Page 352. « Au début de l'année 1971, il [Debord] prend contact d'une manière fort inattendue [avec Champ Libre]. Jean-Pierre Voyer se rend un beau jour dans les locaux de la rue des Beaux-Arts. Ayant momentanément troqué ses jeans pour un complet-veston du plus bel effet, il se présente comme le “producteur de Guy Debord” : ce dernier souhaite rencontrer Gérard Lebovici dans le dessein de transposer La Société du spectacle. »
Tout d'abord, il faut préciser que c'est Voyer qui a trouvé Lebovici pour Debord ; et que celui-ci l'a mandaté par la suite pour entrer en contact avec Champ Libre. Ensuite, Voyer n'a pas pu se présenter comme le “producteur de Guy Debord” puisqu'il était précisément mandaté par celui-ci pour lui trouver un producteur. Le « menteur Guégan » prétend pour sa part que Voyer s'est présenté comme étant « l'homme d'affaire de Debord ».
Page 382. « Les années qui suivent [1975 : Réfutation de tous les jugements etc. ; 1976 : pamphlet de Censor, Déclaration des éditions Champ Libre privant les journalistes de service de presse] coïncident avec la radicalisation progressive de Champ Libre, dont l'équipe permanente se rétrécit : Roger Grégoire et Jean-Pierre Voyer [qui étaient les deux représentants de Champ Libre] s'éloignent en 1976, peu après que Voyer eût publié un ultime ouvrage, Une Enquête sur les causes et la nature de la misère des gens. »
C'est une manière quelque peut expéditive de raconter l'histoire. Ce que Bourseiller appelle pudiquement l'« éloignement » de Voyer est en réalité une mise à la porte brutale. Le « cher Jean-Pierre » avait donné tout ce qu'il pouvait donner : bref Debord avait épuisé le sujet. Cela faisait quelque temps déjà que Voyer commençait à le fatiguer avec ses prétentions théoriques de plus en plus insistantes : il était temps de le remettre à sa place ; c’est-à-dire : dehors. Comme les autres ? Pas tout à fait. Cette fois, c'est Lebovici qui se chargera de faire le travail. C'est ce qu'il est convenu d'appeler « l'affaire de la correspondance Champ Libre », sur laquelle je me reviendrais pas — tout cela est consigné en détail sur le site de Voyer.
Page 412. Bourseiller fait référence à Tout sur le personnage, signé posthume par Gérard Lebovici ; et qu'il qualifie de « curieux ouvrage ». Ce livre qui n'a rien de particulièrement curieux, si ce n'est qu'il vient d'outre-tombe, a en fait été réalisé par Debord lui-même en hommage au « cher disparu ». Le perspicace Bourseiller écrit : « Une “Note” des éditeurs, probablement corédigée par Debord, en précise le sens : [...] ce que Gérard Lebovici a fait est en négatif montré, et bien suffisamment, par la gerbe de vomissures lourdement orienté que se sont trouvés obligés d'émettre “les autres”, c'est-à-dire certains autres. Comme disait Dante, “ce n'est pas avec des arguments que l'on peut répondre à de telles brutalités, mais avec le couteau.” » Cette Note est bien évidemment rédigée par le seul Debord ; et quand il cite Dante, c'est le seul Voyer qui est indirectement* visé. En effet, celui-ci a modérément apprécié la manière dont il a été lourdé ; et, après l'assassinat de Lebovici, il réussira à faire publier, dans le courrier des lecteurs de Libération, une de ces lettres dont il a le secret et où il se réjouit bruyamment de la mort du « falsificateur juif » et se déclare vengé.
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* Fidèle en cela à son principe d’exclusion radicale, il est hors de question pour Debord de s’adresser directement à l’exclu — et à plus forte raison lorsqu’il s’agit d’un « furieux » comme Voyer — ou même de citer publiquement son nom.
(À suivre)
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