mardi 8 mai 2012

L’affaire Anders


À l’heure où commence à paraître un certains nombres d’ouvrages critiques* sur l’I.S., c’est-à-dire des ouvrages qui se donnent la peine d’examiner scrupuleusement toutes les pièces disponibles et qui essayent de recueillir le maximum de témoignages, de façon à pouvoir présenter une vue d’ensemble de l’aventure situationniste, plutôt qu’une hagiographie de l’unique Debord à laquelle celle-ci se réduirait, je voudrais revenir sur une affaire qui, me semble-t-il, a été trop rapidement passée aux pertes et profits : « l’affaire Anders ». Elle est symptomatique à plus d’un titre : en premier lieu du « dernier Debord » ; mais aussi de la « petite cours » dont il s’était entouré.

Faisons un bref historique de l’affaire. Jean-Pierre Baudet, un de ses proches à l’époque, soumet à Debord un « résumé épuratoire » de L’Obsolescence de l’homme, un livre de Günther Anders, qui n’a pas l’heur de lui plaire — c’est le moins qu’on puisse dire. Et pour cause : le livre Anders anticipait la théorie du spectacle telle que Debord la développera plus tard dans La Société du spectacle ; et celui-ci en avait eu connaissance avant de rédiger le sien. Que l’on puisse mettre en doute qu’il soit l’inventeur du spectacle, c’était là quelque chose qu’il ne pouvait tolérer ; il se débarrassa donc promptement de « l’insecte » sournois et malveillant qui osait avancer dans cette direction.

En l’occurrence, il faut quand même dire que Debord avait tort sur toute la ligne**. Mais cette « affaire » n’est pas seulement révélatrice du comportement, aberrant, du seul Debord, elle l’est aussi de celui de son entourage. Particulièrement de Jean-François Martos ami de Baudet et fervent debordien : se trouvant dans la situation de soutenir son « ami » Baudet — mais il fallait pour cela s’opposer à Debord — ou de le désavouer, il ne balança pas longtemps : il préféra perdre un « ami » (cher) plutôt qu’un « maître » (prestigieux). Mais ce n’était que retarder l’échéance : son tour n’allait pas tarder à venir.

Ainsi allait la vie dans le « petit milieu » philo-situationniste inféodé à Debord quoi qu'il arrive. Rappelons à l’occasion le jugement de Ralph Rumney à propos de Debord : « […] il a fait autour de lui, avec ses amis, une catastrophe […] ».

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* Rappelons le dernier en date : Patrick Marcolini, Le Mouvement situationniste, Une histoire intellectuelle, L’échappée.

** Le lecteur pourra se reporter à ce qu’en dit Voyer, avec sa modération coutumière, sur son site : http://leuven.pagesperso-orange.fr/3378.htm#anders

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