lundi 4 février 2013

« In girum » à la lumière du « canon rétrograde » ou Une tentative d’« ouverture » du « canon fermé » / 9



Il faut s’arrêter sur un autre film, il s’agit d’Orphée de Cocteau dont Debord utilise plusieurs extraits : « Les gens de Saint-Germain-des-Prés à la terrasse d’un café, et à l’intérieur : air de guitare, conversation. » pendant que la voix off prononce : « Ceux qui s’étaient rassemblés là paraissaient avoir pris pour seul principe d’action, d’entrée de jeu et publiquement le secret que le Vieux de la Montagne ne transmit, dit-on, qu’à sa dernière heure au plus fidèle lieutenant de ses fanatiques : “Rien n’est vrai ; tout est permis.” » — Plusieurs lettristes, dont Jean-Louis Brau, y font de la figuration, on y voit aussi « l’homme de main » : Ghislain de Marbaix. — ; une descente de police : « Deux cars de police s’arrêtent devant la terrasse d’un “Café de Poètes”. Des policiers y courent, interdisent à tous d’en sortir, exigent de voir leurs papiers d’identité. » Un troisième extrait de ce film est à considérer particulièrement : « Une actrice résume la discussion, dans un autre film : “Les uns croient qu’il pense à nous, d’autres qu’il nous pense ; d’autres qu’il dort et que nous sommes son rêve, son mauvais rêve.” » Il sert à illustrer ce que Debord dit juste avant : « Ils s’interrogeait aussi sur l’échec de quelques révolutions ; ils se demandaient si le prolétariat existe vraiment et dans ce cas ce qu’il pourrait bien être. » Dans le film de Cocteau Maria Casarès, qui prononce cette réplique face à Orphée, est une figure de la Mort. Il s’engage entre Orphée et celle-ci le dialogue suivant : « – Tu es toute puissante. / – À vos yeux. Chez nous il y a d’innombrables figures de la Mort ; des jeunes, des vieilles qui reçoivent des ordres. / […] /– Et si tu désobéissais à ces ordre ? / […] / J’irai jusqu’à celui qui donne ces ordres. / – Mon pauvre amour il n’habite nulle part. » Suit la réplique détournée par Debord ; on se rend compte que si on la rapporte directement à l’existence du prolétariat, elle perd singulièrement de sa force et que la signification est donc à chercher ailleurs — pour ne pas dire au delà.

Poursuivons sur la séquence consacrée à Paris. En dehors des films précédemment  cités, elle est illustrée par des vue aériennes. C’est une constante du film de Debord que cette mise à distance par un « cool observer », délivré de la pesanteur de l’ici-bas, qui peut de ce fait avoir cette vision panoramique et panoptique sur le monde qu’il a quitté.


(À suivre)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire