On comprend qu’avec tous ces étudiants dans
l’I.S. Debord ait pu ressentir un sentiment d’étrangeté ; et qu’il ait
saisi sans hésiter l’occasion qu’on lui présentait (A. Bertrand) d’intervenir de
manière scandaleuse dans ce nouveau milieu
qui lui était totalement étranger et qu’il ne pouvait que mépriser — cette
histoire est suffisamment connue.
À quoi s’occupaient donc ces nouveaux
situationnistes qui « ne semblent pas véritablement “pris”, “animés” “corps et âmes” par les
luttes de rivalité entre avant-gardes artistiques ou dans la définition interne
tout aussi concurrentielle du sens artistique d’une avant-garde ». Eric
brun nous l’apprend : « Les étudiants strasbourgeois Théo Frey, Jean
Garnault et Mustapha Khayati publient respectivement dans le numéro 10 [d’I.S.] (mars 1966) “Perspectives pour une
génération” (texte de Frey, qui s’en prend à l’anthropologie “structurale et
opératoire”, à “l’économie politique”, etc.), “Les structures élémentaires de
la réification” (texte de Garnault qui attaque l’économie politique et la
cybernétique, ainsi que l’“idéologie structuraliste” […],
etc.) et, enfin, “Les mots captifs” (texte de Khayati, présenté comme préface à
un “dictionnaire situationniste” […]). Ces écrits laissent apparaître que leurs
auteurs sont tout à fait portés à prendre la sentence définitive de l’I.S. sur
la question de “l’art” : après le dadaïsme et le surréalisme, l’I.S. est
la dernière avant-garde artistique en cela même qu’elle n’est plus composée
d’artistes, mais de révolutionnaires cherchant à libérer la vie quotidienne
[…]. »
Il faut quand même préciser que cette
« dernière avant-garde artistique » sans artistes a été voulue et
façonnée par Debord ; et que ces « révolutionnaires » de la vie
quotidienne qu’il va mener au combat sont des étudiants sans expérience du « terrain »
— qui se comporterons peut-être comme des « anti-étudiants » près à
en découdre mais qui ne connaissent que milieu universitaire — d’ailleurs la
notoriété croissante de l’I.S. aux environs de 68 et après continuera à attirer
principalement des étudiants (en rupture temporaire ou durable, c’est selon)
qui ne savent pas grand-chose de la « période héroïque » de l’I.S. et
rien des soubassements sur lesquels elle continue de reposer et dont elle tire
encore son énergie et une partie de son pouvoir de séduction.
(À suivre)
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