Elle survient à l’occasion d’une exposition
de métagraphies influencielles
organisée à la Galerie du Passage par Debord. « […] en juin 1954 Ivan donne une version détaillée de cet épisode dans
Sur ce monde habité : “[…] Gilles
Ivain donna pour le prospectus une phrase de d’Hegel qui lui était venue en
tête : ‘on ne saurait rien attendre de trop grand de la force et du
pouvoir de l’esprit’. Mais quelle ne fut pas sa surprise de voir le prospectus
la semaine suivante. Guy avait donné aux typographes une phrase qui lui fit un
effet catastrophique : ‘Ce qui nous importe, c’est la prise du pouvoir’.
Gilles qui n’avait jamais songé à prendre le pouvoir, ne douta pas de la folie
de Guy. […] La dispute couvait entre Guy et Gilles et n’éclatait pas, Exaspéré
par l’agressivité d’extrême gauche de Guy, Gilles avait apporté son dernier
collage [au vernissage], à l’éloge de
la police militaire japonaise de la dernière guerre, comme un appel à n’importe
quoi d’autre. Pour ce sortir de cet engrenage, il n’y avait que la rupture.
Quelques jours plus tard, Gilles quittait la table de l’arrière-salle du
Tonneau d’Or et se dirigea vers la porte. / Guy Debord, affolé, lui courut derrière quelques mètres, puis renonça à
s’expliquer. Il aurait fallu profiter de l’amitié de Charles pour Gilles et
garder le café comme café préféré, en mettant Guy Debord à la porte, mais avec
quel argent ?” »
Cette version des faits contraste évidemment
avec la version « officielle » donnée par Debord dans Potlatch n° 2, 29 juin 1954 : « À la porte / L’Internationale lettriste poursuit, de puis novembre 1952,
l’élimination de la “Vieille Garde” : […] IVAN CHTCHEGLOFF, alias GILLES IVAIN / Mythomanie, délire d’interprétation — manque de conscience
révolutionnaire. » — il est à noter que Debord n’écrit pas le nom
d’Ivan avec la graphie que celui-ci avait adopté : Chtcheglov.
Poursuivons : « Debord est pris de cours par le départ
d’Ivan ; il ne comprend pas les causes de cette rupture décrétée par son
ami. Il refuse même de l’admettre, Dans son dépit, soucieux de garder
l’initiative au moins en apparence, il transforme la démission en exclusion :
il met soigneusement au point ce qui doit apparaître comme la vérité
“officielle” de l’épisode dans l’immédiat et pour le futur – pressentant déjà
que c’est sa version des faits qui doit l’emporter et constituer l’histoire du
mouvement. » Le départ d’Ivan a certainement dû contrarier Debord et
le faire réfléchir. Il est en effet le seul de ses amis qui ait pris une telle initiative ;
et il en a, semble-t-il, tiré des leçons quand à la gestion de ses relations
futures. En effet il ne se laissera plus mettre dans cette situation
humiliante ; et se tiendra à son habitude de toujours rompre le premier sans
donner d’explication.
(À suivre)
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