jeudi 24 janvier 2013

« In girum » à la lumière du « canon rétrograde » ou Une tentative d’« ouverture » du « canon fermé » / 2



Précédant le portrait de Debord à quarante-cinq ans, une autre photographie de lui où on le voit à dix-neuf ans. De la même manière que celui-là renvoie au « miroir glacé de l’écran » sur lequel s’ouvre le film, après le congé donné à un monde « où tout est devenu si mauvais » et qu’ait été annoncé que l’œuvre ne traitera que d’un sujet unique : Debord lui-même, celle-ci renvoie au début de(s) l’opération(s) : au désordre de la jeunesse dans la nuit de Saint-Germain-des-Prés*.



De ces années de formation, deux autres figures se détachent, celle d’Ivan Chtcheglov, le « frère jumeau » perdu, à qui Debord rend l’hommage des braves (« Personne le valait cette année-là. ») ; et Éliane Papaï, la « petite amoureuse », (« Celle qui était la plus belle cette année-là. »), perdue elle aussi, qui revient à plusieurs reprises dans le film : « “Nous tournons en rond dans la nuit, et nous sommes dévorés par le feu”. La même revient. » — celle qui a sans doute été à l’origine de sa tentative de suicide « ratée réussie ».




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Il convient de s’attarder sur ces « enfants perdus » que Debord embarque avec lui sur le « Vaisseau des Morts » pour le dernier voyage ; jusqu’à cette « grande étendue d’au vide » sur laquelle se clôt le film. On pourrait s’étonner d’y retrouver Andreas Baader et Gudrun Ensslin mais ce sont des combattants — et la Mort égalise toute chose. Passée cette « grande étendue d’eau vide », sa mission accomplie, le « Vaisseau des Morts », comme la barque du soleil couchant, entreprend son voyage nocturne pour reparaître de l’autre côté de l’horizon — In girum. Le film peut alors commencer. Il débute par un prologue. La « bouche d’ombre » parle : Debord juge et condamne cette « terre gaste » que rien ne semble devoir rédimer — pas même l’œuvre destinée elle aussi à échouer.


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* Debord utilise plusieurs extraits de La Nuit de Saint-Germain-des-Près de Bob Swaim. Le film est une adaptation de roman éponyme de Léo Malet dont le cadre se situe dans le Paris existentialiste.

(À suivre)

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