Le travail de Pierre-Emmanuel Finzi est moins
impressionnant — volumétriquement parlant : un peu plus d’une centaine de
pages — que ce lui d’Eric Brun ; mais aussi c’est un travail plus
spécialisé, consacré à In girum dont
il retrace la genèse et qu’il analyse dans le contexte de l’époque. Après avoir
noté le statut exorbitant que ce film (et son réalisateur) s’est acquis dans un
certain milieu spécialisé : « Pourquoi In girum est-il conçu et perçu par certains critiques comme une
œuvre parfaite et très radicale ? […] Pourquoi est-il devenu un objet
sacré depuis, par son invisibilité puis par le biais d’une rétrospective qui
l’a mené de la Mostra de Venise au Magic Cinéma de Bobigny, pour finir au
Saint-André-des-Arts, après avoir fait l’honneur de son passage au
Louvre ? En vertu de quel passe-droit ? En vertu de quoi lui est-il
octroyé ce statu exorbitant de droit commun face à la critique*. En somme
pourquoi (et en quoi) est-il un objet de culte de notre société
postmoderne ? » ; il précise ainsi son travail de
déconstruction : « Pour éviter de fétichiser l’objet de notre
recherche, nous chercherons à déconstruire non seulement le film mais également
les discours criant au film-culte, tout en écartant une approche purement
formaliste qui ne nous permettrait pas de saisir effectivement les réseaux
d’influences et les sens historiques en jeu dans ce patchwork
cinématographique. Les différentes idéologies des esthétiques convoquées dans
ce film seront mises en évidence par l’articulation d’analyses textuelles,
sous-textuelles et intertextuelles du film, avec leur mise en perspective dans
l’histoire des années 70 jusqu’au début des années80. Cette approche historique
s’attachera particulièrement à montrer comment les développements du marxisme
occidental et les mouvements de contestation européens de l’après-guerre
informent le film et comment il cherche à s’y soustraire. »
Voyons cela.
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* « Yan Ciret n’hésite pas pour débuter
son article dans la magazine officiel de l’avant-garde Art Press à balayer d’un revers de la main la pléthore d’écrits de
presse qui ne disent rien sur Debord tout en en parlant : “Embaumé,
légendé, mythifié, le destin du fondateur de l’Internationale situationniste
paraît au-delà de toute critique.” Il suggère ainsi qu’il en sera, dans son
article, autrement. Mais il écrit, dans ce qui lui semble un ton honnête, au
paragraphe suivant : “Avec l’auteur de La
Société du spectacle, il n’y a de critique possible, seulement des
rencontres, des dérives, des tourments, des combats.” (“Guy Debord ou la voie
de la guerre”, Art Press n° 253, janvier 200, pp. 50-51). » [C’est du
Ciret pur jus jusque dans le titre à la con de son article ; il n’y a rien
d’autre à attendre du VRPTT — always on
the run ! — du situationnisme.]
(À suivre)
Vous avez trouvé là un beau compagnon dans votre exploration de l’ultra-vide (qui comme on sait est infini).
RépondreSupprimerL’auteur, Pierre-Emmanuel Finzi, montre en effet toutes les limites de sa compréhension du film “In girum” quand il confond aussi sottement le mépris avéré de Debord pour les cadres grands, moyens ou petits qui exercent leurs talents dans les divers secteurs de « gestion, contrôle, entretien, recherche, enseignement, propagande, amusement et pseudo-critique » avec un prétendu mépris pour le prolétariat.
Quand, dès le début de ce film, Finzi ne comprend pas de qui parle Debord, on mesure le degré de confusion mentale d’une analyse si évidemment fausse dès le départ. Mais ainsi va la recherche universitaire (qui comme on sait à de beaux jours devant elle vu l'espace infiniment vide dans laquelle elle se meut).
Voici ce qu’écrit le brillant universitaire p. 53-54 :
Cracher sur Billancourt en crachant sur La Défense
Le film s’ouvre sur un long plan d’une photographie du public d’une salle de cinéma, silencieux et attentif ; ce plan fixe est assorti de commentaires de Debord sur les conditions d’existence de ce public : “dans le miroir glacé de l’écran, les spectateurs ne voient présentement rien qui évoque les citoyens respectables d’une démocratie.”
Ainsi, à ce public qui n’est pas assez responsable (politiquement), Debord ne reconnaît qu’une existence professionnelle – évidemment dégradante pour celui qui clame n’avoir jamais travaillé – et l’associe grossièrement aux déchets de la vie : sur les images d’une longue queue devant un cinéma il déclare que
« le public du cinéma qui n’a jamais été très bourgeois et qui n’est presque plus populaire, est désormais presque entièrement recruté dans une seule couche sociale, du reste devenue large : [à l’image de la file d’attente se substitue celle de paysages d’usines et d’une décharge industrielle] celle des petits agents spécialisés dans les divers emplois de ces “services” dont le système productif actuel a si impérieusement besoin : gestion, contrôle, entretien, recherche, enseignement, propagande, amusement et pseudo-critique. C’est là suffisamment dire ce qu’ils sont. »
Plus que leur situation, c’est la fausse conscience de ce public se leurrant sur son bonheur qui déclenche le mépris de Debord.
« [Car ils] se trompent sur tout, et ne peuvent que déraisonner sur des mensonges. Ce sont des salariés pauvres qui se croient des propriétaires, des ignorants mystifiés qui se croient instruits, et des morts qui croient voter. »
La photo publicitaire d’une famille nucléaire dans son salon qui illustre ce propos sert sa haine du consumérisme et du conformisme bourgeois mais laisse également subodorer son peu d’appétit pour les petites gens de manière générale, ce mythe d’un prolétariat résistant auquel il ne croit plus.