En partant du principe que Debord a eu
connaissance du Dictionnaire de
Joseph d’Ortigue où l’on retrouve le fameux « titre-palindrome » qui
lui sert à illustrer le « canon énigmatique » ; et en prenant au
mot l’affirmation selon laquelle « À reprendre depuis le début. »
renvoie à « la structure circulaire du titre-palindrome », on a une
méthode — un « fil d’Ariane », en quelque sorte — de lecture qui
permet de pénétrer le film de Debord. De ce « canon énigmatique » qu’on
appelait aussi « rétrograde »
Joseph d’Ortigue nous dit qu’on l’« exécutait à rebours en tournant le
livre ».
Si l’on suit cette indication pour le film de
Debord, arrivé à la fin ; il faut reprendre après le Prologue au moment où
il commence l’évocation de sa jeunesse rebelle au « quartier » :
« […] c’est au milieu de siècle, quand j’avais dix-neuf ans, que j’ai
commencé à mener une vie pleinement indépendante ; et tout de suite je me
suis trouvé comme chez moi dans la plus mal famée des compagnies. » Mais
la lecture que l’on fait a alors changé
de sens : ce qui, à la première lecture, n’était qu’une relation de
« l’aventure situationniste », par ce retour (et après le Prologue
qui est de fait devenu un « Prologue aux Enfers »), nous montre
Debord revenant sur le champ de
bataille pour ramasser les braves tombés au combat et les embarquer avec lui
sur le « Vaisseaux des Morts », jusqu’à leur dernière demeure, au-delà
de cette « grande étendue d’eau vide » dans laquelle il débouche à la
fin.
On comprend ainsi la signification de ces
séquences d’une navigation circulaire sur la lagune de Venise qui ponctuent le
film jusqu’à cette séquence finale indiquée précédemment. Les voici dans l’ordre
de leur apparition.
*
La voix
off de Debord : « J’ai mérité la haine universelle de la société
de mon temps et j’aurai été fâché d’avoir d’autres mérites aux yeux d’une telle
société. / […] » Commentaire de la séquence : « Travelling sur l’eau, s’éloignant en
direction de l’île de Guidecca, en direction de Venise. »
*
La voix
off de Debord : « Et même, plus profondément, quelle que soit la
complicité générale faite là-dessus […]. » Commentaire de la séquence :
« Travelling sur l’eau, longeant un
mur aveugle de l’île de San Giorgio. » On notera la ressemblance de
San Giorgio avec la Toteninsel de Böcklin.
(À suivre)
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