Pour le lecteur (bénévole) qui ne saurait pas qui est Yan « big-balls-of-fire » Ciret (hypothèse improbable ; mais, si rien n’est vrai, tout est possible), voilà des extraits de sa prose de feu tirés d’une main experte de son intervention au Colloque Debord initié (ce n’est pas un délit, juste une initiative malheureuse) par Jacob Rogazinski. Cela s’intitule : L'Autodafé de Guy Debord. On voit — et on verra — que l’épithète : « prose de feu » n’est pas usurpée.
Allons-y.
L’apologétique du nihilisme de Guy Debord ne défend pas le néant, elle s’oppose à lui par les mêmes moyens et use de ses méthodes. Son discours, issu de la rhétorique militaire, se déploie avec une variété de stratégies, qui fait d’un repli, une attaque, et d’une offensive sa négation. Cet infini de principes contient sa contradiction, il la serre en lui-même, faisant de l’ombre du négatif sa proie fugitive, afin que se dégage une guerre de mouvement. La destruction, le feu originaire d’Héraclite, que Guy Debord reprend à son compte, en sont le principe de mouvement perpétuel, ainsi que l’eau qui dissout les flammes de l’action dans le brasier du temps. Ils sont à la fois l’axe agissant et l’orbe létal autour duquel tourne un néant qui affirme sa présence. […]
D’entrée de jeu ça chauffe d’enfer ! Songez à vous hydrater régulièrement ; ça ne fait que commencer.
On aura reconnu l’arc de cercle de l’éternel retour qui, violemment, retire et projette, simultanément, son devenir dans le flux tumultueux des passions. / C’est commencer à définir, en la spatialisant, le sens hérétique de la pensée de Guy Debord. Elle se condense, à la manière d’une théologie négative, par ce qu’elle n’est pas, puis se cristallise dans son refus, avant de dépasser la non coïncidence des contraires, surmontant son abolition, par une ouverture calculée pour être un brusque coup de dés, une puissance imprévisible. Cette logique du négatif à l’œuvre, jalonne chaque césure dans l’art de Guy Debord, sa détermination progresse d’une annulation qui sépare le réuni, à une critique unifiée de cette séparation. À la manière d’une spirale, dont chaque boucle retournée, amplifie le geste de scission avec ce qui précède, ce retrait revient sur lui-même annonçant un temps qui se situe précisément après la fin, de telle façon que ce qui n’aurait été qu’un acte fini puisse se métamorphoser en genèse. […]
Putain ! Il faut que je boive un coup.
Ces ténèbres éclairantes [Cf. « Plus nos thèses seront fameuses plus nous serons nous-mêmes obscurs. »] ne ressortent pas uniquement de la dialectique, de l’Aufhebung, elles s’inscrivent dans une stratégie messianique du désœuvrement. Au dépassement de l’art, et à la réalisation de la philosophie, Guy Debord ne retranche rien de leur effectuation, dans la « totalité » hégélienne. Il détruit en l’anéantissant (aufbewahren) l’esthétique, pour la conserver (aufhören lassen) par une transmutation des valeurs qui s’accomplit dans le procès historique. Mais « l’anti-art » que Debord revendique, à plusieurs endroits, n’est pas un simple dépassement indexé sur une quelconque Progrès, la mue qui surmonte in fine la résolution des contradictions, par la trinité dialectique, même marxiste, ne représente qu’une face d’angle de son avancement. [Garçon ! un autre, fissa !.] L’annulation nihiliste l’emporte dès que la logique négative se fait œuvre du désœuvrement. L’affirmation du refus devient alors refus de l’affirmation […].
[…] Le philosophe italien Giorgio Agamben a monté comment Hegel avait construit le concept de l’Auhebung, à partir de la traduction des Épitres de Paul par Luther, en s’appuyant sur le terme paulinien de katargein qui signifie le désœuvrement. On pourrait définir cette stase an-historique, qui s’enroule dans la courbe négative du dépassement, comme le fait Kojève, au autre hégélien, sous les expressions de « voyou désœuvré » ou de « sabbat de l’homme ». Les traces de cette abrasion par l’attente, de la vie abrégée par trop d’intensité, qui font de l’abréviation à la fois un retour et une percée, une immobilité et un fracas de réactions en chaîne, nous pouvons en trouver dans chaque œuvre de Guy Debord. […]
Je m’en voudrais d’abréger la vie du lecteur (méritoirement bénévole) par le « trop d’intensité » de la prose ô combien ! abrasive du Cireur (make it shine, baby !) ; aussi j'interromps là, momentanément, cette éblouissante anthologie.
(À suivre)
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