samedi 26 janvier 2013

« In girum » à la lumière du « canon rétrograde » ou Une tentative d’« ouverture » du « canon fermé » / 3



Pour en terminer avec les « enfants perdus », on ne manquera pas d’évoquer le Testament de François Villon — où l’on trouve la Belle leçon aux enfants perdus —, cher à Debord, qui a dû y penser en réalisant le sien. Toute l’évocation du « quartier » où le « négatif tenait sa cour » en porte témoignage.

Examinons à présent les photographies de villes, Paris (4, 5, 11), Venise (12, 9, 21) et Florence évoquée indirectement par les portraits d’Alice et Céleste (20). Nous laisserons de côté la 9 : le mur de l’arsenal de Venise, ainsi que la 21 : la pointe de la Dogana et la Salute, dont nous avons déjà parlé.

Paris d’abord, comme il se doit. Ce Paris qui « n’existe plus » et que Debord fait revenir. Il s’agit de trois photographies aériennes qui permettent une vision panoptique centrée ici sur Les Tuileries, la Rive Gauche (« le quartier »), et la pointe du Vert-Galant. Le Vert-Galant pointe vers les Tuileries. On se souviendra aussi que c’est là que Debord a fait disperser ses cendres après son suicide. Les Tuileries sont situées sur l’axe historique ou voie royale qui va du Louvre à la Défense — et au-delà.


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Image 4 – Légende

« Ici fut la demeure antique du roi de Ou. L’herbe fleurit en pais sur ses ruines. – Là, ce profond palais des Tsin, somptueux jadis et redouté. – Tout cela est à jamais fini, tout s’écroule à la fois, les événements et les hommes… »

Image 5 – Légende

« Il y avait alors sur la rive gauche du fleuve – on ne peut pas descendre deux fois dans le même fleuve, ni toucher deux fois une substance périssable dans le même état –, un quartier où le négatif tenait sa cour. »

Image 11 – Légende

« Non, nous allons passer la rivière, et nous reposer à l’ombre de ces arbres. » Origine du détournement : « [d]ernières paroles du général Stonewall Jackson mourant pendant la guerre de Sécession. Évoquée dans le titre du roman dHemingway Au-delà du fleuve et sous les arbres (Across the river and into the trees).

On notera que chacune de ces trois villes est liée à l’exil. Paris : « Il faudrait bientôt la quitter, cette ville qui pour nous fut si libre […]. » Florence : « Et moi aussi, après bien d’autres, j’ai été banni de Florence. » Le cas de Venise est particulier : c’est la dernière station avant le « grand voyage ».

Mais la Mort est partout à l’œuvre dans ce film funèbre : « Ô Mort, vieux capitaine, il est temps ! levons l'ancre ! / Ce pays nous ennuie, ô Mort ! Appareillons ! / Si le ciel et la mer sont noirs comme de l'encre, / Nos cœurs que tu connais sont remplis de rayons ! // Verse-nous ton poison pour qu'il nous réconforte ! / Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau, / Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ? / Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau ! »

(À suivre)

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