Je voudrais revenir sur le livre* de
Jean-Marie Apostolidès que certains n’aime pas sous prétexte qu’il « psychologiserait »
— ce que des puristes trouvent exorbitant s’agissant de Debord : ce serait
une sorte de crime de « lèse majesté ». Je trouve que c’est justement
pour cela que son livre est intéressant : Apostolidès essaie de voir les
choses de l’intérieur — ce dont Brun est totalement incapable.
Je pense que le livre d’Apostolidès apporte
un éclairage sur le sujet que personne d’autre avant lui n’avait apporté ;
et à ce titre sa lecture est indispensable. Je donnerais, à titre d’incitation
à la lecture, les citations suivantes :
Dans l’Avant-propos,
il écrit : « Loin de la statue de plâtre drapée dans sa supériorité
hautaine que nous présentent parfois les dévots – un homme qui n’aurait ni
dettes intellectuelles ni inconscient –, l’étude concrète des conditions de
fonctionnement de groupes d’avant-garde
montre que les idées qui
prévalent sont celles des hommes qui triomphent dans les combats fratricides pour le pouvoir et la légitimité
au sein de ces groupes. » Et plus loin : « Révolution symbolique
la crise de 68 a permis le passage d’une structure patriarcale à une structure
fraternelle, dont les situationnistes avaient déjà exploré les possibilités
quelques années auparavant. Cependant, ce qui différencie le fondateur de l’I.S.
de la génération née après 1945, c’est qu’il a conservé toute sa vie les
valeurs de l’héroïsme, lié au patriarcat, tandis que les individus venus après-guerre
apportaient eux une idéologie nouvelle fondée sur la victimisation […]. / La
culture héroïque s’appuie sur une conception active de l’homme : elle le comprend
comme un agent de sa propre histoire. Elle autorise la rébellion contre l’ordre
existant, au nom de ce qui pourrait être, de ce que pourrait devenir des
individus soucieux de développer leur propre potentiel. Pour les promoteurs de
la victimisation au contraire les êtres n’ont d’intérêt qu’en raison de leur
place dans la hiérarchie de l’oppression. » Loin d’être un contempteur,
Apostolidès va jusqu’à terminer son Avant-propos
par cette profession de foi (à laquelle on n’est pas obligé de souscrire) :
« Debord réintroduit la dimension de l’utopie : c’est la raison pour
laquelle il pourrait devenir, une fois mieux connu ses projets et les moyens
mis en œuvre pour les réaliser, un guide pour le XXIe siècle. »
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* Jean-Marie Apostolidès, Les Tombeaux de Guy Debord, Champs
Flammarion.
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