mercredi 28 mars 2012

L’I.S., Image et Vérité / 1

L’I.S. était-elle une société secrète ? Posée de cette manière cette question peut paraître saugrenue, voire provocatrice. Et pourtant, malgré l’abondante littérature parue sur le sujet, on sait peut de chose du fonctionnement interne de l’I.S. Debord lui-même s’est employé à verrouiller les informations sur le sujet — avec un succès certain jusqu’à présent. Ainsi, pouvaut-il écrire dans Panégyrique, tome premier : « […] sur l’histoire que je vais maintenant exposer, on devra s’en tenir là. Car personne, pendant longtemps, n’aura l’audace d’entreprendre de démonter, sur n’importe quel aspect des choses, le contraire de ce que j’en aurais dit ; soit que l’on trouvât le moindre élément inexact dans les faits, soit que l’on pût soutenir un autre point de vue à le propos. » C’est ce long temps qui est en train de finir.

Il y a donc une « histoire officielle » de l’I.S., celle que rapporte Debord lui-même — et celle qu’il a fait rapporter par le fidèle Jean-François Martos dans un ouvrage ad hoc, aussi bien. On nous permettra de ne pas la trouver tout à fait satisfaisante. Si l’on remonte aux origines, on constatera quelques différences par rapport aux faits tels qu’ils sont relatés dans la « légende dorée » : le tableau d’ensemble est bien le même ; mais certains détails ont été modifiés.

L’I.L. était certes un petit groupe dissident du lettrisme isouien ; mais il était connu et approuvé par Isou — du moins au début — qui voyait d’un bon œil tout ce qui, émanant de sa sphère d’influence, contribuait à l’élargir. Ce que savait son jeune disciple qui avait déjà cessé d’être un enthousiaste et se préparait à fonder sa propre organisation — encore qu’organisation soit un grand mot pour désigner la « petite bande » de conjurés — promise au succès que l’on sait. Le messianisme isouien et son folklore germanopratin n’était plus du goût du jeune Debord qui inclinait plutôt vers un marxisme (leninisme, ma non troppo) bon teint pout faire avancer les choses — ce que ne pouvait évidemment tolérer Isou ; mais la rupture ne fut pas de son fait. Il fallut la provocation de l’action contre Chaplin pour qu’Isou désavoue la « jeune garde » lettriste internationale.

Voilà donc l’I.L. lancée comme une bouteille à la Seine. Mais qu’était au juste l’internationale lettriste ? Exactement : une petite secte — sans attacher de connotation péjorative à ce terme — qui se cherchait un destin ; une fraternité révolutionnaire sans révolution. À l’époque, le jeune Debord était très proche d’Ivan Chtcheglov qui s’intéressait beaucoup à tout ce qui touchait à l’ésotérisme ; et Debord lui-même n’était pas tout fait si hostile à la chose que son matérialisme pourrait le laisser penser.


(À suivre)

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