10. Glose
On peut évidemment gloser à l’infini sur l’Œuvre debordienne. Le jeu de la citation et du détournement qui la structure ; et la réitération des mêmes thèmes qui réapparaissent d’une manière rien moins qu’aléatoire en des endroits toujours choisis et sous des formes diverses en fait une construction labyrinthique que l’on peut parcourir en empruntant de nombreux itinéraires avec le risque de se perdre en chemin. Elle se prête ainsi à de multiples lectures, qui loin de s’exclurent les unes les autres, se complètent plutôt sans pour autant l’épuiser.
Le reproche principal que l’on peut cependant faire à la plupart de celles qui ont été proposées jusqu’à présent, indépendamment des éclaircissements qu’elles peuvent apporter, ici ou là, est de rester cantonnées dans une révérence craintive : quel respect d’enfants pour les images et l’image de Debord ! Parmi les rares études sur son cinéma, on peut citer l’exemple récent (2009) de : Guy Debord : de son cinéma en son art et en son temps, de Guy-Claude Marie. L’auteur, adoubé par la « famille » qu’il remercie comme il se doit, consacre la plus grande partie de son ouvrage à l’étude de La Société du spectacle. Ce n’est tout au long que louange sur louange : un exercice d’admiration proche de l’hagiographie que ponctuent force points d’exclamations presque à chaque phrase.
Je ne pense pas que, dans l’état actuel des choses, ce soit le meilleur service à rendre à Debord et à son œuvre ; une approche un peut plus dégagée — voire désinvolte et qui ne craint pas la saine critique — la critique, en l’occurrence, est une forme supérieure de l’hommage — me semble plus à même de lui rendre véritablement justice.
Pour ce qui me concerne, je pense qu’il n’aura pas échappé au lecteur que cet aspect critique procède chez moi d’une évidente sympathie pour le sujet. D’une certaine manière, je peux dire moi aussi de Debord et de l’I.S. : « J’ai bu leur vin. Je leur suis fidèle. » — même s’il m’est arrivé de le trouver parfois un peu raide à descendre. En tout cas je suis certainement plus en adéquation avec lui que le « parti des dévots » ; ceux qui se prétendent les dépositaires exclusifs d’un « héritage » qui, quoi qu’ils en aient, ne leur appartient pas, et qui se posent en gardiens vétilleux du temple, sensés garantir une orthodoxie qu’ils s’appliquent eux-mêmes à mettre en place.
Les « jeunes générations » n’ont nul besoin d’un catéchisme révolutionnaire, fut-il debordien ; et elles n’ont que faire d’une icône de plus devant laquelle on ne peut que s’incliner respectueusement. Elles veulent voir le léopard « avec [toutes] ses taches ».
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