Avant de poursuivre, je voudrais ouvrir une
parenthèse. Je suis tombé récemment sur une des chroniques littéraires que
faisait Michèle Bernstein pour Libération
où elle rend compte de : Pour Guy
Debord, ouvrage de Cécile Guilbert : c’est un texte désinvolte mais
qui se révèle pourtant assez venimeux pour cette pouliche de l’écurie Sollers, si
on y regarde de plus près. On peut lire cette chronique à l’adresse
suivante :
Fin de la parenthèse.
Mais puisqu’on évoquait Sollers restons avec
celui qui a été le grand promoteur de la debordomania dans une certaine
intelligentsia. Finzi note dans l’un des chapitres de son étude intitulé :
L’échec consubstantiel à la néo-avant-garde :
« Cet horizon d’échecs qui s’exprime dans In girum d’une manière à la fois formelle, comme nous allons le
voir, et métaphorique par des détournements spécifiques s’inscrit dans une
crise plus large de la pensée avant-gardiste, de son héritage et de son
souvenir. Ainsi, celui que le haut-modernisme français a sacré “pape de
l’avant-garde” prononce-t-il à l’hiver 1977 une oraison funèbre de la
production avant-gardiste dans le temple du Centre Pompidou récemment inauguré.
Philippe Sollers y déclare en substance que la saturation de l’horizon
rationnel de la pensée des deux grands systèmes interprétatifs que sont le
marxisme et la psychanalyse signifie la fin de cet horizon rationaliste et donc
la fin des avant-gardes. » Ce qui veut dire que la route est libre pour
les récupérateurs de son genre — et en tous genres.
Finzi poursuit en resituant le contexte dans
lequel apparaît In girum :
« Lorsque Debord s’attaque à l’écriture du scénario d’In girum, il y a plus de six ans que les mal-nommées Trente Glorieuses
et leur assurance de prospérité économique sont attaquées […]. » ; avant
cela il y aura eu mai 68 ; puis la « révolution des œillets »
qui, au-delà de l’échec de la révolte de mai, fera renaître brièvement l’espoir
d’une révolution en Europe jusqu’à ce que tout redevienne « si mauvais »
— rétrospectivement Debord parlera des « répugnantes “années soixante-dix” »
dont le mot d’ordre sera : la « survie » à tout prix. Finzi
écrit : « Dans sa thèse sur la figure de l’intellectuel dans
l’après-mai 68, François Hourmant* montre bien comment progressivement, au
travers d’une série de thème qu’elle installe dans les débats et les médias,
l’intelligentsia progressiste remet radicalement en question après l’onde de
choc des mois de mai et juin 1968 les certitudes sur lesquelles s’était bâti
son engagement après la Seconde Guerre Mondiale – modèle sur lequel elle
fonctionne encore, celui du Sartre de Qu’est-ce
que la littérature ? Debord, on le verra, finit par suivre la mutation
commune à une grande partie de l’intelligentsia française de gauche – même si
la lisibilité en semble réduite dans In
girum du fait que l’actualité internationale n’y est pas abordée. In girum présente néanmoins Debord comme
le modèle du dissident intérieure. »
Il ajoute pour finir : « François
Hourmant note que “l’identification à la dissidence offre la possibilité d’effectuer,
à un moindre coût, un travail de deuil : elle permet le transfert d’un
modèle jusqu’alors valorisé et valorisant (le révolutionnaire) à un nouveau
modèle ennoblissant (le dissident).” Cette nuance, ce déplacement des fonctions
de l’intellectuel est révélatrice, dans une vague d’anticommunisme violent, du
mouvement plus général de reflux des clercs se traduisant dans la sphère
médiatique par l’abjuration du maoïsme, la vogue de la thématique antiautoritaire,
l’antimarxisme institutionnalisé, [l’éclosion] de la nouvelle philosophie et l’engouement
pour l’humanitaire, la conversion américaine avec la perception “dissidente” du
multiculturalisme et de l’art postmoderne. »
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* « Hournant François, Le Désenchantement des clercs, figures
de l’intellectuel dans l’après-mai 68, Rennes, Presses Universitaires de
Rennes, collection “Res Publica”, 1997. »
(À suivre)
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