samedi 28 janvier 2012

Une lecture alchimique d’In girum – Addendum

Le langage hermétique

Par son langage tortueux et énigmatique, et par la nature incompréhensible des opérations techniques décrites, l’Art d’Hermès a souvent été comparé à un parcours labyrinthique où, privé du fil d’Ariane, risque de s’égarer ce nouveau Thésée qu’est le chercheur, ou le simple lecteur. À l’âge classique l’on interpréta volontiers le travail alchimique en termes mythologiques, c’est souvent en effet à Thésée qu’à été comparé l’audacieux quêteur d’absolu, prêt à affronter tous les dangers pour parvenir au centre du labyrinthe. Pour qui accepte de s’aventurer à son tour dans ces contrées si étrangères à la logique ordinaire, et à s’abandonner au charme de l’incompréhensible, ce langage où fulgurent d’éblouissantes images peut s’avérer fascinant et « surréaliste » avant la lettre. A. Breton n’a-t-il pas été l’un des premiers au XXe siècle à en redécouvrir toute la magie poétique ? Mais pour qui l’aborde avec un esprit « positif » et cherche à s’y repérer selon des normes rationalistes, le découragement survirent la plupart du temps, ou l’irritation face à ce qui paraît alors pur verbiage, prétention insupportable ou tout simplement imposture : « Un réseau inextricable, devant lequel succombent l’attention la plus soutenue, la patience la plus saine, l’intelligence la plus robuste », dira Lambert [Alchimie, p. 123, Thèse de médecine, Bordeaux, 1919.] de ce langage « ésotérique » au pire sens du terme. Esprit on ne peut plus positiviste, L. Figuier, en vint pur sa part à penser que « pour adopter ce langage obscur et inaccessible, les alchimistes avaient un excellent motif. Ils n’avaient rien à dire sur l’art de faire de l’or, tous leurs efforts pour y parvenir étant demeurés inutiles ». [L'Alchimie et les alchimistes, réed. Parris, Denoël, 1970, p.65]  / De fait, le langage alchimique semble moins destiné à égarer le lecteur de façon perfide, qu’à protéger un secret en décourageant les simples curieux. Des discontinuités fréquentes dans le fil de l’exposé, ou des répétitions avoisinant le ressassement, apparaissent comme autant de procédures de détournement et agissent peu à peu sur la conscience du lecteur, conduit à franchir sans toujours s’en apercevoir immédiatement certains seuils constituant des étapes incontournables et décisives dans la compréhension du Grand Œuvre. Des repères sont parfois fournis au cours du trajet qui, sans eux, ne serait plus qu’errance.

Françoise Bonardel, La Voie hermétique, Introduction à la philosophie d’Hermès, Dervy.

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