Se pose donc la question de cette « organisation inutile » : l’I.S. Y a-t-il d’ailleurs seulement eu une Internationale situationniste ? Puisque finalement tout se ramène à Debord. Pour répondre à cette intéressante question, il n’est pas inutile de remonter à l’origine : l’I.L. Écoutons ce qu’en dit un vétéran (aujourd’hui disparu) : « Je ne sais pas comment il [Debord] a vécu la période après la dissolution de l’Internationale situationniste, je ne sais pas d’ailleurs si l’Internationale situationniste existait avant qu’on la dissolve ; si elle a vraiment existé après 68, je ne sais pas ; parce qu’y avait tellement de gens qui se disaient situationnistes, et Guy ne pouvait pas supporter ce genre de choses ; […] y peut pas être dans un groupe qui dépasse… je sais pas, vingt personnes c’est déjà trop, faut en exclure, faut que ce soit effectivement le petit groupe ; alors avec quelques centaines de situationnistes c’était… c’était l’affolement, c’était affreux, fallait fuir — et il a fui ; il a eu raison. » (Jean-Michel Mension, interviewé dans le cadre d’une série de quatre émissions consacrées à l’I.S. sur France Culture en 1996.) Pour faire écho aux déclarations de Jean-Michel Mension, il faut rappeler que l’I.S. comptera au maximum 70 membres. Dont 45 seront exclus : « Cette proportion frappante est cependant encore aggravée, si l’on examine de plus près la liste des démissions (19 démissions proprement dites, plus 2 autres qui ont revêtu, momentanément au moins, un caractère de scission). […] On doit donc conclure que, si l’accès a l’I.S. a été rendu extrêmement malaisé, et si guère plus d’un dixième de ses membres ont préféré un jour s’en retirer, en revanche près des quatre cinquième en ont été expulsés. Ce qui signifie implicitement, d’une part que l’I.S., […] n’a pas été une organisation bureaucratique visant à réaliser une exploitation hiérarchique de l’activité des individus, ni en elle-même ni au-dehors ; mais d’autre part qu’elle n’a pas été malgré sa volonté affirmée et sa pratique formellement démocratique, une association égalitaire. » (Jean-Jacques Raspaud / Jean-Piere Voyer, L’internationale situationniste, Éditions Champ Libre.) Et il faut ajouter que ce n'est qu'après 68 que l’I.S. verra son effectif s’étoffer jusqu’à atteindre le maximum des 70 membres — avant sa liquidation par Debord en 1971.
(À suivre)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire