Pour en terminer avec les « enfants
perdus », on ne manquera pas d’évoquer le Testament de François Villon — où l’on trouve la Belle leçon aux enfants perdus —, cher à
Debord, qui a dû y penser en réalisant le sien. Toute l’évocation du
« quartier » où le « négatif tenait sa cour » en porte
témoignage.
Examinons à présent les photographies de
villes, Paris (4, 5, 11), Venise (12, 9, 21) et Florence évoquée indirectement
par les portraits d’Alice et Céleste (20). Nous laisserons de côté la 9 :
le mur de l’arsenal de Venise, ainsi que la 21 : la pointe de la Dogana et
la Salute, dont nous avons déjà parlé.
Paris d’abord, comme il se doit. Ce Paris qui
« n’existe plus » et que Debord fait revenir. Il s’agit de trois
photographies aériennes qui permettent une vision panoptique centrée ici sur Les
Tuileries, la Rive Gauche (« le quartier »), et la pointe du
Vert-Galant. Le Vert-Galant pointe vers les Tuileries. On se souviendra aussi
que c’est là que Debord a fait disperser ses cendres après son suicide. Les Tuileries
sont situées sur l’axe historique ou voie
royale qui va du Louvre à la Défense — et au-delà.
4
5
11
Image 4 – Légende
« Ici
fut la demeure antique du roi de Ou. L’herbe fleurit en pais sur ses ruines. –
Là, ce profond palais des Tsin, somptueux jadis et redouté. – Tout cela est à
jamais fini, tout s’écroule à la fois, les événements et les hommes… »
Image 5 – Légende
« Il
y avait alors sur la rive gauche du fleuve – on ne peut pas descendre deux fois
dans le même fleuve, ni toucher deux fois une substance périssable dans le même
état –, un quartier où le négatif tenait sa cour. »
Image 11 – Légende
« Non,
nous allons passer la rivière, et nous reposer à l’ombre de ces arbres. »
Origine du détournement : « [d]ernières paroles du général Stonewall
Jackson mourant pendant la guerre de Sécession. Évoquée dans le titre du roman
dHemingway Au-delà du fleuve et sous les
arbres (Across the river and into the
trees).
On notera que chacune de ces trois
villes est liée à l’exil. Paris : « Il faudrait bientôt la quitter,
cette ville qui pour nous fut si libre […]. » Florence : « Et
moi aussi, après bien d’autres, j’ai été banni de Florence. » Le cas de
Venise est particulier : c’est la dernière station avant le « grand
voyage ».
Mais la Mort est partout à l’œuvre dans
ce film funèbre : « Ô Mort, vieux capitaine, il est temps !
levons l'ancre ! / Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons !
/ Si le ciel et la mer sont noirs comme de l'encre, / Nos cœurs que tu connais
sont remplis de rayons ! // Verse-nous ton poison pour qu'il nous
réconforte ! / Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau, / Plonger
au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ? / Au fond de l'Inconnu
pour trouver du nouveau ! »
(À suivre)
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