« Je suis convaincu que, lorsqu’on fera
l’histoire de la maladie mentale, on parviendra éventuellement à prouver que
les sociétés qui, comme l’Athènes préplatonicienne, ont eu un fonctionnement
quasi optimum n’ont connu que des désordres ethniques de type bénin, telle l’hystérie,
alors que les sociétés à leur déclin : Sparte à partir du IVe siècle
avant Jésus-Christ, Rome à l’époque de la pire décadence, ont souffert de
psychoses ethniques graves, telle la schizophrénie. / « Une chose est tout
au moins certaine : le pourcentage croissant
des névroses, des psychoses dans les systèmes sociaux condamnés à disparaître
est parmi les faits historiques les plus méconnus (…). / Notre société devra
cesser de favoriser par tous les moyens le développement de la schizophrénie de
masse, ou elle cessera d’être. S’il est encore temps de recouvrer notre santé
mentale, l’échéance est proche. Il nous faudra regagner notre humanité dans le
cadre de la réalité, ou périr. » / Cette mise en garde de l’ethno-psychiatre
Georges Devereux mérite attention. Nous ne partageons pas cependant cette vision
apocalyptique de l’effondrement de l’Occident
contemporain dans la schizophrénie. Nous pensons plutôt que l’homme de la
modernité, schizoïde et morcelé, va s’étendre planétairement et que le
processus de modernisation et de normalisation encours n’en est qu’à ses
débuts ; les rêveries apocalyptiques, révolutionnaristes ou progressistes /
humanistes, ne sont et ne seront jamais plus que le remède à la dépression plus
ou moins ressentie par tel ou tel individu ou par telle ou telle partie du
corps social.
Roland Jaccard, L’Exil intérieur, Schizoïdie
et civilisation, Puf / perspectives Critiques.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire