vendredi 2 août 2013

Après l’apothéose – Notes à l’usage des debordolâtres / 1



Après l’apothéose debordienne de la BnF, redescendons sur terre pour nous occuper de ces « petites choses » qui échappent forcément lorsqu’on prend trop de hauteur et qu’on est grisé par l’ivresse des sommets.

Dans les Justifications liminaires d’un opuscule intitulé : Des Contrats Debord écrit : « Rien n’est égal dans de tels contrats ; et c’est justement cette forme spéciale qui les rend si honorables. Ils ont choisi en tout leur préférence. Tous sont faits pour inspirer confiance d’un seul côté : celui qui pouvait seul avoir mérité l’admiration. » Rappelons de quoi il s’agit. Ce petit livre est une autocélébration — une sorte de panégyrique donc — où Debord, présente les différents contrats établis pour la réalisation de ses films et montre complaisamment comment il s’y est pris pour se réserver le droit de faire exactement ce qu’il voulait — et même celui de ne rien faire du tout. Bref pour s’octroyer la part du lion — ce qui n’a pu se faire sans l’accord de son mécène et ami Gérard Lebovici, il n’est pas permis d’en douter. Cependant, Debord ajoute : « Tous ces contrats, en outre, n’auront pas manqué d’être assez bien calculés pour satisfaire à ce qu’il y a de luxueux dans quelques-uns de mes besoins, en restant incontrôlables à tous les point de vue ; ni sans avoir jamais révélé rien de trop, fût-ce implicitement. » Ce qui relève, au minimum, du cynisme, si ce n’est de la duplicité. Mais « l’artiste » n’est-il pas souverain ?

Debord a choisi d’illustrer ce livre en faisant mettre en couverture la reproduction d’une lame du tarot de Marseille, « La plus mystérieuse et la plus belle à mon sens : le bateleur. » écrit-il à son éditeur ; et il continue : « Il me semble que cette carte ajouterait, et sans devoir l’y impliquer trop positivement, quelque chose que l’on pourrait voir comme une certaine maîtrise dans la manipulation ; et en rappelant opportunément l’étendue de son mystère. » Bref : il aura bien trompé son monde ; et on n’y a vu que du feu.

Voyer qui ne fait pas dans la dentelle, le traite carrément d’escroc. Mais aveuglé par sa vindicte, il ne veut pas voir qu’il faut séparer les domaines : il y a l’œuvre publique et publiée de Debord qui a une importance certaine ; d’un autre côté, il y a la manière dont il a organisé sa vie et ses relations — je rappellerais ici que Ralph Rumney a dit  que Debord « a fait autour de lui, avec ses amis, une catastrophe ». Est-ce qu’il faut, sous prétexte que Debord était un « génie » tout excuser ? (L’éditeur de Voyer pense que Voyer lui aussi est un « génie ».)

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* Guy Debord, Des Contrats, Le temps qu’il fait, 1995.


(À suivre)

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