jeudi 5 juillet 2012

Lectures – Tombeau de Marx


Cénotaphe pour un corps disparu

Jusqu’en novembre 1954, la tombe de Marx s’élevait dans une modeste allée latérale du cimetière de Highgate à Londres. À cette date, elle fut transférée près d’une large avenue pour y attendre, en une parfaite clandestinité, l’érection d’un monument de granit à la mesure de l’hôte qu’il devait accueillir. En 1956, le monument désormais officiellement inauguré, offrait un spectacle pharaonique : un buste de belle envergure sur un socle de granit haut de quelque cinq mètres, la tête, dix fois grandeur nature, dominant le paysage au-dessus des murs du cimetière. L’initiative de cette violation de sépulture, perpétrée à l’instigation d’un « Marx Memorial Committee », revenait évidemment à Staline, brûlant de s’emparer de la dépouille du prétendu fondateur, dont seuls pouvaient disposer, selon la loi britannique , les descendants de la famille, en l’occurrence l’aîné des Longuet, Jean (SFIO). Celui-ci s’opposa à ce trafic de sépulture, mais, après sa mort, un autre Longuet, devenu communiste, intervint auprès du ministère de l’Intérieur britannique pour faire aboutir l’entreprise. La momie de Lénine avait ainsi son répondant, juste représentation que les membres des partis communistes se faisaient du théoricien du communisme. / Nulle protestation, et pour cause, ne s’éleva alors du rang des « marxistes » habitués de longue date à célébrer la figure du Fondateur, « chef de l’Internationale », imprimée par leurs soins dans les plis du saint suaire et retouchée au gré des événements. Parfait symbole du sort posthume de l’œuvre d’un auteur qui, après avoir été selon ses propres paroles « l’homme le plus calomnié et le plus menacé de Londres » au lendemain de la Commune de Paris, a dû subir l’injure, plus grave encore, d’être transformé en icône par des partis se réclamant de son nom au mépris de sa pensée.


Ces lignes sont extraites de la Postface de Louis Janover à : Marx et les nouveaux phagocytes, de Maximilien Rubel, Éditions du Sandre. En ce qui concerne Debord, on lira avec profit : Tombeaux de Guy Debord de Jean-marie Apostolidès, Champ / Flammarion.

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