jeudi 22 novembre 2012

Guy Debord et l’Internationale situationniste – Sociologie d’une avant-garde « totale » / Commentaire 3



Jorn et Debord, donc. Personne ne conteste le fait que Debord ait été le promoteur infatigable de l'I.S. Assurément, c'est lui qui est le principal responsable de ce qu'elle est devenue — pour le meilleur mais aussi pour le pire. Cependant, on peut affirmer que sans la rencontre des deux hommes, quelque chose comme une Internationale situationniste n'aurait pas pu exister.



Eric Brun s'intéresse de près aux relations de Debord et Jorn dans son travail ; c’est, disions-nous, une des parties les plus intéressantes de son travail. Nous y reviendrons.



Préalablement, dans un article de Regards Sociologiques (n 37-38, 2009) intitulé : L'Internationalisation des avant-gardes littéraires et artistiques – Le cas de « l'Internationale situationniste », il remarquait que « c'est Jorn qui, dans les années 1950, a été le “passeur de frontière” de l'IS, tandis que Debord, centré principalement sur le champ intellectuel français, n'avait (à l'époque) pas encore développé de pratiques d'internationalisation concrètes. » ; et que, c'est donc « [a]vec la collaboration de Jorn [que] le mouvement de Debord, transformé en “Internationale situationniste”, s'internationalise réellement sur une échelle européenne [...]. » En effet, non seulement Jorn a été l’un des fondateurs de l’I.S. mais c’est grâce à ses relations dans le monde de l’art que l’I.S. a pu prendre corps. « À l’époque de la fondation de l’I.S. Jorn continue de se rendre régulièrement dans les différentes villes artistiques européenne […]. Ainsi dans les années 1950, la “section” italienne de l’I.S. […], mais aussi les sections hollandaise […], allemande […], scandinave […], sont toutes l’aboutissement des contacts personnels de Jorn. Il en est de même pour la section belge […]. » On ajoutera, pour faire bonne mesure, que c’est Jorn qui a financé sans désemparer l’I.S. tout au long de son histoire. Il avait, à n’en pas douter, trouvé en la personne de Debord celui qui était capable de prendre une telle organisation en main. On pourrait dire autrement qu’ils s’étaient mutuellement trouvés. Comme l’écrit encore Eric Brun dans le même article : « Le groupe situationniste dans les années 1950 apparaît comme le lieu d’un échange de capital entre le “capital social international” de Jorn et le “capital intellectuel” de Debord. » ; et, il ajoute : « Ce n’est que bien plus tard, dans la deuxième moitié des années 1960, que l’I.S. parviendra à développer de nouveaux contacts internationaux indépendants des réseaux de Jorn […]. » C’est à ce moment crucial que se situe la rupture avec les artistes qui a certainement été favorisé par un éloignement de Jorn : « Au début des années 1960, alors que Jorn, qui connaît depuis peu un succès artistique international, s’éloigne progressivement de l’I.S. pour s’occuper de nouveaux projets […], Debord s’oriente de plus en plus nettement vers les frontières du champ intellectuel et du “champ politique radical” français. » Que Jorn ait laissé agir Debord dans ce sens semble évident, mais qu’il l’ait totalement approuvé est exclu.



(À suivre)

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