’axe qui joint les deux tours passe par l’Ile de la Cité non loin de la Pointe du Vert Galant et entre l’église Saint Germain des Prés, à droite, et l’église Saint Sulpice, à gauche.
L’opposition entre la Tour Saint-Jacques et la Tour Montparnasse est évidemment symbolique. De la Tour Montparnasse, il n’est rien besoin de dire. La Tour Saint-Jacques, quant à elle, revêt une importance particulière pour notre propos puisqu’elle est liée à l’alchimiste Nicolas Flamel, le « faiseur d’Or ». Cette tour est donc auréolée de mystère. Les ésotéristes parisiens du siècle dernier en firent l'emblème d’une revue qui porte son nom.
La Tour saint Jacques apparaît une première fois, à un moment crucial, juste avant que Debord ne cite pour la première fois le palindrome-titre — une indication des Œuvres cinématographiques complètes précise à cet endroit: « Travelling dans un square parisien désert, la nuit. » ; il semble bien* que ce soit le square de la Tour Saint Jacques — : « Mais rien ne traduisait ce présent sans issue et sans repos comme l’ancienne phrase qui revient intégralement sur elle-même, étant construite lettre à lettre comme un labyrinthe dont on ne peut sortir, de telle sorte qu’elle accorde si parfaitement la forme et le contenu de la perdition : In girum imus nocte et consumimur igni. Nous tournons en rond dans la nuit et nous sommes dévorés par le feu. »
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* Je ne suis pas certain qu’il s’agisse de la Tour Saint Jacques. La séquence est tournée de nuit — juste avant une autre, dont elle est la prolongation, montre les Halles de nuit également. On y voit un square en chantier — ce pourrait être l’aménagement du square de la Tour Saint Jacques — avec une construction centrale autour de laquelle tourne une voiture hippomobile. Quoi qu’il en soit cela ne change rien à la lecture alchimique que je fais du film de Debord.
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