samedi 2 février 2013

« In girum » à la lumière du « canon rétrograde » ou Une tentative d’« ouverture » du « canon fermé » / 8



J’ai parlé d’une « navigation circulaire » du « Vaisseau des Morts » sur la lagune de Venise qui débouche, pour finir, sur cette « grande étendue d’eau vide » ; c’est-à-dire qu’à aucun moment celui-ci ne traverse la ville par le Grand Canal. La seule séquence où l’on voit une embarcation pénétrer par un « très étroit canal » au cœur même de la ville, ne provient pas des images que Debord à fait tourner pour les besoins de son film ; elle est tirée du film de De Bosio : IlTerrorista.

Les deux autres « villes phares » dans In girum sont, au premier titre : Paris ; puis : Florence. Commençons donc par Paris où Debord débuta sa carrière de « mauvais garçon ». Toute l’évocation de cette période cruciale dans le film est placée sous le signe de la « l’intraitable pègre » : le sel de la terre — la deuxième lecture suggère ainsi une reconversion en terre. On constate que nombre des extraits choisis par Debord se veulent les illustrations des mœurs de ce milieu particulier. Le film de Carné et Prévert : Les Enfants du Paradis est mis à contribution à plusieurs reprises : « Quelques plans de la foule sur le Boulevard du Crime, reconstitué pour “Les Enfants du paradis”. » ; « Lacenaire dit à quelques propriétaires : “Il faut de tout pour faire un monde, ou pour le défaire.” Ceux-ci répondent : “Ce n’est qu’un mot, mais amusant.” – “Très amusant.” – “Vraiment.” » ; « Au bacon d’un théâtre, la foule indignée scande : “Le rideau !” » — Il faut s’arrêter sur cette scène parce que Debord en inverse le sens : il s’agit dans le film de Carné d’une foule populaire de spectateurs qui manifeste pour que le spectacle se poursuive ; Debord, lui, fait référence à l’accueil reçu par Hurlements en faveur de Sade. — ; une longue scène entre Garance et Lacenaire : « Lacenaire dit à Garance : “Je ne suis pas cruel, je suis logique ; depuis longtemps j’ai déclaré la guerre à la société.” […] “Quand j’étais enfant, j’étais déjà plus lucide, plus intelligent que les autres. Ils ne me l’ont pas pardonné. Belle jeunesse vraiment ! […]. » ; une longue séquence dans un bouge : « Un voleur vient à la table d’un expert pour lui faire estimer un objet. “C’est du jonc ou c’est de l’osier ?” L’expert s’adresse ensuite à son voisin, nouveau venu en ce lieu : “Qu’est-ce que t’en dit, l’artiste ? Tu dis rien ? T’es un sage. Faut jamais rien dire.” […] » — Il faut noter que « l’expert » est quelqu’un qui simulait la cécité : un faux aveugle ; il faut remarquer aussi les termes d’« artiste » et de « sage » employés par « l’expert ». — ; la même séquence se poursuit, Lacenaire arrive « avec sa fine équipe » et Garance, ils s’installent à une table, on apporte à boire : « Garance demande : “En somme, si je comprend bien, tous autant que vous êtes, vous êtes des philosophes ?” Lacenaire dit : “Pourquoi pas ?” Garance s’écrie : “Ah ben ! Elle est gaie, elle est jolie, elle est propre la philosophie !” » — il faut noter les termes de « philosophes » et de « philosophie » qui est qualifiée de « gaie » par Garance.

(À suivre)

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